La Chine suspend toutes les importations de viande canadienne
La Presse Canadienne|Publié le 26 juin 2019La décision a été prise parce que près de 200 faux certificats sanitaires de vétérinaires auraient été identifiés.
La Chine a suspendu toutes les exportations de viande canadienne, nouvelle escalade dans son différend diplomatique avec le Canada à la suite de l’arrestation de la dirigeante de Huawei à Vancouver, confirme l’ambassade chinoise.
Ce dernier coup d’éclat intervient alors que le premier ministre Justin Trudeau s’envole mercredi pour le sommet du G20 au Japon. Il devrait alors compter sur le président américain Donald Trump pour évoquer le sort des deux Canadiens détenus en Chine, lors d’une rencontre avec le président Xi Jinping.
Dans une déclaration publiée sur son site internet, l’ambassade explique que la décision a été prise parce que près de 200 faux certificats sanitaires de vétérinaires auraient été identifiés dans des produits de porc exportés en Chine.
Des résidus de ractopamine, un additif alimentaire interdit en territoire chinois, auraient également été retrouvés dans la viande canadienne, selon l’ambassade.
La ministre fédérale de l’Agriculture, Marie-Claude Bibeau, a indiqué que l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) avait déjà « identifié un problème ayant trait à de faux certificats d’exportation, qui pourrait avoir une incidence sur les exportations de produits du porc et du bœuf vers la Chine ».
L’ACIA a toutefois mis en place des mesures pour régler ce problème « technique » et continue de travailler avec l’industrie et les autorités chinoises, a assuré la ministre Bibeau.
Seuls les certificats d’exportation pour la Chine sont concernés, a-t-elle ajouté.
« Le système alimentaire canadien est l’un des meilleurs du monde, et nous sommes convaincus de la salubrité des produits canadiens et des exportations canadiennes », a conclu la ministre.
Un impact potentiellement majeur
David Duval, président des Éleveurs de porcs du Québec et lui-même éleveur en Montérégie, s’est dit déçu de la décision de la Chine et a exhorté le Canada à régler rapidement le conflit diplomatique, qui pourrait avoir des répercussions catastrophiques sur l’industrie, selon lui.
« On a des usines partout au Québec, on génère 2,5 milliards $ de retombées économiques. C’est majeur l’industrie porcine au Québec et c’est quand même majeur au Canada », a-t-il soutenu en entrevue téléphonique.
Selon lui, il est possible que le problème émane de la « diplomatie, du fonctionnariat et de documents mal remplis », mais il écarte complètement la possibilité que le porc canadien contienne des résidus de ractopamine.
« Ça fait au-dessus de dix ans que le Canada n’utilise pas de ractopamine, a-t-il indiqué. C’est impossible. »
« Est-ce que le produit est passé par un port ailleurs et a été manipulé par d’autres gens, avec d’autres boîtes ? Je ne le sais pas. »
Une longue querelle
En décembre dernier, la Chine a arrêté Michael Kovrig et Michael Spavor quelques jours après l’arrestation de Meng Wanzhou à l’aéroport de Vancouver, en vertu d’un mandat d’extradition américain. La dirigeante de Huawei a depuis été libérée en attendant la suite des procédures d’extradition au Canada. Les Américains veulent la juger pour fraude.
Depuis lors, la Chine a interdit pratiquement toutes les semences de canola canadiennes, en soutenant qu’elles sont infestées par des parasites, puis Pékin a entravé les exportations canadiennes de viande de porc, de pois et de soja.
Les porte-parole du gouvernement chinois, y compris son ambassadeur à Ottawa, ont recommandé au Canada de mettre fin aux procédures d’extradition contre Mme Meng, menaçant le pays de « graves conséquences » possibles, bien qu’ils n’aient jamais directement lié cette affaire aux mesures de rétorsion commerciales imposées par Pékin.
Les ministres canadiens ont par ailleurs été incapables de rencontrer leur homologue chinois. M. Trudeau espère que le sommet du G20 à Osaka sera l’occasion de progresser vers une résolution de ce conflit.
Le cabinet du premier ministre a peu parlé de la possibilité que M. Trudeau invite le président chinois à le rencontrer en tête à tête. David Mulroney, un ancien ambassadeur canadien en Chine, estime qu’on ne devrait pas en être surpris: la Chine n’est pas du tout intéressée par une telle rencontre bilatérale. C’est en fait le président Trump qui demeure la meilleure carte du Canada, selon lui, mais le premier ministre pourrait aussi utiliser le G20 pour discuter de cette question avec d’autres leaders.
Christopher Sands, directeur du Centre d’études canadiennes à l’Université Johns Hopkins, convient que le Canada n’a guère privilégié le jeu offensif dans ce dossier, mais il suggère aussi que le Canada tente actuellement de rallier d’autres dirigeants du G20 à sa cause.