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É-U: la pandémie fait planer le spectre des faillites en série

AFP|Publié le 14 mai 2020

De nombreuses sociétés jouent leur survie en raison de l'hémorragie de liquidités.

Les grandes entreprises américaines des secteurs affectés par la crise provoquée par le nouveau coronavirus ont généralement survécu à l’onde de choc initial. Elles ne sont pas pour autant sorties d’affaire, la reprise s’annonçant longue et difficile.

La pandémie a contraint les autorités à restreindre le transport aérien et à fermer les magasins jugés non essentiels. Les sociétés pétrolières ont, elles, pâti des mesures de confinement qui ont considérablement réduit la circulation des personnes.

Mais les entreprises ont très vite pu bénéficier de facilités de prêts bancaires et de report d’impôts. Elles ont trouvé des fonds leur permettant de continuer à payer leurs factures. 

De nombreuses sociétés jouent toutefois leur survie en raison de l’hémorragie de liquidités qui ne s’arrêtera que lorsque l’économie rebondira pleinement.

Au-delà de la poignée de chaînes de vêtements comme JCrew qui s’est placée récemment sous le régime des faillites américaines (chapitre 11), l’inquiétude grandit sur le spectre de banqueroutes à grande échelle.

«L’injection de 3 000 milliards de dollars a permis de gagner du temps», estime David Kotok, cofondateur de Cumberland Advisors, en référence aux efforts massifs du gouvernement fédéral pour soutenir l’économie américaine.

«Cela n’a fait que retarder» les faillites, avance-t-il.

Or il faudra, selon lui, environ cinq ans pour que la première économie du monde ne se rétablisse pleinement.

D’ici là, la crise va gagner d’autres secteurs comme les loisirs, l’immobilier, l’énergie et «d’autres qui n’ont pas encore fait surface», ajoute M. Kotok.

Le président de la Banque centrale américaine Jerome Powell a lui-même prévenu mercredi que la reprise pourrait être plus longue et plus difficile que prévu. D’ici là, il faut tenir la barre.

 

Incertitude et coûts

Le directeur général de Boeing, David Calhoun, a, lui, jeté un pavé dans la mare en estimant cette semaine «très probable» l’effondrement d’une grande compagnie aérienne américaine, sans avancer de nom.

Alors pour économiser de l’argent, les entreprises s’organisent: le groupe de forage pétrolier Nabors Industries va suspendre ses dividendes après avoir déjà réduit ses dépenses et son budget d’investissement.

Il risque toutefois de se heurter à un autre problème: l’augmentation probable des taux d’intérêt de ses prêts, a pointé Credit Suisse dans une note.

Même problématique chez le croisiériste Royal Caribbean Cruises qui a lancé mercredi un emprunt obligataire de 3,3 milliards de dollars, garanti par des navires.

Or environ 45% des passagers des croisières annulées ont demandé un remboursement en espèces dans un «climat d’incertitude important concernant la fermeture et la disponibilité des ports dans le monde», a indiqué la compagnie.

Cette hausse des intérêts n’est qu’une des raisons pour lesquelles il sera difficile pour les entreprises des secteurs les plus touchés d’être rentables une fois les restrictions liées à la COVID-19 levées.

Jusqu’à ce qu’il y ait un vaccin sur le marché, de nombreuses entreprises devront respecter les protocoles de distanciation physique, ce qui induira une activité qui ne tournera pas à plein régime et des coûts supplémentaires.

Les magasins vont certes rouvrir mais ils devront limiter le nombre de consommateurs présents simultanément.

Les cinémas devront, eux, condamner des rangées entières de sièges pour respecter la distance nécessaire entre les spectateurs.

 

La survie, à quel prix?

Les programmes de la Fed de soutien des marchés du crédit ont largement contribué jusqu’à présent au maintien de l’activité de nombreuses entreprises, y compris de celles dont la solvabilité est remise en cause par les agences de notation.

Ces sociétés ont en effet pu lever de l’argent auprès des marchés, les investisseurs étant rassurés par des déclarations de la Banque centrale qu’elle rachètera des créances en cas de possible défaut de paiement.

Pour les entreprises, cela a permis d’éviter à ce stade la faillite, inéluctable si elles n’avaient pu trouver des liquidités.

Depuis le 23 mars, les entreprises fragiles financièrement et en quête de trésorerie ont levé près de 530 milliards de dollars sur les marchés, faisant des mois d’avril et de mars parmi les plus féconds en matière d’émissions obligataires, selon les données de Refinitiv.

Mais l’enjeu «est le prix du financement de la survie (des entreprises) sur deux ou trois ans», souligne David Kotok.