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Philippe Leblanc

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Expert(e) invité(e)

La théorie des bottes

Philippe Leblanc|Publié le 22 octobre 2021

La théorie des bottes

Apparemment, la théorie des bottes expliquant l'injustice socio-économique nous vient d'un livre écrit par M. Terry Pratchett, auteur de romans fantastiques et connu pour sa série Discworld de 41 tomes. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Je n’avais jamais entendu parler de cette théorie avant cet été, alors que nous faisions la lecture en famille de l’ébauche de mon livre (sur lequel je continue de travailler activement), lorsqu’il a été question de la difficulté d’économiser.

Mon fils, Christophe, m’a alors parlé de cette «théorie des bottes» qui avait été mentionnée dans un livre qu’il avait lu.

Cela a piqué ma curiosité et une petite recherche sur le sujet m’a amené vers un article intéressant, paru en décembre 2019 sur le site du magazine financier Moneywise, et écrit par M. Tom Huffman: «Boots Theory of Socioeconomic Unfairness».

Apparemment, la théorie des bottes expliquant l’injustice socio-économique nous vient d’un livre écrit par M. Terry Pratchett, auteur de romans fantastiques et connu pour sa série Discworld de 41 tomes.

La théorie est tirée d’un dialogue dans le livre Man at Arms de cette série, publié en 1993, dans lequel un certain capitaine Samuel Vimes donne son opinion concernant les différences entre les habitudes de consommation des gens riches et des gens pauvres:

«Prenez l’exemple de bottes. Il gagnait 38$ par mois, plus indemnités. Une très bonne paire de bottes de cuir coûtait 50$. Mais des bottes à prix modique, qui étaient à peu près adéquates pour une saison ou deux, après quoi elles prenaient fortement l’eau lorsque le carton de leurs semelles était usé, coûtaient environ 10$. C’était le genre de bottes que Vimes achetait toujours et qu’il portait jusqu’à ce que les semelles soient si minces qu’il pouvait dire où il se situait à Ankh-Morpork par une nuit de brouillard grâce à la sensation qu’il avait des pavés.

En revanche, les meilleures bottes duraient des années et des années. Celui qui pouvait s’offrir une paire à 50 $ avait les pieds toujours secs après dix ans, alors que le pauvre qui pouvait s’offrir seulement les bottes moins chères aurait dépensé 100$ en bottes pendant la même période et aurait toujours eu les pieds mouillés.»

Pour l’auteur, cette théorie expliquerait en bonne partie le fossé entre les riches et les pauvres.

Même si mon cheminement est bien moins littéraire, je suis arrivé à des conclusions similaires concernant l’investissement dans des stocks en Bourse. De fait, Warren Buffett est parvenu à cette conclusion bien avant moi, ayant consacré les premières années de sa carrière à ce qu’il appelait les «mégots de cigares» (cigar butts), ces titres que l’on peut acheter pour pas grand-chose et qui nous offrent encore quelques bonnes bouffées de fumée. Après quelques années et avec les conseils de Charlie Munger, Buffett a réalisé qu’il valait beaucoup mieux investir dans des entreprises de grande qualité à un prix raisonnable et les conserver pendant de nombreuses années – l’équivalent de bottes à 50$.

Comme les meilleures bottes, les titres de grande qualité achetés à prix raisonnable finissent avec les années par être de bien meilleurs placements qu’une série de mégots de cigares ou de bottes à 10$. En plus, ils gardent les pieds au sec! En effet, les sociétés de grande qualité causent typiquement bien moins de stress car elles traverseront les périodes économiques difficiles sans trop d’ennuis et continueront de faire progresser leurs bénéfices et enrichir leurs actionnaires à long terme.

Selon la théorie des bottes, il faut acheter la qualité à bon prix pour s’enrichir à long terme. C’est vrai pour la plupart des produits de consommation, tels que les vêtements ou les appareils ménagers, et c’est aussi vrai pour les actions en Bourse.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

Chef des placements chez COTE 100