Face à la perspective d’une grève possible à compter du 9 décembre, le président américain Joe Biden avait décidé de confier le dossier au Congrès. (Photo: Getty Images)
Washington — Les élus de la Chambre des représentants sont intervenus directement mercredi pour débloquer un conflit social et éviter une grève du fret ferroviaire potentiellement catastrophique pour l’économie des États-Unis.
Ce projet de loi, adopté par une majorité des élus de la chambre basse du Congrès, impose un accord de branche à la profession, bien qu’il n’ait pas été approuvé par tous les partenaires sociaux. Il doit désormais être adopté par le Sénat.
Face à la perspective d’une grève possible à compter du 9 décembre, le président américain Joe Biden avait décidé de confier le dossier au Congrès, habilité par une loi de 1926 à imposer l’adoption d’un accord en cas d’impasse dans les négociations.
«Le président attend qu’un texte lui soit soumis d’ici le week-end prochain», a commenté, après le vote, la porte-parole de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre, lors d’un point de presse.
L’accord préliminaire, à application rétroactive à 2020 et qui porte jusqu’en 2025, avait été signé par huit des douze syndicats du secteur, mais les quatre organisations réfractaires se disaient prêtes à appeler leurs membres à cesser le travail.
Le texte prévoit une augmentation de salaire de 24% au cours de la période de cinq ans allant de 2020 à 2024 (avec effet rétroactif), avec une augmentation de salaire de 14,1% avec effet immédiat, ainsi que cinq primes annuelles de 1 000 dollars chacune.
La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a justifié la décision d’en passer par la voie législative pour figer la nouvelle convention collective du fret ferroviaire par la nécessité de «protéger l’économie américaine qui poursuit son rétablissement et d’éviter l’arrêt dévastateur du rail au niveau national».
Une grève du fret aurait amputé l’activité économique américaine de deux milliards de dollars par jour, selon une estimation de l’Association américaine des chemins de fer.
En 2020, environ 28% des marchandises transportées aux États-Unis le sont par le rail, selon la compagnie Union Pacific.
Risque politique écarté
Dans la mesure où 97% du réseau utilisé par la compagnie nationale ferroviaire Amtrak est géré par des opérateurs du fret, une grève aurait également eu des répercussions considérables pour le trafic passagers.
La perspective d’une paralysie du rail américain présentait également un risque politique majeur pour le président Joe Biden, alors que l’inflation demeure élevée et que l’économie américaine montre déjà des signes de ralentissement.
Mais en forçant l’adoption de la convention collective et passant outre le dialogue social, le chef de l’État s’est exposé à des critiques de syndicats et de l’aile gauche du parti démocrate.
Pour tenter de rallier les opposants, les démocrates ont présenté mercredi une proposition de loi complémentaire qui prévoit sept jours de congés maladie garantis par an.
Les congés maladie avaient cristallisé le mécontentement de nombreux employés du secteur, certaines compagnies n’en accordant aucun en l’état.
Ce deuxième texte a été adopté dans la foulée du vote sur l’accord même.
Avant le vote, trois des quatre syndicats réfractaires étaient sortis de leur opposition de principe à l’intervention du politique, et avaient appelé le Congrès à adopter le texte complémentaire sur les congés maladie.
Après l’adoption à la Chambre, l’un des quatre syndicats, le BMWED, a «applaudi les élus (…) qui ont soutenu la proposition de congés maladie pour les cheminots du fret».
L’organisation a, néanmoins, lancé une pique aux parlementaires, dans un tweet: «Le saviez-vous? Les membres du Congrès ont des congés maladie illimités».
Lors de son point de presse quotidien, la porte-parole de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre a indiqué que Joe Biden avait des réserves quant au recours à un second texte.
«Bien sûr, le président est favorable aux congés maladie […], mais il ne soutient pas un texte ou un amendement qui retarderait l’arrivée du [projet de loi sur l’accord] sur son bureau d’ici samedi», a-t-elle déclaré.
Malgré ce passage en force politique, Joe Biden reste «le président le plus favorable aux syndicats de l’histoire» des États-Unis, a martelé Karine Jean-Pierre.