COP15: «je suis totalement confiant» dit Steven Guilbeault
La Presse Canadienne|Publié le 15 Décembre 2022Les discussions sur un cadre mondial pour la biodiversité ont connu un coup d’arrêt mercredi matin lorsque plus de 60 pays du Sud ont quitté la salle. (Photo: La Presse Canadienne)
Les délégués sont retournés à la table des négociations lors des pourparlers de la COP15 à Montréal mercredi soir et le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, a déclaré qu’il était convaincu que les choses étaient sur la bonne voie pour obtenir un accord ambitieux et correctement financé pour protéger et restaurer la nature dans le monde.
Les discussions sur un cadre mondial pour la biodiversité ont connu un coup d’arrêt mercredi matin lorsque plus de 60 pays du Sud ont quitté la salle, craignant que les promesses des pays riches de financer la conservation soient trop faibles et trop vagues.
Après une séance d’urgence de trois heures mercredi midi avec les chefs de délégation des 196 parties à la convention de l’ONU sur la biodiversité, les négociations ont repris vers 16 h et ont duré jusqu’à près de minuit.
Jeudi, les ministres ont rejoint les pourparlers, ajoutant un poids politique aux discussions, qui doivent se terminer lundi.
En entrevue avec La Presse Canadienne, le ministre Guilbeault a indiqué que la Chine, qui préside la COP15 et supervise les négociations, vise à mettre en place un accord de compromis d’ici dimanche.
«Je suis totalement confiant», a dit M. Guilbeault, même si les progrès de mercredi soir étaient minimes.
Le projet d’accord avec 4 objectifs généraux et 22 cibles est toujours entre parenthèses, les parties n’ayant pas encore convenu des termes.
Mercredi soir, l’espoir était que les négociateurs iraient de l’avant sans ajout, mais cela ne s’est pas produit. De nouveaux éléments ont effectivement été adjoints.
M. Guilbeault estimait que l’état du texte ne reflétait pas encore les accords en cours et qu’un grand nombre des questions demeuraient en suspens jusqu’à ce que les ministres se présentent.
Il a ajouté que l’obstacle à surmonter au cours des trois prochains jours est l’impasse perçue entre les pays développés qui souhaitent un objectif ambitieux de protéger 30% des zones terrestres et marines d’ici 2030, et les pays en développement qui désirent s’assurer que le financement est là pour les aider.
«Ceux d’entre nous, dans le Nord, qui demandent de l’ambition doivent certainement comprendre que nous devons être sérieux au sujet de la mobilisation des ressources, et les pays du Sud qui veulent que les ressources soient mobilisées doivent comprendre qu’il n’y aura pas d’argent à moins qu’il n’y ait ambition», a-t-il dit.
Il y a un écart de financement estimé à 700 milliards de dollars par an entre ce qui est dépensé pour conserver et restaurer la biodiversité et ce qui est nécessaire. Les pays développés ont clairement indiqué qu’ils ne peuvent pas combler ce vide seuls et ont besoin de l’aide des entreprises et des organisations philanthropiques.
Certains pays en développement et communautés autochtones du monde entier craignent que l’objectif de préservation de 30% des terres et des océans du monde d’ici 2030 — aussi appelé 30×30 — ne soit un accaparement des terres, forçant les peuples autochtones et les communautés locales à quitter les terres qu’ils occupent et qu’ils ont travaillé à protéger pendant des siècles.
Marco Lambertini, directeur général du World Wildlife Fund International, a déclaré que le WWF soutient l’objectif 30×30, car cela ne signifie pas nécessairement une mise à l’écart des communautés autochtones.
«En fait, je crois fermement que le 30×30 est une opportunité incroyable pour les populations autochtones et les communautés locales de voir leurs droits reconnus», a-t-il précisé.
M. Lambertini est cependant moins confiant dans l’état des pourparlers que ne l’est M. Guilbeault.
«Nous sommes coincés», a-t-il souligné.
Les pays «échouent» à trouver l’argent nécessaire pour soutenir les efforts de conservation et certains négociateurs continuent d’essayer de diluer l’ambition des objectifs proposés, a observé M. Lambertini.
«L’ambition a diminué et non augmenté, a-t-il noté. Cela doit changer.»
M. Guilbeault a minimisé le débrayage de mercredi comme étant le cours normal de ces négociations, que ce soit autour des plans climatiques mondiaux ou de la biodiversité.
«J’ai perdu le compte du nombre de fois où certains pays ont décidé de quitter la réunion de manière très théâtrale pour attirer l’attention», a-t-il souligné.
Le Canada et l’Égypte de concert
La Chine a désormais chargé six pays de faire équipe par paires et de travailler sur trois domaines. Le Canada et l’Égypte travailleront pour faire avancer les objectifs de protection terrestre et marine. L’Allemagne et le Rwanda se joignent à la mobilisation du financement. Le Chili et la Norvège étudieront ce que l’on appelle les informations de séquençage numérique des ressources génétiques, ou ISN.
Le débat sur les ISN est l’une des discussions les plus techniques de la COP15. Elle implique la manière dont les pays partagent et bénéficient des données d’ADN ou d’ARN stockées numériquement sur les espèces de leurs territoires. L’information est essentielle à un certain nombre de domaines de recherche et de commercialisation, notamment dans les secteurs de la santé publique, de la médecine et de la sélection végétale et animale.
La destruction de la nature a de graves conséquences pour la santé et la prospérité humaines, affectant tout, de l’air pur et de l’eau potable à la sécurité alimentaire et à la croissance économique. La destruction et l’empiétement humain sur les écosystèmes sauvages augmentent également les risques pour la santé liés aux virus d’origine animale, un problème dont beaucoup de gens ont pris conscience avec la pandémie de COVID-19.
Le dernier cadre de biodiversité, convenu au Japon en 2010, n’a atteint presque aucun de ses objectifs, principalement en raison d’un manque de financement et d’un manque d’objectifs mesurables pour suivre les progrès.
Alors que les ministres prenaient place jeudi, il y avait un discours intense sur ce que pourrait signifier un nouvel échec.
«Ce n’est pas un rassemblement pour sauver la terre, nous sommes ici pour nous sauver nous-mêmes», a rappelé Csaba Kőrösi, président de l’Assemblée générale des Nations unies.