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Étude: mieux comprendre la parole au travers du bruit

La Presse Canadienne|Publié le 23 novembre 2021

Étude: mieux comprendre la parole au travers du bruit

Dans certains cas, la difficulté à percevoir clairement la parole dans un environnement bruyant commence à se manifester dès l’âge de 30 ans, et certains pourront commencer à éviter des endroits comme les bars et les restaurants. (Photo: 123RF)

Des travaux réalisés à l’Université Laval pourraient un jour permettre aux aînés de recommencer à participer pleinement aux réunions familiales ou à ceux qui travaillent dans un environnement bruyant de le faire en toute sécurité.

Les chercheuses Pascale Tremblay et Valérie Brisson ont en effet constaté qu’il est possible d’améliorer la compréhension de la parole au travers du bruit ambiant en stimulant une zone du cerveau principalement associée à la planification et l’organisation du mouvement, le cortex prémoteur ventral gauche.

Cette région intervient aussi dans les commandes envoyées aux muscles pour activer la prononciation d’un mot, en plus d’être activée dans les situations où des paroles sont difficiles à décoder.

«On a ciblé deux régions (du cerveau), puis une des deux a vraiment bien répondu, a dit Mme Tremblay. On a eu une augmentation de la capacité des gens à percevoir la parole dans le bruit.»

La stimulation magnétique transcrânienne (SMT) utilisée lors de cette expérience, à laquelle participaient 34 sujets âgés de 32 à 79 ans ayant une audition normale pour leur âge, est comparable à celle parfois utilisée dans le traitement de la dépression.

Les chercheuses ont fait entendre à leurs sujets, à trois reprises, des syllabes identiques ou presque identiques, avec en bruit de fond quatre voix humaines entremêlées. Les participants devaient ensuite dire si les syllabes étaient les mêmes ou non.

Les sujets ont été soumis à une séance de SMT de trois minutes avant chaque test. L’appareil active les zones ciblées du cerveau en dirigeant vers elles de brèves impulsions magnétiques, un processus sans douleur qui, selon Mme Tremblay, ressemble à la sensation d’un crayon qu’on cognerait contre la tête.

 

Jeunes et moins jeunes

Les chercheuses ont constaté que la SMT a amélioré les résultats même chez les personnes âgées, ce qui démontrerait que même un cerveau vieillissant conserve la plasticité nécessaire pour profiter de cette intervention.

L’exemple classique est d’ailleurs celui des aînés qui finissent par ne plus être en mesure de participer aux conversations lors d’une fête familiale, simplement parce qu’il y a trop de bruit autour d’eux.

«C’est très dommage parce qu’après, les gens ont souvent tendance à penser que ces gens-là ont des troubles cognitifs, qu’ils ne sont pas capables de participer, a dit Mme Tremblay. Mais ils sont capables, c’est juste qu’ils ne sont pas capables dans ce contexte-là. Donc on peut voir qu’ils vont se retirer et les gens vont aussi sans s’en rendre compte (…) de moins en moins les intégrer à la conversation.»

Mais il n’y a pas que les aînés qui pourraient profiter de cette découverte. Dans certains cas, rappelle Mme Tremblay, la difficulté à percevoir clairement la parole dans un environnement bruyant commence à se manifester dès l’âge de 30 ans, et certains pourront commencer à éviter des endroits comme les bars et les restaurants.

Même à la maison, des bruits de fond comme celui du lave-vaisselle ou du chauffage pourront finir par être problématiques.

«C’est une difficulté qui est très prévalente et très invasive, a dit Mme Tremblay. Ça a un grand impact sur le désir de communiquer et sur la capacité à communiquer. Ça affecte la qualité de vie.»

On pourrait aussi penser aux ouvriers qui travaillent dans un milieu bruyant et dont la sécurité pourrait être rehaussée s’ils comprenaient mieux ce qui se dit autour d’eux.

Même les gens qui ont une audition parfaitement normale pourront peiner à converser dans un milieu trop bruyant, a ajouté Mme Tremblay, et il ne s’agit donc pas d’un trouble d’audition. On dirait davantage que le cerveau perd sa capacité à suivre le fil d’une conversation quand il est assailli de bruit.

Pour l’instant, la SMT améliore de 5% la capacité à comprendre la parole dans un environnement bruyant. C’est trop modeste pour être utile cliniquement, mais on pourrait un jour envisager un traitement dont les bienfaits seraient ressentis pendant plusieurs mois, comme cela est actuellement le cas lors du traitement de la dépression par SMT.

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal médical Brain and Language.