États-Unis: les mesures d’aide aux perdants de la transition énergétique pourraient rater leur cible

Publié le 14/12/2023 à 15:27

États-Unis: les mesures d’aide aux perdants de la transition énergétique pourraient rater leur cible

Publié le 14/12/2023 à 15:27

Par AFP

Les États-Unis pourraient perdre au moins deux à trois millions d’emplois au cours des quinze prochaines années du fait de la transition énergétique et de l’effet ricochet négatif. (Photo: 123RF)

La transition énergétique risque d’entraîner aux États-Unis des suppressions d’emplois industriels très importantes, selon des experts qui estiment que les mesures concoctées par les autorités pour amoindrir le choc pourraient ne pas être à la hauteur des attentes.

Le président démocrate Joe Biden a injecté, notamment avec la loi de 2022 sur la réduction de l’inflation (IRA), 1 200 milliards de dollars américains pour des investissements majeurs destinés à la transition énergétique, mais aussi pour aider les régions qui vont en pâtir.

Des initiatives en faveur du climat qui ont reçu un nouveau souffle lors de la 28e conférence annuelle de l’ONU sur le climat à Dubaï cette semaine.

L’accord adopté mercredi appelle à «effectuer une transition hors» des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon), avec des systèmes énergétiques exempts d’émissions de CO2 d’ici le milieu du siècle.

Les mesures adoptées par l’administration américaine prévoient des subventions pour des projets réalisés dans des régions spécialisées dans l’exploitation du charbon ou pour la conversion d’usines — fabriquer des véhicules électriques au lieu de moteurs à combustion par exemple — et même de raffineries pétrolières.

L’objectif est d’assurer «une transition forte et équitable vers les véhicules électriques» et de maintenir «des emplois de grande qualité dans des régions où se trouvent actuellement des infrastructures industrielles», selon le ministère de l’Énergie.

Des engagements qui paraissent prometteurs, mais qui ne convainquent pas tout le monde sur leur efficacité. Les financements opérés dans le cadre de ces programmes sont en effet canalisés vers des entreprises ayant des plans de croissance, pas vers des employés dont les usines ferment.

 
Jeunes travailleurs

Pour Gordon Hanson, professeur à Harvard, les mesures de l’administration américaine vont surtout permettre de doper la production proclimat plutôt qu’aider les employés d’entreprises affectées par la transition énergétique.

Selon lui, de nombreux nouveaux investissements en matière de véhicules électriques ont été réalisés dans des États du Sud comme la Géorgie et le Tennessee avec le recrutement de jeunes employés, tranchant avec la base traditionnelle des travailleurs de l’automobile dans le Midwest industriel.

Les États-Unis pourraient perdre au moins deux à trois millions d’emplois au cours des quinze prochaines années du fait de la transition énergétique et de l’effet ricochet négatif, a relevé M. Hanson.

«Nous devons nous préparer à ce que ce soit perturbateur», prévient-il. «Sinon, cela va beaucoup ressembler à ce qu’il s’est passé pour l’industrie avec la mondialisation et l’innovation technologique ces trois dernières décennies, et ce ne sera pas joli à voir».

Le ministère de l’Énergie a annoncé le 27 novembre une enveloppe de 275 millions de dollars pour financer sept projets dans des régions ayant des mines de charbon ou des fermetures d’usines alimentées au charbon.

Ces fonds doivent servir à la fabrication d’éoliennes, de matériels de stockage de l’électricité et de pièces détachées pour batteries de véhicules électriques.

Alpen High Performance Products va utiliser 5,8 millions pour acheter de l’équipement dernier cri lui permettant d’accroître sa production de verre hautement isolant.

Cet équipement est destiné à une usine du Colorado située près d’une centrale électrique à charbon ayant fermé récemment et à une autre près de Pittsburgh où des emplois miniers ont disparu, explique Brad Begin, son patron.

 

Contact syndical 

«La demande explose actuellement», ajoute-t-il, prévoyant de recruter une centaine de personnes supplémentaires grâce aux modifications du code de la construction qui favorisent les vitrages à haute performance.

Dans sa demande de subvention, l’entreprise avait fait part de son intention de contacter un syndicat de mineurs de charbon de Pennsylvanie au sujet des postes à pourvoir.

Si le nombre de travailleurs passant de secteurs en souffrance vers des emplois verts a progressé, moins de 1% des employés ayant quitté un «emploi sale» ont décroché un «emploi vert», d’après une étude du Bureau fédéral de recherche économique publiée en juillet.

E. Mark Curtis, économiste de l’université Wake Forest et co-auteur de cette étude, a salué l’attention portée aux régions du charbon tout en insistant sur les défis, particulièrement pour les travailleurs plus âgés et pour les non diplômés.

Selon lui, une raison d’être optimiste réside dans le fait que «30% des employés quittant l’industrie des énergies fossiles se dirigent vers le secteur manufacturier».

«Si l’IRA génère des emplois manufacturiers dans des régions spécialisées dans les énergies fossiles, ce sera bien pour ces régions», a-t-il relevé.

M. Hanson plaide pour des mesures consacrées aux travailleurs vulnérables sans qu’elles ne soient liées au développement des énergies vertes.

Il suggère également de mieux financer l’éducation supérieure dans les régions en difficulté, où les indemnités de chômage devraient être renforcées et les prêts aux petites entreprises stimulés.

 

 

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