(Photo: 123RF)
Les familles monoparentales seraient les plus vulnérables aux difficultés financières, selon une récente étude.
Alors que le taux d’endettement des ménages au Québec est en croissance, tous ne sont pas égaux face aux dettes. Une récente enquête démontre que les ménages avec enfants sont plus à risque d’avoir des difficultés à rembourser leurs dettes, et c’est d’autant plus le cas pour les familles monoparentales ou séparées. Une réalité qui affecte directement les enfants, qui sont à la fois au cœur des dépenses et premières victimes des dommages collatéraux de l’endettement.
Dans le cadre d’une conférence-midi présentée le 13 décembre dernier, le Partenariat de recherche Familles en mouvance présentait les résultats de l’Enquête sur l’endettement des ménages québécois. «Sans surprise, on découvre que les personnes seules avec enfant ont plus de difficultés à rembourser leurs dettes», témoigne Lorraine Desjardins de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ).
Réalisée à l’hiver 2022 auprès de plus de 4800 répondants/es, l’enquête démontre que 46% des parents monoparentaux ont des difficultés à rembourser leurs dettes, et 31% pour les couples ayant des enfants en garde partagée. Le tout descend à 23% pour les couples ayant des enfants à temps plein et à 21% pour les couples sans enfant.
Notons que les personnes seules sans enfant peinent aussi à payer leurs dettes, dans une proportion de 34%.
«On croit qu’il y a une causalité entre l’endettement et le fait d’avoir des enfants. Si on est sans enfant, on accepte plus facilement de se “priver”, même pour les choses essentielles comme la nourriture. Mais avec des enfants, on va être prêt à s’endetter encore plus pour répondre aux besoins», explique Maude Pugliese, chercheuse principale de l’étude.
Parmi les parents séparés, 35% disent que leurs efforts pour l’épanouissement et la qualité de vie de leurs enfants font partie des raisons de leurs dettes.
La professeure Magalie Quintal-Marineau explique d’ailleurs qu’il y a une pression grandissante dans la société, qui encouragerait les parents à dépenser davantage qu’autrefois pour leurs enfants. Cette pression peut s’exercer par le biais des médias, des publicités ou encore de l’école. Elle prend aussi parfois la forme d’une compétition entre deux parents séparés.
Les mères sont d’ailleurs doublement désavantagées : d’abord parce qu’elles font en moyenne un salaire moindre, mais également d au fait qu’elles sont plus souvent celles qui restent à la maison pour s’occuper des enfants.
Un des enjeux majeurs est également la question du logement. «Avec des enfants, on va être plus soucieux des quartiers où on va habiter», explique Maude Pugliese. La flambée des prix des loyers, conjointement à la crise du logement, affecte disproportionnellement les familles, qui ont besoin de logements plus grands que les couples sans enfant ou les personnes seules.
Le coût moyen d’un 4 et demi au Québec a augmenté de 8% entre 2021 et 2022, tandis que l’on parle de 9,5% pour un 5 et demi selon une enquête du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ).
Enfin, «les parents issus de l’immigration sont plus susceptibles d’être touchés par les difficultés financières et de vivre des discriminations en rapport avec l’emploi ou le logement», rappelle Lorraine Desjardins.
En plus d’impacter le budget quotidien, les difficultés financières d’un ménage affectent tous les membres de la famille. L’étude évaluait le niveau de stress engendré par les dettes, rapportant que pour les familles nucléaires (couple avec des enfants communs seulement) le niveau de stress est évalué à 3,4/10, alors qu’il grimpe à 4,12/10 pour les familles recomposées, et 5/10 pour les familles monoparentales.
«Des parents stressés, ça veut dire des parents qui ont la mèche plus courte. Ça occasionne des relations parents-enfants plus tendues», explique Lorraine Desjardins.
«Ça veut aussi dire moins de loisirs, donc moins de possibilités de socialisation [pour les enfants], ce qui peut engendrer une mise à l’écart et des problèmes de stigmatisation». Si la nourriture et le loyer sont des dépenses prioritaires, les loisirs et les sorties scolaires sont plus facilement «coupées» par les parents endettés.
Alors que le prix d’une épicerie minimale a augmenté de 15% entre 2021 et 2022, les banques alimentaires ne suffisent plus à la demande. Parmi les bénéficiaires, 34% sont des enfants, et 42% des ménages avec enfants, selon le Bilan-Faim 2022. «Un enfant qui a faim, c’est un enfant qui manque de concentration et qui est plus à risque d’éprouver des retards et des difficultés d’apprentissage», explique Lorraine Desjardins.
Le surendettement n’est pas simplement causé par la mauvaise gestion d’un budget. En plus de la flambée des loyers et de l’inflation actuelle, l’insuffisance des couvertures publiques et du salaire minimum auraient leurs rôles à jouer, défend la FAFMRQ.
Pour sortir de la pauvreté, une personne travaillant 35 heures par semaine doit avoir un salaire de 18 $ l’heure, alors que le salaire minimum actuel s’élève à 14,25 $ l’heure.
Les taux d’intérêt élevés sur les cartes et marges de crédit contribuent également à la réalité du surendettement. Alors que les PDG des cinq plus grandes banques au Canada ont vu leur rémunération augmenter de 23% en 2021, le paiement minimum des cartes de crédit est à la hausse et atteindra 5% d’ici 2025.
À l’approche du temps des fêtes, de nombreuses familles devront prendre des décisions déchirantes, et les enfants vivront bien malgré eux les conséquences directes du surendettement.
Par Mélina Nantel, Initiative de journalisme local