Les bières et la tequila pourraient aussi voir leur prix grimper.
L’imposition par la Maison Blanche de droits de douane sur tous les biens en provenance du Mexique va durement affecter les économies américaine et mexicaine, intimement liées depuis un quart de siècle par un accord de libre-échange.
Donald Trump a annoncé jeudi soir l’imposition, à compter du 10 juin, « de tarifs douaniers de 5% sur tous les biens en provenance du Mexique » tant que les immigrés clandestins continuent d’affluer aux Etats-Unis en passant par la frontière avec le Mexique.
L’onde de choc a été telle que la Chambre de Commerce des Etats-Unis envisage de porter l’affaire en justice pour empêcher M. Trump de passer à l’acte, selon plusieurs médias.
Une opposition qui se retrouve jusqu’au coeur de l’administration: le Wall Street Journal croit savoir que Robert Lighthizer, l’homme fort des négociations commerciales, était opposé au projet du président.
Un porte-parole de M. Lighthizer a toutefois déclaré à l’AFP que ce dernier « soutenait le président et ce qu’il fait ».
Actuellement, les biens échangés entre les deux pays ne sont pas frappés de droits de douane en vertu de l’accord de libre-échange nord-américain (Aléna), en vigueur depuis 1994.
Et ce dernier doit être remplacé par un accord modernisé, l’AEUMC (accord Etats-Unis, Mexique, Canada), signé le 30 novembre et dont la procédure de ratification pour son application a été lancée cette semaine par les gouvernements des trois pays.
«Avec des importations de marchandises en provenance du Mexique ayant atteint 350 milliards de dollars l’an dernier et des exportations de biens vers le Mexique de 270 milliards de dollars, les échanges commerciaux entre les deux pays sont fortement intégrés», résume Gregory Daco, économiste chez Oxford economics.
En outre, comme de nombreuses marchandises, à l’instar des pièces détachées automobiles, traversent la frontière plusieurs fois avant que le produit fini ne sorte d’usine, les tarifs douaniers représentent un risque important pour l’activité commerciale de part et d’autre de la frontière.
Et dans le scénario du pire, avec un taux de 25% de droits de douane sur toutes les importations en provenance du Mexique, Oxford Economics a calculé que la croissance du PIB américain serait amputée par au moins 0,7 point de pourcentage l’année prochaine, tombant à +1% ou moins tandis que le Mexique entrerait en récession.
Avocats, téquila, voitures
Les consommateurs américains, friands de nombreux fruits (tomates, fruits rouges) et légumes frais de saison (avocats) en provenance du Mexique devraient être en première ligne si les tarifs douaniers américains entraient effectivement en vigueur.
Car ce pays est la première source d’approvisionnement de produits agricoles importés aux États-Unis (2,7 millions de tonnes par an).
Et les importateurs vont devoir arbitrer la question d’imputer tout ou partie des droits de douane sur la nourriture, car les marges de bénéfice dans le secteur sont faibles, explique Dave Salmonsen, spécialiste de la politique commerciale pour la principale fédération agricole, l’American Farm Bureau Federation.
Les bières et la tequila pourraient aussi voir leur prix grimper.
L’impact sur ce secteur crucial pour l’économie américaine, déjà durement affecté par la guerre commerciale avec la Chine, dépendra des éventuelles représailles mexicaines.
Si des mesures de rétorsion étaient prises, il sera d’autant plus grand que « cette année, le Mexique devient le deuxième marché le plus important (après le Canada) pour les exportations » du secteur, souligne M. Salmonsen.
A la faveur du conflit entre Washington et Pékin, Mexico a en effet gagné une place dans le trio de tête des débouchés pour les biens agricoles américains.
Autre industrie clé de l’économie, qui pourrait subir les effets dévastateurs, le secteur automobile : les constructeurs ont des chaînes d’approvisionnement totalement intégrées sur tout le continent nord-américain.
Selon des données de JP Morgan, les importations d’automobiles et de pièces détachées venues du Mexique représentent 75 milliards de dollars annuels.
De possibles perturbations massives de la chaîne d’approvisionnement ne sont ainsi pas exclues.
Confiance
Surtout, l’imposition de tarifs douaniers va détériorer la confiance des entreprises et des consommateurs, amplifiant encore leur impact direct.
Fidèle à son argumentaire habituel, Donald Trump a suggéré vendredi aux entreprises de quitter le Mexique et de revenir aux États-Unis s’ils veulent éviter de payer des droits de douane.
Selon le président américain, les délocalisations vers le Mexique « ont supprimé 30 % » de l’industrie automobile américaine.
Il a en outre rappelé le but de ces tarifs douaniers : arrêter les cartels de la drogue et les immigrés clandestins.
Son conseiller économique Peter Navarro a, lui, balayé d’un revers de la main l’idée que les consommateurs américains seront affectés par cette mesure malgré les mises en garde notamment de la Chambre de commerce américaine.
« Les gouvernements de Chine et du Mexique paieront pour » ces tarifs douaniers, a-t-il déclaré sur CNBC, affirmant que les producteurs étaient contraints d’abaisser leurs prix pour continuer à vendre leurs produits aux États-Unis.