Il faut s’attendre à ce que la pandémie bouleverse le statu quo
Philippe Leblanc|Publié le 10 avril 2020(Photo: Getty images)
BLOGUE INVITÉ. Au cours des années qui ont suivi la crise financière de 2008-2009, de nombreux observateurs ont adopté la formule «nouvelle normalité» («New Normal») pour décrire ce qui s’est produit économiquement. Dans les années qui ont suivi cette crise, la reprise économique a été longue et lente, contrairement aux reprises qui ont typiquement suivi les récessions des dernières décennies.
La nouvelle normalité a été caractérisée par une faible croissance économique, des taux d’intérêt très bas par rapport aux dernières décennies, un taux d’endettement des gouvernements historiquement élevé, peu d’inflation et le quasi plein emploi dans de nombreux pays occidentaux. On aurait pu continuer encore longtemps sur cette lancée, si le nouveau coronavirus n’avait pas fait des siennes.
Or, je crois qu’il faut s’attendre à ce que la pandémie bouleverse le statu quo au cours des prochaines années. On a déjà vu que les gouvernements sont prêts à tout faire pour que l’économie ne soit pas trop affectée par les sévères mesures de restriction imposées un peu partout dans le monde dans le but de contrer les ravages de la pandémie. Ils feront tout pour aider les entreprises et les consommateurs à traverser les semaines à venir.
S’ils ont appris une chose de la crise financière de 2008-2009, c’est qu’il est préférable d’intervenir rapidement et énergiquement pour permettre au système économique de continuer d’opérer presque normalement. Si l’on veut que l’économie puisse rebondir après la pandémie, il faut avant tout que les entreprises et les consommateurs survivent financièrement.
Ainsi, les investissements et les plans de sauvetage des gouvernements se calculent en multiples de billions de $ (milliers de milliards de dollars). C’est la chose à faire selon moi, mais quelqu’un devra un jour payer pour l’endettement substantiel qui résultera de cette crise. Qui le fera, et comment?
Je vois deux options. La première serait d’augmenter sensiblement les impôts aux entreprises et aux particuliers, tout en réduisant les dépenses gouvernementales. Je crois toutefois que cette option est limitée et qu’elle ne passerait pas très bien politiquement.
La deuxième est à mon avis la plus plausible: les banques centrales continueront d’imprimer de l’argent et d’acheter la dette qui aura été émise par les gouvernements. Le résultat probable sera une hausse du taux d’inflation pendant de nombreuses années. Seule une hausse de l’inflation permettra probablement de réduire le fardeau de la dette énorme qui résultera de la pandémie.
Quel serait l’impact d’un tel scénario sur les divers types de placements et comment l’investisseur pourra-t-il s’en sortir?
À mon avis, il devrait privilégier les types de placements qui permettent de le protéger de l’inflation à venir: les actions de sociétés en Bourse, l’immobilier et l’or. De ces trois classes d’actif, je préfère les deux premières puisqu’elles procurent un revenu, contrairement à l’or.
En revanche, dans un tel scénario, les placements à revenus fixes deviendront de moins en moins attrayants. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée d’acheter des obligations à long terme à taux fixes, surtout que les taux d’intérêt qu’elles offrent sont très bas.
Si l’on privilégie les actions de sociétés, j’ajouterais qu’il sera préférable de choisir des titres de sociétés qui seront aptes à refiler les hausses de coûts à venir en haussant le prix de leurs produits ou services. Les entreprises qui ont la capacité d’augmenter le prix de leurs produits grâce à une demande relativement peu élastique seront mieux placées pour contrer l’inflation.
Ma boule de cristal est trouble, surtout présentement. Une «nouvelle normalité» de ce genre me semble néanmoins un scénario fort plausible pour les années à venir.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA