Les agriculteurs en région éloignée veulent de l'aide; Québec en aura pour l'Abitibi

Publié le 03/08/2023 à 13:30

Les agriculteurs en région éloignée veulent de l'aide; Québec en aura pour l'Abitibi

Publié le 03/08/2023 à 13:30

Par La Presse Canadienne

Les producteurs de l’Abitibi s’attendent à ce que la Financière agricole devance les paiements provenant du programme d’Assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA). (Photo: La Presse Canadienne)

Québec annoncera des mesures dans les prochains jours afin de venir en aide aux producteurs agricoles des régions éloignées, à commencer par ceux de l’Abitibi, où la sécheresse a sévèrement affecté les récoltes de foin et les pâturages.

Dans un courriel à La Presse Canadienne, le cabinet du ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne, confirme qu’en raison d’un «déficit de précipitations important» en Abitibi-Témiscamingue, «la Financière agricole du Québec complète actuellement son analyse visant à compenser les entreprises assurées pour la protection d’assurance récolte collective Foin et pâturages. Une communication est prévue dans les prochains jours», précise-t-on.

Les producteurs de l’Abitibi s’attendent à ce que la Financière agricole devance les paiements provenant du programme d’Assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA). Ces paiements sont normalement faits en octobre, mais les producteurs laitiers et bovins ont besoin de foin maintenant pour nourrir leurs animaux et doivent exceptionnellement l’acheter à l’extérieur de la région et le faire transporter.

Inquiétude croissante

«Depuis environ une semaine, j’ai commencé à recevoir des appels plus personnels, des gens qui vont être à la recherche de foin», raconte Michel Robert, président des producteurs de lait de l’Abitibi-Témiscamingue. L’inquiétude s’accroît, car les producteurs font normalement deux coupes de foin: «Cette année, la première coupe était très mauvaise. Les producteurs avaient l’objectif ou l’impression qu’ils se referaient peut-être en deuxième coupe, puis ce n’est pas le cas parce que la sécheresse a continué.»

Contrairement aux régions plus au sud, l’Abitibi n’est pas une région propice au maïs et «la base de l’alimentation des bovins est strictement fourragée», explique Michel Robert. Au-delà de la production laitière, ajoute-t-il, il y a de grands troupeaux bovins de boucherie «de 800, 1000, 1200 vaches-veaux. Ça va prendre des quantités énormes de foin. C’est sûr que ça va coûter extrêmement cher.»

Il souligne au passage que certains de ces achats pourraient se faire au Témiscamingue, qui n’a pas été aussi affecté par la sécheresse que l’Abitibi et où il se cultive également du maïs pour faire de l’ensilage.

Obligé de vendre des bêtes

Plus tôt cette semaine, Radio-Canada Abitibi-Témiscamingue rapportait qu’un producteur de veaux a mis en vente 45 vaches de son troupeau de 260 bêtes. Ses pertes de foin atteignent 80% et ses champs ne pourront produire une deuxième récolte. Avec cette vente, il pourra nourrir une portion du troupeau restant avec sa récolte et devra acheter le foin requis pour l’autre portion.

Dans la production laitière, la dynamique est fort différente, explique Michel Robert. «Les producteurs vont payer le prix pour garder les animaux parce qu’un troupeau laitier ce n’est pas facile à construire, ce n’est pas facile à maintenir. Il y a des attentes importantes par rapport à ce que le ministère de l’Agriculture, la Financière agricole fassent des annonces (…) Ça va prendre des aides pour le foin, mais ça va prendre des aides aussi pour le transport», plaide-t-il.

Plaidoyer pour les producteurs éloignés

La réponse du cabinet d’André Lamontagne survient au moment même où les Producteurs de grains du Québec (PGQ), ceux qui font la culture de maïs, soja, blé, orge, avoine et autres, demandent de l’aide ciblée pour leurs membres en région éloignée.

Évidemment, la demande de PGQ n’est pas faite en silo, reconnaît son directeur général, Benoît Legault: «Les besoins régionaux ne sont pas quelque chose de spécifique à la production de grain. Les autres secteurs demandent aussi un soutien particulier pour les producteurs en région.»

