Il était aussi l’un des hommes les plus riches de la péninsule, avec une fortune évaluée début avril par Forbes à 6,4 milliards d’euros. (Photo : DR)
Milan — L’ancien chef de gouvernement italien Silvio Berlusconi, sulfureux milliardaire aussi célèbre pour ses manoeuvres politiques que pour ses démêlés judiciaires et frasques sexuelles, est mort lundi à l’âge de 86 ans.
Soigné à l’hôpital San Raffaele de Milan (Nord) pour une leucémie, le sénateur y était entré vendredi après y avoir déjà effectué de multiples séjours. Selon les médias italiens, il ne répondait plus ces derniers temps au traitement anticancéreux.
Quelques minutes après l’annonce de son décès, des dizaines de personnes se sont rassemblées devant l’hôpital, alors que se multipliaient en Italie les réactions du monde politique et sportif.
Car le parcours de cet éternel revenant , dont la mort politique fut maintes fois annoncée à tort puisqu’il est encore élu sénateur en 2022, se confond avec l’histoire italienne des 30 dernières années.
Il était aussi l’un des hommes les plus riches de la péninsule, avec une fortune évaluée début avril par Forbes à 6,4 milliards d’euros.
Adoré ou détesté, cet amateur assumé de femmes beaucoup plus jeunes que lui, y compris des call-girls, s’était retrouvé impliqué dans une myriade de procès liés à ses soirées «Bunga Bunga» controversées.
A l’étranger, Berlusconi, habitué à promettre tout et son contraire, était surtout connu pour la ribambelle de scandales dans lesquels il fut impliqué , ses gaffes devenues légendaires, ses procès à répétition et ses coups d’éclat diplomatiques.
Allié encombrant de la cheffe du gouvernement d’extrême droite Giorgia Meloni, il l’a plusieurs fois mise dans l’embarras avec ses déclarations russophiles après l’invasion de l’Ukraine.
Ami personnel de Vladimir Poutine, qu’il a reçu dans sa mégavilla en Sardaigne, il a rejeté plusieurs fois sur Kiev la responsabilité du conflit.
«L’Italie pleure»
S’il restait populaire pour une proportion d’Italiens, son parti Forza Italia, une machine à gagner les élections qu’il avait fondée en 1994, a suivi son lent déclin, passant de presque 30% des voix aux législatives de 2001 à 8% en 2022.
Dans un message vidéo, Giorgia Meloni a salué le «courage» et la «détermination» de son allié, voyant en lui «l’un des hommes les plus influents de l’histoire de l’Italie».
«Silvio Berlusconi a marqué l’histoire de ce pays. Beaucoup l’ont aimé, beaucoup l’ont détesté: chacun aujourd’hui doit reconnaître que son impact sur la vie politique, mais aussi économique, sportive et télévisuelle a été sans précédent», a réagi l’ancien Premier ministre et sénateur Matteo Renzi (centre), sur Facebook.
«Aujourd’hui l’Italie pleure avec sa famille, ses proches, ses entreprises, son parti», a-t-il ajouté.
«Le grand combattant s’en est allé», a tweeté le Premier ministre hongrois Viktor Orban.
Après avoir débuté son ascension à Milan dans le BTP, l’entrepreneur doté d’un bagout à toute épreuve s’était lancé avec succès dans la télévision, inventant la TV paillettes des années 1980 qui fera sa fortune, lui permettant entre autres d’investir dans des clubs de foot, d’abord l’AC Milan puis l’AC Monza.
Côté scandales, M. Berlusconi a été condamné à sept ans de prison pour prostitution de mineure et abus de pouvoir pour des fêtes dites «bunga-bunga» enlevées par la jeune Marocaine «Ruby», avant d’être définitivement acquitté en 2015.
Au bout de six ans, un tribunal de Milan l’a relaxé en février 2023 dans un procès annexe, où il avait été accusé d’avoir corrompu des témoins pour mentir sur ces soirées qui ont fait scandale.
L’octogénaire, dont la dernière compagne Marta Fascina était de 53 ans sa cadette, avait encore fait scandale en décembre 2022 quand il avait promis à ses joueurs du Monza d’amener «dans le vestiaire» un «car de putes» en cas de victoire.
Au fil des ans, le sourire carnassier du «caïman», l’un de ses nombreux surnoms, s’était toutefois figé sur son visage lifté au maquillage «épais comme le parquet», expression cruelle, ciselée par un éditorialiste.
«Il Cavaliere»
Né le 29 septembre 1936, Berlusconi, fils d’un employé de banque milanais, commence à travailler comme animateur sur des bateaux de croisière, où il chantait et racontait des histoires drôles.
Armé d’une licence de droit, il se lance dans les affaires, entamant une irrésistible ascension qui soulève des interrogations quant à l’origine de sa fortune, sur laquelle il est toujours resté flou.
Mais c’est surtout dans le secteur de la télévision que s’exprime son génie créatif de grand communicant, qui saupoudre ses programmes de femmes dénudées pour plaire au grand public.
La holding de la famille Berlusconi, Fininvest, compte trois chaînes de télévision, des journaux, les éditions Mondadori et bien d’autres participations.
Quelques minutes après l’annonce de son décès, le titre de son groupe MediaForEurope était en hausse de près de 10% à la Bourse de Milan, sur fond de spéculations sur l’avenir de son empire et d’éventuelles cessions de parts envisagées par ses héritiers.
Fan de football, Silvio Berlusconi a présidé pendant 31 ans l’AC Milan , qui a remporté cinq fois la Ligue des champions sous son ère, avant de vendre en avril 2017 à des investisseurs chinois.
En 1994, il crée Forza Italia, et à l’issue d’une campagne-éclair relayée par son empire médiatique, il devient chef du gouvernement avant d’être lâché par ses alliés sept mois plus tard.
Il revient au pouvoir en 2001 pour cinq ans, un record depuis l’après-guerre. Battu d’un cheveu en 2006, il prend sa revanche deux ans plus tard, s’installant aux commandes pour la troisième fois. Mais en novembre 2011, il doit céder sous les huées les rênes d’une Italie en proie à une grave crise financière.
Toujours sans héritier politique, il ressurgit en 2013 sur la scène politique en raflant près d’un tiers des voix aux législatives.
Quelques mois plus tard, la longue litanie de ses déboires judiciaires aboutit à une première condamnation définitive, pour fraude fiscale: un an de prison – effectué sous forme de travaux d’intérêt général dans une maison pour personnes âgées – six ans d’inéligibilité et l’expulsion du Sénat.
Il doit alors renoncer au titre de «chevalier de l’ordre du travail» qui lui avait valu d’être appelé «Il Cavaliere».
Père de cinq enfants issus de deux mariages, il était plusieurs fois grand-père.