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Le Canada et ses alliés doivent faire face au défi de la Chine

La Presse Canadienne|Publié le 21 Décembre 2021

Le Canada et ses alliés doivent faire face au défi de la Chine

Le premier ministre Justin Trudeau a balayé d’un revers de main la suggestion selon laquelle le Canada est en quelque sorte redevable aux Américains concernant sa nouvelle politique chinoise. (Photo: La Presse Canadienne)

Ottawa — Le premier ministre Justin Trudeau estime que le Canada n’a aucune dette envers ses alliés, y compris les États-Unis, pour leur aide à tenir tête à la Chine et à mettre un terme à l’affaire Meng Wanzhou ainsi que celle des deux Michael.

«Le Canada et les États-Unis ont résolu l’impasse de près de trois ans avec la Chine en maintenant fermement leur croyance commune dans l’ordre international « fondé sur des règles », et cette approche unie sera essentielle pour relever les défis posés par la Chine à l’avenir», a déclaré M. Trudeau dans une entrevue de fin d’année avec le bureau d’Ottawa de La Presse Canadienne.

Deux Canadiens emprisonnés, Michael Kovrig et Michael Spavor, ont été libérés en septembre après plus de 1000 jours passés dans les prisons chinoises après que les autorités américaines aient abandonné leurs poursuites contre Meng Wanzhou, une haute dirigeante de Huawei que le Canada a arrêté en décembre 2018 en vertu d’un mandat d’extradition américain.

À (re)lire: Huawei, Meng Wanzhou et les deux Michael: une saga diplomatico-judiciaire

Les emprisonnements de Michael Kovrig et de Michael Spavor ont été largement considérés comme des représailles à l’arrestation de Mme Wanzhou au Canada afin que les Américains puissent la forcer à subir un procès pour violation présumée des sanctions commerciales avec l’Iran. La longue saga a pris fin lorsque les États-Unis ont retiré leur demande d’extradition et ont conclu un accord de poursuites différées.

David Cohen, le nouvel ambassadeur des États-Unis au Canada, a laissé entendre lors de son témoignage devant la commission sénatoriale des relations étrangères le mois dernier que l’administration Biden s’impatientait de voir Ottawa adopter une politique chinoise alignée sur la position ferme de Washington.

M. Trudeau a balayé d’un revers de main la suggestion selon laquelle le Canada est en quelque sorte redevable aux Américains concernant sa nouvelle politique chinoise.

«Ce qu’il y a de bien quand on défend ses valeurs et l’État de droit, qu’on ne conclut pas d’accords à l’amiable et qu’on ne cède pas à la pression, c’est que lorsqu’on défend ses valeurs et la façon dont les choses sont censées fonctionner, on finit par ne rien devoir», a déclaré le premier ministre dans l’entrevue.

Dans sa confirmation au Sénat américain en novembre, M. Cohen a qualifié la Chine de «menace existentielle» pour les États-Unis et a déclaré qu’il serait impliqué dans des discussions pour «s’assurer que les politiques du Canada reflètent ses paroles en termes de traitement avec la Chine».

M. Trudeau n’a pas semblé être en décalage avec cette pensée au cours de l’entrevue, mais il a aussi clairement indiqué qu’il ne suivra les intentions de personne d’autre.

 

5G de Huawei

Le premier ministre n’a donné aucune indication quant à la décision tant attendue de son gouvernement d’interdire ou non à la société chinoise de haute technologie Huawei l’accès à la prochaine génération d’Internet 5G au Canada. Le Canada est actuellement le dernier des membres de l’alliance de partage de renseignements «Five Eyes» à décider de cette question clé de sécurité internationale. L’alliance comprend les États-Unis, qui considèrent Huawei comme une menace pour la sécurité, ainsi que la Grande-Bretagne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Pour (re)lire l’analyse géopolitique de François Normand: Pourquoi le Canada devra dire non à la 5G de Huawei

Le gouvernement canadien a retardé sa décision concernant Huawei parce qu’il ne voulait pas que Michael Kovrig et Michael Spavor en subissent les conséquences en prison. Il y a deux mois, M. Trudeau a affirmé qu’une décision à propos de la 5G se prendra dans quelques semaines, mais il semble certain que la question ne sera pas résolue avant l’arrivée de 2022.

«Fondamentalement, c’est une décision de compétitivité, c’est une décision de sécurité, c’est une décision sur l’avenir de nos réseaux de télécommunication qui est si incroyablement importante», a expliqué M. Trudeau.

«Nous avons eu de nombreuses conversations au fil des ans sur la sécurité de nos réseaux de télécommunication et les télécoms regardent la façon dont le monde évolue», a-t-il ajouté, «et très franchement, la façon dont la Chine s’est comportée sur la scène mondiale, dont la détention arbitraire des deux Michaels n’est pas la moindre.»

 

«Une stratégie indopacifique»

Quelques heures avant l’entrevue, M. Trudeau a publié les lettres de mandat de ses nouveaux ministres, et si le mot «Chine» était sensiblement absent de la lettre de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, le pays était carrément abordé.

Sans proposer d’échéancier, M. Trudeau a demandé à Mme Joly «d’élaborer et de lancer une stratégie indopacifique globale visant à renforcer les partenariats diplomatiques, économiques et de défense ainsi que l’aide internationale dans la région».

L’étiquette «Indo-Pacifique» est largement considérée dans les cercles de politique étrangère comme un raccourci destiné à exclure la Chine dans les discussions sur la vaste entité géopolitique de l’autre côté de la frontière canadienne de l’océan Pacifique.

«Vous travaillerez à promouvoir la paix et la sécurité, à combattre l’autoritarisme et à contrer l’ingérence étrangère par des réponses internationales collectives, notamment en élargissant notre coopération avec des partenaires aux vues similaires et des organisations canadiennes, internationales et multilatérales», indique la lettre de mandat de Mme Joly.

Justin Trudeau est arrivé au pouvoir en 2015 dans l’espoir d’approfondir les relations économiques et politiques avec la Chine, mais l’effort s’est essoufflé en 2017 lorsque les deux pays n’ont pas réussi à s’entendre sur le lancement de négociations de libre-échange. Les relations ont plongé à un niveau historiquement bas fin 2018 avec les arrestations de Mme Wanzhou et des deux Michaels et sont depuis demeurées dans un gel diplomatique.

Alors que l’année 2021 tire à sa fin, M. Trudeau a affirmé que le Canada reste déterminé à travailler en partenariat avec ses alliés pour affronter la Chine.

«L’expérience que nous avons vécue avec la détention arbitraire des deux Michaels a été une illustration très vivante de l’approche moderne de la Chine en matière de diplomatie mondiale. Et je pense que nous sommes extrêmement conscients à la fois de ce défi, mais aussi de ce qui a fonctionné contre ce défi, c’est-à-dire, d’abord et avant tout, rester fidèles à nos valeurs et à la règle de droit», a déclaré le premier ministre.

M. Trudeau a fait remarquer que les pays du monde entier soulevaient régulièrement le sort des «deux Canadiens détenus arbitrairement en Chine, au grand dam de leurs interlocuteurs chinois, dans toutes sortes de réunions bilatérales».

«Cet alignement concerté entre pays aux vues similaires, et une fermeté autour de l’ordre fondé sur des règles et de la primauté du droit sont ce que nous allons devoir continuer à mettre au centre de la façon dont nous abordons non seulement la Chine, mais toutes sortes de défis internationaux.»