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COVID-19: le secteur canadien d’EPI s’effondre

La Presse Canadienne|Publié le 16 mars 2023

COVID-19: le secteur canadien d’EPI s’effondre

En avril 2020, George Irwin a répondu aux appels à l’aide des gouvernements. Il a suspendu les opérations de son entreprise familiale de jouets, Irwin Toy, pour importer des masques en Ontario. (Photo: La Presse Canadienne)

La plupart des entreprises canadiennes qui ont créé pendant la pandémie de COVID-19 un secteur national d’équipements de protection individuelle (EPI) se sont effondrées.

L’association qui les représente affirme que 90% d’entre elles ont été contraintes de fermer ou de se tourner vers d’autres secteurs parce que les gouvernements du Canada et de l’Ontario ont accordé des contrats à une multinationale entreprise américaine et à une firme du Québec.

Barry Hunt, président de l’Association canadienne des fabricants d’EPI, a déclaré en entrevue que «la plupart des entreprises sont en faillite et celles qui ne le sont pas le seront rapidement.»

Barry Hunt signale que d’importantes commandes d’EPI des gouvernements fédéral et ontarien ont été passées à la société américaine 3M, qui possède une installation à Brockville, en Ontario, et à Medicom, au Québec. Les hôpitaux, qui achètent en tant que groupes plus importants, ont également exclu les fournisseurs nationaux d’EPI, affirme-t-il.

La ruée vers les EPI a commencé au printemps 2020, lorsque les gouvernements du monde entier se sont précipités pour se procurer des masques, des blouses, des gants et d’autres équipements de protection à mesure que le COVID-19 se propageait.

En avril 2020, George Irwin a répondu aux appels à l’aide des gouvernements. Il a suspendu les opérations de son entreprise familiale de jouets, Irwin Toy, pour importer des masques en Ontario.

Alors que de nombreux pays avaient du mal à se procurer des masques, les relations d’Irwin en Chine, ainsi que l’aide d’Air Canada, lui ont permis d’obtenir 2,5 millions de masques.

Ce succès a incité les gouvernements du Canada et de l’Ontario à demander à Irwin d’envisager d’établir une usine au Canada. George Irwin a calculé pouvoir fabriquer un meilleur masque que ceux importés de Chine pour à peu près le même prix.

Il a reçu environ 2 millions de dollars (M$) en subventions de l’Ontario et a investi environ 6M$ pour construire une usine de fabrication de masques à Collingwood, en Ontario. Avec son expérience dans les jouets, une industrie innovante en constante évolution, M. Irwin a créé un masque antimicrobien à quatre couches. Il a également mis au point un masque respiratoire réutilisable et recyclable.

George Irwin a cru les premiers ministres du Canada et de l’Ontario, Justin Trudeau et Doug Ford, lorsqu’ils ont déclaré vouloir créer un secteur national des EPI, mais aucun gouvernement ne lui a acheté un seul masque. La société de George Irwin a été mise sous séquestre l’été dernier et il pourrait tout perdre, y compris sa maison.

«Nous n’avons rien fait de mal, tout ce que nous avons fait a été de fabriquer un meilleur produit qui a été ignoré.»

Pour sa part, Paul Sweeny dirige Swenco à Waterloo, en Ontario, une entreprise lancée par son père il y a 60 ans. Swenco fabrique des composants pour chaussures de sécurité et, en 2019, s’est lancée dans le secteur des masques N95 après avoir signé un accord de distribution avec une entreprise à Singapour.

Lorsque la COVID-19 a frappé, Sweeny a vendu un conteneur d’expédition de N95 en trois jours. «Nous avons décidé sur-le-champ d’entrer dans le domaine des masques», raconte M. Sweeny.

L’Ontario lui a accordé une subvention de 2M$, relate-t-il, notant que l’investissement total dans l’entreprise s’élève à environ 6M$.

M. Sweeny possède maintenant 11 machines dans son usine, une immense salle blanche, un emballage automatisé et des robots. L’usine a la capacité de fabriquer plus de 25 millions de masques par mois et emploie 60 personnes. Mais l’usine est inactive.

Paul Sweeny déclare: «Donnez-moi simplement une commande pour que nous puissions mettre les machines en service.»

Barry Hunt, de l’Association des fabricants d’EPI, a déclaré que les gouvernements ont une dette envers les entreprises qui ont répondu à l’appel d’urgence en cas de pandémie. Ottawa et l’Ontario ont peut-être fourni des fonds et aidé à la recherche et au développement, mais ils n’ont pas passé de commandes, signale-t-il.

«Si les gouvernements n’achètent jamais d’EPI canadiens et que vous avez demandé à toutes ces entreprises d’investir et de développer tout cela, alors rendez-leur leur argent», affirme Barry Hunt. «Laissez-les faire une transition pour commencer autre chose.»

Ce qui dérange vraiment de nombreuses entreprises, selon Barry Hunt, est l’annonce par les premiers ministres Trudeau et Ford en août 2020 qu’ils investiraient 47M$ dans 3M pour produire des masques N95 pour les gouvernements au cours des cinq prochaines années.

Hunt dirige une entreprise qui fabrique des respirateurs réutilisables et biodégradables fabriqués à partir de maïs, sans plastique dur ni métal, et a cru après des conversations avec les divers gouvernements que lui et d’autres entreprises canadiennes en tireraient des occasions d’affaires. «Nous avons été totalement pris au dépourvu par l’accord avec 3M», révèle M. Hunt.

Le ministère de la Prestation des services publics et commerciaux de l’Ontario n’a pas répondu aux questions sur les accords avec 3M et Medicom du Québec, ou s’il prévoyait d’aider les entreprises d’EPI en difficulté. Le porte-parole Colin Blachar a déclaré qu’il avait créé un stock d’EPI auprès de fabricants ontariens et que 93% des EPI prévus pour les 18 prochains mois seront achetés auprès de fabricants ontariens ou canadiens.

Services publics et Approvisionnement Canada a déclaré que le gouvernement fédéral avait adopté une approche d’approvisionnement agressive au début de la pandémie pour répondre aux besoins immédiats et à long terme en fournitures médicales. Au fur et à mesure que la pandémie a évolué, les exigences du gouvernement en matière d’EPI ont également évolué.

«Nous sommes reconnaissants envers toutes les entreprises canadiennes qui ont répondu à l’appel à l’action du gouvernement du Canada pour soutenir la réponse à la pandémie», a écrit la porte-parole du ministère fédéral, Stéfanie Hamel.

«Ces efforts ont aidé à sécuriser la production nationale d’EPI et de fournitures médicales essentielles dont les travailleurs de la santé de première ligne avaient un besoin urgent et ont aidé à répondre aux demandes les plus urgentes et immédiates d’équipements de protection individuelle», a-t-elle ajouté.

L’Association des fabricants d’EPI compte encore 15 entreprises membres.