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Les Américains se transforment en patrons

AFP|Publié le 22 octobre 2020

L'économie est morose, l'avenir incertain, mais il en faut davantage pour décourager les Américains.

L’économie est morose, l’avenir incertain, mais il en faut davantage pour décourager les Américains: il y a eu plus de créations d’entreprises que jamais ces derniers mois aux États-Unis, un mouvement nourri par un chômage massif et un financement aisé.

«Ce n’est pas aussi surprenant que vous pourriez le penser», explique à l’AFP John Dearie, président et fondateur du Centre pour l’entrepreneuriat américain (Center for American Entrepreneurship).

«Les gens créent des entreprises parce qu’ils ont perdu leur emploi. Et parce qu’ils ont l’argent pour le faire», détaille-t-il.

Les taux d’intérêt sont en effet au plus bas, les banques enclines à prêter, et le niveau d’épargne a atteint un niveau très élevé, notamment grâce aux aides versées par le gouvernement.

Entre juillet et septembre, 1,6 million d’entreprises ont vu le jour dans le pays, un record. La barre du million d’entreprises créées n’avait jamais été dépassée sur un trimestre.

 

Me lancer

«La pandémie a vraiment encouragé les jeunes gens et les adultes à lancer leur entreprise. La raison est très simple: les gens ont perdu leur emploi», observe J.D. LaRock, à la tête de Network for Teaching Entrepreneurship, une organisation qui forme à l’entrepreneuriat, notamment des jeunes, dans douze pays.

«Les gens voient que le monde change, et qu’il y a de nouveaux besoins», les idées d’entreprises «répondent à ces besoins nés (de la crise) de la COVID-19», explique-t-il.

Depuis que la pandémie a fait basculer l’économie, il a ainsi vu arriver «beaucoup, beaucoup d’adultes» avec une idée de longue date, qu’«ils n’avaient jamais eu l’opportunité ou l’argent pour lancer».

C’est le cas de Leeland Lambert, 38 ans. «Au milieu du mois de juin, on m’a dit que j’allais être licencié», a raconté à l’AFP cet ancien responsable des opérations d’un centre d’accueil, qui vit à Salt Lake City, dans l’Utah.

Quand il a appris qu’il allait perdre son travail, il a finalement été «plutôt content». Être au pied du mur, sans perspective de retrouver un emploi à court terme, lui a permis de mettre sur les rails l’entreprise de coaching personnel qui lui trottait dans la tête depuis des années.

«J’ai toujours rêvé d’aider les gens à donner le meilleur d’eux-mêmes (…). Mais voilà, j’avais un boulot, donc je me disais ‘je peux y réfléchir pendant mon temps libre’. Et puis j’ai perdu ce boulot (…) donc j’ai décidé de me lancer».

Pour affiner son projet, Leeland Lambert a repris des études, pour six mois, au terme desquelles il n’exclut pas de devoir chercher un emploi à temps partiel si son entreprise ne décolle pas assez rapidement.

 

Livraison plébiscitée

La crise avait détruit 22 millions d’emplois aux États-Unis. Une moitié d’entre eux a été recréée, mais 8,4 millions d’Américains touchent encore le chômage — beaucoup n’y ont désormais plus droit, sans compter ceux qui ont vu leurs revenus drastiquement chuter.

Alors que certains secteurs comme la restauration ou le tourisme souffrent toujours, créer son entreprise est parfois la seule issue pour gagner sa vie.

Il est difficile de savoir quels secteurs ont bénéficié de ces créations, car les données officielles ne le précisent pas.

John Dearie évoque notamment des activités «en lien avec la crise de la COVID. Par exemple, des activités de livraison de repas», via entre autres Uber, qui demande à ses chauffeurs et livreurs de créer leur propre entreprise.

Tous les services de livraison d’achats en ligne – via Amazon par exemple, qui nécessite aussi de créer une entreprise – ont également de beaux jours devant eux, estime John Haltiwanger, professeur d’économie à l’Université du Maryland.

«Le COVID-19 accélère des tendances déjà en cours dans l’économie», relève-t-il, comme le développement de la vente en ligne.

Pour lui, il y a «beaucoup d’opportunités» à saisir dans ce domaine, car «une partie de ces changements vont devenir permanents, et les entreprises qui vont faciliter cela vont, je pense, bien fonctionner».

Une importante partie de la population américaine est en effet toujours en télétravail, et beaucoup d’élèves n’ont pas encore repris le chemin de l’école.