La sécurité au travail semble stagner dans les entreprises
La Presse Canadienne|Publié le 05 septembre 2022Les lois canadiennes figurent parmi les plus strictes du monde développé, selon des experts. (Photo: La Presse Canadienne)
Calgary — Le Canada semble avoir réalisé peu de progrès en matière de sécurité au travail au cours des dernières années.
Par exemple: pas moins de 12 morts liées à des accidents de travail sont survenues depuis 2014 dans les installations de Suncor dans les sables bitumineux, un total qui surpasse l’ensemble de ses concurrents. Ce piètre bilan est l’une des raisons de la démission du chef de la direction Mark Little, le mois dernier.
Le chef de la direction par intérim, Kris Sims, a reconnu le mois dernier que la société savait qu’elle devait améliorer son bilan en matière de sécurité. Le moment d’y parvenir est venu, a-t-il lancé.
Il n’a donné aucune précision. Kris Sims a toutefois indiqué que Suncor prévoyait annoncer ces intentions à l’occasion d’une présentation aux investisseurs, cet automne.
«Suncor, une grande entreprise, cherche constamment à améliorer le contrôle de la qualité et ses méthodes, mais on y rapporte encore des tragédies, souligne Shirley Hickman, directrice générale d’une organisation de soutien aux familles des victimes. Que se passe-t-il dans les plus petites entreprises qui ne possèdent pas les mêmes ressources que Suncor ? On fait de plus en plus de sensibilisation sur la sécurité au travail, alors quelle est la pièce manquante du puzzle ?»
En 2008, 1035 personnes sont mortes en lien avec le travail, selon les données de l’Association des commissions des accidents du travail du Canada.
Depuis, la moyenne annuelle des décès liés à un accident de travail ou à une maladie professionnelle s’élève à 945. Le nombre exact annuel fluctue légèrement. Le bilan n’a pas reculé de manière significative, même si les lois canadiennes figurent parmi les plus strictes du monde développé, selon des experts.
«J’entends souvent dire les gens qu’à cause des nouvelles technologies, ces données devraient être en baisse, mais ce n’est pas le cas, constate Alyssa Grocutt, étudiante au doctorat de l’Université Queen’s. Quand nous les examinons, nous constatons que le bilan est stable ou en hausse.»
Son père est mort lors d’un accident de travail survenu en 2008 dans les installations de Suncor Energy dans le nord de l’Alberta. Elle étudie les conséquences des accidents de travail mortels sur les proches et les collègues.
Shirley Hickman a également perdu un proche à cause d’un accident de travail. Son fils Tim a été tué par une explosion dans un amphithéâtre. Selon elle, plusieurs entreprises éprouvent de la difficulté à incorporer la sécurité dans la culture de travail. Si plusieurs ont écrit des protocoles, les employés préfèrent souvent prendre des raccourcis.
Un travailleur qui voit quelque chose pouvant nuire à sa sécurité devrait se sentir libre d’en aviser son superviseur, mais plusieurs hésitent de crainte de passer pour un plaignard, déplore-t-elle.
«Si on ne les écoute pas, ils devraient avoir assez confiance en eux pour ne pas faire cette tâche, ou encore de s’en aller même si c’est difficile à faire», ajoute Shirley Hickman.
Wynny Silito, de Calgary, souhaite que les gens soient plus conscients des répercussions d’un accident de travail. Cette accidentée du travail souffre toujours de trouble de stress post-traumatique, plus de 11 ans après avoir été exposée à un produit chimique qui lui a brûlé le haut du corps.
«On n’a pas besoin de perdre un membre pour voir sa vie changer à jamais», lance-t-elle.