De la recherche pour aider à parler d’amour et d’argent
La Presse Canadienne|Publié le 21 novembre 2023La Chaire argent, inégalités et société se penchera sur les inégalités dans la gestion des finances personnelles, comme les inégalités hommes−femmes ou les inégalités vécues par les immigrants. (Photo: La Presse Canadienne)
La recherche universitaire peut−elle contribuer à mieux outiller les conseillers financiers pour discuter des inégalités financières potentielles dans un couple? C’est le pari que font l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et la Chambre de la sécurité financière (CSF) qui lancent une nouvelle chaire de recherche.
La Chaire argent, inégalités et société se penchera sur les inégalités dans la gestion des finances personnelles, comme les inégalités hommes−femmes ou les inégalités vécues par les immigrants.
Elle aura pour mission de produire de la recherche, mais également de fournir de la formation et des outils pour les membres de la CSF.
Le projet est né, il y a «un peu plus d’un an», à la suite d’une conférence que donnait la professeure de l’INRS Hélène Belleau, une spécialiste des questions financières dans le couple. «Je me suis dit: “faut faire quelque chose avec ça”», raconte la présidente et chef de la direction de la CSF, Marie Elaine Farley, en entrevue.
Le premier sujet de recherche de la nouvelle chaire portera sur les situations conjugales «complexes». Par exemple, une famille recomposée dont les deux conjoints ont des enfants d’une précédente union. «C’est compliqué pour les gens eux−mêmes», reconnaît Mme Belleau, qui est titulaire de la nouvelle chaire.
La Chaire collaborera avec les membres de la CSF afin de voir comment les conseillers en services financiers jonglent avec ce genre de situation et quelles solutions certains d’entre eux ont trouvées.
«On veut mieux outiller les conseillers en services financiers pour qu’ils puissent proposer des choses qui soient à la fois équitables et égalitaires, qui conviennent mieux à ce genre de situation», explique Mme Belleau.
Le sujet est d’autant plus important que de nombreux couples en union de fait ignorent que leur statut ne procure pas les mêmes droits, obligations et protections que le mariage en cas de séparation, souligne Mme Farley.
«Si le conseiller amène le sujet en amont et qu’il aborde les conséquences en cas de séparation, peut−être que ça va amener une répartition plus équitable dans le couple, que ce soit pour les dépenses ou l’épargne. C’est plus facile d’en parler quand ça va bien.»
La méconnaissance du contexte juridique de l’union de fait entraîne des inégalités, particulièrement pour l’épargne à long terme pour la retraite, ajoute Mme Belleau. «Les conjoints ont tendance à gérer l’épargne à plus long terme séparément, même si une bonne part gère l’argent ensemble au quotidien.»
«La personne qui gagne le plus va parfois pouvoir mettre des sous de côté pendant ce temps−là, poursuit la professeure. Il va pouvoir petit à petit mettre un certain montant de côté dans ses REER. Quand le couple se sépare, il y en a un qui a pu mettre des sous de côté et l’autre pas.»
La chercheuse souligne également que les femmes sont financièrement pénalisées par leurs responsabilités familiales, notamment parce qu’elles diminuent leurs revenus pour prendre soin des enfants. Au bout du compte, les revenus de retraite des femmes sont près de 40% moins élevés que ceux des hommes au Québec, souligne-t-elle. «Le coût de la vie familiale est très cher pour les femmes.»
Deux autres projets de recherche
Outre les situations «complexes», l’INRS mènera deux autres projets. L’un portera sur la dynamique économique des personnes immigrantes. «Il y a plusieurs questions, en fait, qui sont soulevées pour lesquelles on a très peu de réponses, illustre Mme Belleau. Est−ce que les personnes issues de l’immigration ont les moyens ou arrivent à épargner pour la retraite ou à plus long terme?»
L’autre étude portera sur les perceptions et pratiques financières dans les régions où l’écart de revenus est plus élevé entre les hommes et les femmes. C’est le cas dans les régions éloignées où les industries les plus présentes offrent des emplois bien rémunérés dans des secteurs de métiers traditionnellement masculins.
«C’est ça qu’on veut aller vérifier: est−ce que l’absence de garderie et les distances à parcourir finissent par faire en sorte que les femmes restent plus à la maison? (…) Certaines n’ont toute simplement pas les moyens de quitter leur conjoint (si elles le souhaitent).»
Le but sera de mieux outiller les conseillers financiers qui travaillent dans ses régions, affirme Mme Belleau. «Est−ce que les conseillers en services financiers peuvent agir, peuvent faire quelque chose pour essayer de réduire ces inégalités?»
Stéphane Rolland, La Presse Canadienne