Les eaux souterraines constituent l’une des plus importantes sources d’eau douce au monde, ce qui fait de l’épuisement des aquifères une préoccupation majeure. (Photo: 123RF)
Washington — Les eaux souterraines qui alimentent les exploitations agricoles, les habitations, les industries et les villes s’épuisent dans le monde entier et, dans de nombreux endroits, plus rapidement qu’au cours des quarante dernières années, selon une nouvelle étude qui préconise de s’attaquer d’urgence à cet épuisement.
Les chercheurs, dont les travaux ont été publiés mercredi dans la revue Nature, ont indiqué que les baisses étaient plus marquées dans les régions sèches où les terres cultivées sont étendues. Point positif: ils ont trouvé plusieurs exemples d’aquifères qui ont été aidés à se reconstituer par des changements de politique ou de gestion de l’eau.
«Notre étude est une histoire de bonnes et de mauvaises nouvelles, a déclaré Scott Jasechko, professeur de ressources en eau à l’université de Californie, à Santa Barbara, et auteur principal de l’étude. La nouveauté de l’étude réside dans sa portée mondiale.»
Les eaux souterraines constituent l’une des plus importantes sources d’eau douce au monde, ce qui fait de l’épuisement des aquifères une préoccupation majeure. Le pompage excessif des aquifères peut entraîner l’enfoncement des sols et l’assèchement des puits, ce qui menace les ressources en eau pour le développement résidentiel et les exploitations agricoles qui s’en servent pour irriguer les champs.
M. Jasechko et ses collègues ont analysé les données relatives aux eaux souterraines de 170 000 puits et de près de 1700 aquifères dans plus de quarante pays, couvrant 75% de l’ensemble des prélèvements d’eau souterraine. Pour environ un tiers des aquifères qu’ils ont cartographiés, ils ont pu analyser les tendances des eaux souterraines au cours de ce siècle et les comparer aux niveaux des années 1980 et 1990.
Cette analyse a permis de dresser un tableau plus complet des réserves d’eau souterraines et de la manière dont les exploitations agricoles et, dans une moindre mesure, les villes et les industries, pèsent sur la ressource presque partout. Les chercheurs et d’autres experts ont également souligné que les gouvernements ne font pas assez pour réguler les eaux souterraines dans la plupart des régions du monde.
«C’est le point essentiel, a souligné Upmanu Lall, professeur d’ingénierie environnementale à l’université de Columbia et directeur du Columbia Water Center, qui n’a pas participé à l’étude. L’épuisement des eaux souterraines se poursuit sans relâche dans la plupart des régions du monde.»
Dans environ un tiers des 542 aquifères pour lesquels les chercheurs ont pu analyser plusieurs décennies de données, ils ont constaté que l’épuisement a été plus important au cours du 21e siècle qu’au cours des vingt dernières années du siècle précédent.
Dans la plupart des cas, cela se produit dans des endroits qui ont également reçu moins de précipitations au fil du temps, ont-ils constaté. Les aquifères situés dans les zones arides où l’agriculture est importante ― dans des endroits tels que le nord du Mexique, certaines parties de l’Iran et le sud de la Californie ― sont particulièrement vulnérables à l’épuisement rapide des eaux souterraines, selon l’étude.
Mais il y a des raisons d’espérer, a dit M. Jasechko.
En effet, dans environ 20% des aquifères étudiés, les auteurs ont constaté que le rythme auquel les niveaux des eaux souterraines baissent au XXIe siècle a ralenti par rapport aux années 1980 et 1990.
«Notre analyse suggère que les pertes d’eau souterraine à long terme ne sont ni universelles ni irréversibles», écrivent les auteurs. Toutefois, dans une interview complémentaire, l’un d’entre eux, Richard Taylor, professeur d’hydrogéologie à l’University College London, a déclaré que le pompage d’une trop grande quantité d’eau souterraine peut endommager les aquifères de manière irréversible lorsqu’il provoque un affaissement du sol et que l’aquifère ne peut plus stocker d’eau.
En Arabie saoudite, l’épuisement des eaux souterraines a ralenti au cours du siècle dans l’aquifère du Saq oriental, ont constaté les chercheurs, peut-être en raison des changements que le royaume désertique a apportés à ses pratiques agricoles au cours des dernières décennies, comme l’interdiction de certaines cultures à forte consommation d’eau, afin de réduire l’utilisation de l’eau.
Le bassin de Bangkok, en Thaïlande, est un autre exemple mis en évidence par l’étude, où les niveaux des eaux souterraines ont augmenté au début du XXIe siècle par rapport aux décennies précédentes. Les auteurs de l’étude ont cité les redevances et les licences de pompage des eaux souterraines établies par le gouvernement thaïlandais comme des raisons possibles de cette amélioration.
À l’extérieur de Tucson, en Arizona, ils ont cité un projet de recharge des eaux souterraines ― dans lequel l’eau de surface du fleuve Colorado est stockée sous terre ― comme un autre exemple d’augmentation considérable du niveau des eaux souterraines au cours du 21e siècle.
«Cela signifie qu’il est possible d’agir, mais aussi qu’il y a des leçons à tirer», a estimé M. Taylor.
Les hydrologues, les décideurs politiques et les autres experts de l’eau décrivent souvent les eaux souterraines comme une ressource locale ou hyperlocale, en raison des différences considérables dans la manière dont l’eau se déplace à travers les roches et les sols dans les différents aquifères.
«On ne peut pas extrapoler d’une région à l’autre, mais on peut clairement constater que l’épuisement est plus rapide que l’accroissement», a rappelé Felicia Marcus, ancienne responsable de l’eau en Californie et membre du programme Water in the West de l’université de Stanford, qui n’a pas participé à l’étude.
Selon Mme Marcus, cela signifie qu’il faut intervenir.
Suman Naishadham, The Associated Press
Abonnez-vous gratuitement aux infolettres de Les Affaires et suivez l’actualité économique et financière au Québec et à l’international, directement livrée dans votre boîte courriel.
Avec nos trois infolettres quotidiennes, envoyées le matin, le midi et le soir, restez au fait des soubresauts de la Bourse, des nouvelles du jour et retrouvez les billets d’opinion de nos experts invités qui soulèvent les enjeux qui préoccupent la communauté des affaires.