«Ian» a charrié sur son passage des vents violents et des pluies torrentielles, transformant parfois des rues en véritables canaux. (Photo: Scott Olson pour Getty Images
New York — Maisons soufflées ou sous l’eau, infrastructures endommagées, entreprises et exploitations agricoles à l’arrêt: l’ouragan Ian va peser sur la croissance américaine, coûter des dizaines de milliards de dollars (G$) aux assureurs en Floride et laisser en difficulté de nombreux propriétaires non assurés.
Après avoir touché terre mercredi à l’ouest de la Floride, Ian a charrié sur son passage des vents violents et des pluies torrentielles, transformant parfois des rues en véritables canaux.
L’évaluation de l’ampleur de la dévastation est encore très préliminaire. Mais il est d’ores et déjà établi que «l’ouragan devrait fortement perturber l’activité économique sur dix jours, avec les coupures d’électricité, les annulations de vols, la suspension de la production énergétique, l’impact sur les exploitations agricoles, en particulier les oranges», énumère Gregory Daco, économiste pour le cabinet EY-Parthenon.
Ian devrait au final peser sur le produit intérieur brut de la Floride à hauteur de 6% au troisième trimestre et sur celui des États unis à hauteur de 0,3%, estime le spécialiste.
Comme pour tous les désastres naturels, cet impact économique s’amoindrira progressivement, surtout quand sera engagé «un effort de reconstruction en matière d’infrastructures portuaires, routières, résidentielles», indique M. Daco à l’AFP. Mais cet effet «se déroule sur plusieurs années.»
À plus court terme, les pertes liées au vent sur les propriétés résidentielles et commerciales devraient atteindre pour les assureurs entre 22 et 32G$ tandis que les pertes liées aux inondations pourraient coûter 6 à 15G$, a calculé le cabinet spécialisé CoreLogic.
Changement climatique
«Il s’agit de la tempête la plus coûteuse en Floride depuis que l’ouragan Andrew a touché terre en 1992», a commenté un responsable de CoreLogic dans un communiqué publié jeudi.
L’agence de notation Fitch évalue de son côté les pertes assurées entre 25 et 40G$ en Floride, un montant qui pourrait s’élever en fonction de l’impact de Ian sur les États plus au nord. Son homologue S&P Global Rating avance un chiffre de 30 à 40G$.
Pour le cabinet Moody’s Analytics, les pertes pour les assureurs pourraient atteindre 45 à 55G$, et l’activité économique perdue en Floride s’élever entre 7 à 10G$.
En prenant une estimation moyenne et ajustée de l’inflation (46G$), il entrerait dans le top 10 des ouragans les plus coûteux aux États-Unis, selon les calculs du cabinet, derrière notamment les ouragans Katrina en 2005 (160G$), Harvey (124G$) ou Maria (111G$) en 2017.
Ces premières estimations ne prennent pas en compte les bâtiments n’ayant pas d’assurance inondation, qui représentent la grande majorité de l’immobilier en Floride.
Selon des données du cabinet Milliman transmises vendredi à l’AFP, seulement 18,5% des maisons dans les comtés soumis à un ordre d’évacuation à l’approche de l’ouragan possèdent une assurance souscrite auprès de l’organisme public chargé d’apporter ce genre de couverture (National flood insurance program). Très peu d’assurances privées proposent cette option.
L’État fédéral vient parfois au secours de ces non-assurés en payant pour un hébergement temporaire ou des réparations basiques, mais l’aide reste limitée.
Les cotisations pour les assurances habitation en Floride étaient déjà plus élevées qu’ailleurs et la situation ne devrait pas s’arranger.
L’État «pose déjà plus de risques environnementaux» qu’ailleurs, entre sa géographie et le changement climatique qui rend les ouragans plus dévastateurs et fait monter les eaux, explique à l’AFP Denise Rappmund, analyste pour l’agence Moody’s.
Cette situation est compliquée par le fait que les habitants, incités par des avocats et des professionnels du bâtiment, ont la plainte facile, ajoute la spécialiste: la Floride compte pour 8% des déclarations de sinistres du pays, mais pour 75% des déclarations donnant lieu à un contentieux.
La plupart des grands groupes d’assurance avaient déjà réduit leur exposition à la Floride, et de nombreuses petites sociétés plus locales ont fait faillite ces dernières années.
«On va probablement voir encore quelques liquidations», prédit Mme Rappmund.