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Philippe Leblanc

Entre les lignes

Philippe Leblanc

Expert(e) invité(e)

La Bourse sur une perspective de 100 ans (partie II)

Philippe Leblanc|Publié le 18 septembre 2020

La Bourse sur une perspective de 100 ans (partie II)

BLOGUE INVITÉ. Dans mon précédent blogue, j’ai présenté deux changements observés par les auteurs du livre «The Triumph of the Optimists» dans les marchés boursiers mondiaux de 1900 à 2000. Le premier changement concerne la taille relative des marchés boursiers de divers pays.

Ainsi, on a vu notamment que les États-Unis avaient atteint une position de leadership mondial dès le début du 20e siècle et que leur domination s’est creusée tout au long du siècle. À la fin de 2000, selon les auteurs, la Bourse américaine représentait près de la moitié de la valeur des sociétés cotées en Bourse à travers le monde. Le deuxième changement met en évidence la divergence dans l’évolution des marchés boursiers américain et britannique au cours du siècle. Le pouvoir politique et économique est clairement passé de l’empire britannique aux États-Unis durant la période, ce qui s’est reflété dans les performances respectives des deux Bourses.

Dans ce blogue, je vous présente l’évolution dans la composition des marchés boursiers par secteur industriel au cours du 20e siècle, toujours selon les auteurs de «Triumph of the Optimists».

De nombreux observateurs d’aujourd’hui croient que nous sommes actuellement au cœur d’une révolution technologique sans précédent dans l’histoire. Or, selon les auteurs, c’est tout faux. Pour appuyer leurs dires, ils citent un article du Financial Times du 13 janvier 2001: «La notion que la technologie de l’information représente la plus grande transformation depuis la Révolution industrielle est historiquement erronée. Les changements technologiques entre 1880 et 1940 ont excédé, tant en termes de portée et que d’intensité, tout ce qui s’est produit depuis.»

Selon les auteurs, la révolution industrielle a apporté de nouvelles sources d’énergie (électricité, pétrole et gaz), de nouveaux modes de transport (véhicules moteur et avions), de nouvelles industries (automobile et pharmaceutique), de nouveaux médias et de nouvelles manières de communiquer (téléphone et radio), de nouveaux produits (électroménagers, produits de consommation de masse, antibiotiques) et de nouveaux produits de divertissement (cinéma et télévision). Ces changements majeurs ont eu une incidence profonde sur la composition par industrie des marchés boursiers au 20e siècle. Voici les poids relatifs de quelques industries du marché boursier américain au début de 1900 et de 2000. Les secteurs industriels sélectionnés sont ceux qui existaient déjà en 1900:

 

 

Je soulignerai seulement deux des changements majeurs survenus au cours du siècle. D’une part, la chute de l’importance des chemins de fer dont le poids dans le marché est passé de 62,8% à 0,2%. De plus, les auteurs estiment que s’ils avaient inclus les diverses sociétés fournissant des produits et des services aux transporteurs ferroviaires, la proportion du secteur aurait été de plus de 70%. Après plus de 100 ans de développement, le réseau ferroviaire américain était presque entièrement complété au tournant du 20e siècle. Alors que la concurrence était quasi inexistante en 1900, elle s’est rapidement accrue dans les décennies qui ont suivi avec l’évolution de l’automobile qui a décimé la demande pour le transport ferroviaire de passagers et celle du camion qui a remplacé une grande partie de la demande pour le transport de marchandises.

Le deuxième changement important est l’essor de nouveaux secteurs qui étaient très petits ou même inexistants en 1900, de 4,8% en 1900 à 62,4% en 2000. Pour mieux comprendre ces changements, les auteurs ont recréé le même tableau que ci-haut, mais en partant des secteurs industriels existants en 2000:

 

 

 

Ainsi, cinq secteurs industriels inexistants ou très petits en 1900 représentaient plus de 47% de la valeur du marché américain en 2000: technologie de l’information, pharmaceutique, pétrole et gaz, industriels diversifiés, média et photographie.

Voyez-vous des secteurs très petits ou même inexistants en 2000 qui seraient susceptibles de prendre de l’importance dans les prochaines décennies? L’intelligence artificielle? L’électrification des transports? De nouvelles sources d’énergie renouvelable? Le transport et le tourisme spatial?

Difficile de répondre à ces questions, mais l’histoire du 20e siècle nous démontre que des changements majeurs sont à prévoir au 21e siècle. Compte tenu de la vitesse à laquelle les nouvelles technologies progressent de nos jours, je parie que nous n’aurons pas besoin d’attendre 2100 pour les observer.

La suite la semaine prochaine pour discuter d’un phénomène qui semble très actuel – le poids démesuré de quelques sociétés dans les marchés boursiers. La domination des FAANG serait-elle un phénomène unique à notre temps?

Philippe Le Blanc, CFA, MBA