Les changements climatiques dans la mire de la Banque du Canada
La Presse Canadienne|Publié le 16 mai 2019Pour la première fois, que la banque centrale souligne que le changement climatique est une vulnérabilité importante.
La Banque du Canada a fait part jeudi de ses préoccupations croissantes face aux défis posés par le changement climatique, un sujet qu’elle considère être, pour la première fois, un des principaux points faibles pour l’économie et le système financier.
La revue du système financier de la banque centrale souligne ainsi que le changement climatique est une vulnérabilité importante, aux côtés de ses inquiétudes persistantes au sujet de la dette des ménages et l’appréhension du marché de l’habitation.
Cette évaluation fait partie du bulletin annuel de la Banque du Canada qui explore les principaux points faibles et les risques liés à la stabilité du système financier.
« L’activité économique et l’environnement sont étroitement liés », a affirmé la banque, qui, comme ses homologues internationales, commence à intégrer les facteurs liés au changement climatique à sa recherche sur la stabilité financière.
« La plupart des experts s’accordent à dire que le climat mondial change et que cette situation a des implications croissantes pour l’économie. Mais l’étendue des effets possibles est vaste. »
Les risques liés au changement climatique comprennent les conséquences d’événements météorologiques extrêmes, tels que les inondations, les ouragans et les sécheresses extrêmes.
Au Canada, la banque a indiqué que les dommages assurés aux biens et aux infrastructures représentaient en moyenne 1,7 milliard $ par an entre 2008 et 2017, soit 8,5 fois plus que la moyenne annuelle de 200 millions $ de 1983 à 1992.
Transition compliquée et coûteuse
Au-delà des dégâts matériels, la banque centrale a souligné que le passage à une économie plus faible en carbone serait compliqué et pourrait être coûteux pour certains.
La transition conduira probablement à des ajustements structurels complexes pour les secteurs à forte intensité de carbone, tels que celui du pétrole et du gaz naturel, et pourrait exposer davantage les compagnies d’assurance, les banques et les gestionnaires d’actifs à des risques, a précisé le rapport. Dans certains cas, des réserves de combustibles fossiles pourraient être laissées dans le sol, ce qui pourrait faire baisser la valeur d’importants actifs, a ajouté la banque.
Par ailleurs, la transformation en une économie à faibles émissions de carbone stimulerait des secteurs comme ceux des technologies vertes et des énergies alternatives, a souligné la Banque du Canada.
« Tant les risques physiques que les risques liés à la transition devraient avoir de vastes répercussions sur l’économie », a affirmé le rapport.
Outre le changement climatique, le rapport a également souligné la vulnérabilité émergente de la hausse du niveau d’endettement des entreprises dans le secteur non financier, une préoccupation croissante observée dans d’autres économies avancées. Certains emprunts sont de moins bonne qualité et la situation doit être surveillée de près, a expliqué la banque.
L’année dernière, la dette non financière des entreprises par rapport au revenu s’élevait à 315 %, ce qui, selon la banque, « dépasse de loin la moyenne historique ».
La banque a déclaré que les vulnérabilités liées à l’endettement élevé des ménages et au marché de l’habitation, qui a connu une période de crise, « ont légèrement diminué, mais restent importantes ».
Les deux ont été des points faibles persistants ces dernières années et les améliorations sont attribuables à un ralentissement de la croissance du crédit depuis 2017, qui a coïncidé avec des politiques de crédit hypothécaire plus strictes et des hausses antérieures des taux d’intérêt.
La proportion de Canadiens en retard dans les paiements de remboursement de leur dette reste « faible et relativement stable », a indiqué la banque. Elle a toutefois noté que depuis 2015, après la chute du prix du pétrole, le nombre de ménages en Alberta et en Saskatchewan cumulant un retard d’au moins 60 jours pour au moins un paiement de crédit a connu « une faible, mais constante hausse ».
Modération sur le marché immobilier
Les prix des logements dans les marchés clés de Toronto et de Vancouver ont diminué ces dernières années, mais les déséquilibres des marchés immobiliers constituent toujours une vulnérabilité importante, a ajouté la banque.
« De nouvelles mesures ont ralenti l’emprunt, modéré les comportements spéculatifs sur les marchés de l’habitation et rendu le système financier plus résilient », a affirmé jeudi le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, dans un communiqué.
« Bien que les facteurs fondamentaux dans le secteur du logement restent globalement robustes, et que l’on s’attende à ce que celui-ci se remette à croître plus tard cette année, nous continuons de surveiller ces vulnérabilités de près. »
Dans l’ensemble, la banque a déclaré que le système financier canadien était résilient, mais le risque a légèrement augmenté depuis son dernier rapport, en juin 2018. Cela s’explique en raison par des facteurs tels que le ralentissement de la croissance économique et les incertitudes entourant le commerce mondial.
Les menaces les plus importantes pour le système financier demeurent une profonde récession à l’échelle du pays, une correction notable des prix des logements et une réévaluation marquée du risque sur les marchés financiers, a estimé la banque.