Dans le cas des producteurs de grains en région éloignée, souligne-t-il, ils font déjà face à des coûts plus élevés justement parce qu’ils sont loin: «Ils sont loin des lieux de transformation, loin pour la livraison des produits de grain. Ils sont loin aussi pour aller chercher leurs intrants qui souvent proviennent de régions plus centrales et en plus, leurs saisons sont plus courtes, plus fraîches et plus restreintes pour les rotations de cultures en raison de leurs conditions climatiques particulières.»

Éloignement et météo extrême

Les événements météorologiques extrêmes qui se multiplient, que ce soit la sécheresse en Abitibi ou les pluies diluviennes ailleurs, «sont vécus beaucoup plus difficilement dans les régions qui vivent déjà les défis particuliers de l’éloignement. Les producteurs sont financièrement un peu moins solides, sinon beaucoup moins solides que ceux dans les régions centrales», fait valoir Benoît Legault.

Ce n’est pas la première fois que PGQ et leurs collègues des autres domaines de production agricole demandent des aides plus ciblées et mieux adaptées aux réalités régionales, surtout avec les événements de météo extrême qui se multiplient. «Les programmes plus généraux — qui sont souvent accessibles à l’ensemble du Québec — rejoignent moins les besoins particuliers des régions en périphérie. Les politiques souvent sont établies sur la base de moyennes et quand on fait une moyenne, on a une approche nationale à la forme de soutien aux agriculteurs. Mais à mesure que les problèmes grossissent, ces programmes-là font de moins en moins l’affaire.»

L’Assurance stabilisation des revenus agricoles, par exemple, dans les céréales plus au nord, «ça ne répond pas à leurs besoins particuliers. Il y a un manquement au niveau du soutien des régions.»

Peu d’ouverture à Québec

Le ministre de l’Agriculture semble toutefois peu enclin à aller plus loin dans une aide ciblée spécifiquement pour les régions éloignées, la missive de son cabinet laissant entendre que les programmes existants font déjà le travail: «Plusieurs des outils en place tiennent compte des différentes réalités partout sur le territoire, notamment les particularités d’entreprises des régions périphériques que ce soit en termes de rendements ou de coûts spécifiques qu’elles doivent assumer», écrit-on.

Le ministre Lamontagne semble plutôt enclin à intervenir en réaction à des événements particuliers et non pas en fonction de l’éloignement: «Nous observons ces dernières semaines des conditions météorologiques extrêmement variables, selon les régions et les types de culture, écrit-on de son bureau. Il existe au Québec divers outils visant à protéger les récoltes contre les risques associés aux conditions climatiques et aux phénomènes naturels incontrôlables.»

Il faudra donc voir quelle sera la réponse du MAPAQ dès ce vendredi alors qu’une sortie des producteurs de fruits et légumes est prévue pour parler de «dommages exceptionnellement élevés» en raison de la météo chaotique depuis le début du printemps et de «désastre en devenir» pour de nombreuses entreprises agricoles.

Terres abandonnées en région éloignée

Mais la question de la santé de l’agriculture en région éloignée dépasse largement celle des événements météorologiques, martèle Benoît Legault: «Ce qu’on craint, c’est une perte de capacité de faire de l’agriculture en région et ce qu’on observe, dans un premier temps, c’est la perte de superficie productive. C’est un phénomène sournois parce qu’il s’opère de façon très graduelle. Ces terres-là, on les perd très graduellement, mais le cumulatif après 10 ans, 15 ans est énorme.»

Or, dit-il, au moment où le Québec parle de souveraineté alimentaire et où la planète est sous une pression climatique intense, «on ne peut pas se permettre de perdre la capacité des terres moins productives. Le Québec et le monde entier n’ont pas la capacité de mettre de côté ces superficies», plaide Benoît Legault.

Ce que le Québec considère comme étant des terres moins productives sont en fait des terres très productives quand on les regarde d’un point de vue international. «Au Lac-Saint-Jean, en Abitibi, il y a beaucoup de ces terres qui sont en jachère, mais qui présentent beaucoup de potentiel comparativement à plusieurs régions en production agricole dans le reste du monde.»

«Il faut avoir une approche généreuse si on ne veut pas perdre des superficies», conclut Benoît Legault.

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