Adieu métro-boulot-dodo, vive le mini-voyage d’affaires en ville
Claudine Hébert|Publié le 29 avril 2022La conférence Attraction et rétention des locataires de bureaux marquait le retour de la tenue des événements Les Affaires en mode présentiel. (Photo: Cédric Bonel)
Après deux ans de télétravail, gracieuseté de la pandémie, il n’y a pas que les entreprises qui se demandent comment s’y prendre pour stimuler le retour des troupes au bureau. Les propriétaires d’immeubles se creusent également les méninges pour trouver des moyens d’attirer des locataires, tout en conservant ceux qui ont commencé à réduire leurs espaces ou qui veulent carrément quitter le centre-ville pour s’établir ailleurs.
«Il ne faut pas tout mettre sur le dos de la pandémie», a indiqué Jean-François Grenier, directeur principal chez Groupe Altus, panéliste invité lors de la toute première édition de la conférence Attraction et rétention des locataires de bureaux, présentée par les Événements Les Affaires, le 27 avril, au Centre Sheraton Montréal. Ce rendez-vous marquait justement le retour de la tenue des événements Les Affaires en mode présentiel.
(Photo: Cédric Bonel)
Devant une foule d’au moins 75 personnes, composée essentiellement d’architectes, de designers, de propriétaires d’immeubles et de courtiers immobiliers, cet analyste a tenu à rappeler que le phénomène du télétravail — aidé par l’arrivée des nouvelles technologies —, prenait déjà forme au sein de plusieurs organisations du centre-ville.
«Avant même le mois de mars 2020, des études démontraient que les employés de nombreux secteurs, notamment en technologie, en culture, y compris des milieux juridique et financier, ne consacraient déjà que 65 % à 75 % de leurs heures de travail au bureau», a-t-il mentionné. Avec la pandémie, ce mouvement, déjà bien entamé, s’est accentué. «Ces mêmes employés fréquentent désormais leur lieu de travail de 29 % à 46 % du temps», a-t-il souligné.
(Photo: Cedric Bonel)
Inspiration hôtelière
Ce changement de comportement au sein des habitudes de travail, jumelé à une guerre pour attirer les meilleurs talents, force aujourd’hui les propriétaires d’immeubles à revoir leurs stratégies expérience-client, a enchaîné Anissa Errai, vice-présidente groupe conseil et planification stratégique chez SGM. Et l’une des solutions privilégiées par les propriétaires d’immeubles est de s’inspirer des attributs du milieu hôtelier, a-t-elle observé.
«Un peu partout en Amérique du Nord, des propriétaires d’immeubles réaménagent leur lobby pour les rendre plus attrayants. Ils intègrent désormais des services de conciergerie, des aires de restauration agréables et invitantes, des espaces pour faire de la méditation entre deux réunions, des garderies, des salles de spectacles, des galeries d’art, des espaces collaboratifs lumineux, sans oublier des gyms munis de vestiaires et de douches.»
Pour attirer les locataires — perçus maintenant comme des clients —, ces propriétaires réalisent qu’ils doivent désormais être centrés sur leurs utilisateurs. Ils doivent devenir des partenaires d’affaires. «En d’autres mots, les propriétaires deviennent désormais des catalyseurs de communautés», a-t-elle poursuivi.
Mais attention, a averti Nathalie Gagnon, associée, vice-présidente, gestion de projet chez Avison Young. « Avant de tout vouloir réaménager selon les tendances du jour, le projet a avantage à refléter l’ADN des entreprises. » La panéliste a cité en exemple un cabinet d’avocats qui souhaitait justement se doter d’un aménagement reflétant le « bureau du futur ». Le nouveau design incluait de nouveaux espaces de collaboration, dont une grande salle à cet effet. « Après deux mois, personne ne l’utilisait. La salle a été retransformée en espaces individuels », a-t-elle partagé.
(Photo: Cedric Bonel)
La mixité fait partie de la clé
Au cours de la journée, le facteur mixité a, lui aussi, régulièrement été évoqué comme solution. « C’est la clé pour attirer les employés », a déclaré Andrée De Serres, titulaire de la Chaire Ivanhoé Cambridge d’immobilier et professeure à l’Université du Québec à Montréal lors d’une table ronde portant sur l’importance de renforcer l’attractivité urbaine.
Non seulement cette mixité devient nécessaire au sein des immeubles, elle devient essentielle au sein même des centres-villes pour accentuer le facteur mobilité, a-t-elle plaidé « L’époque où chaque quartier avait une vocation préétablie devient un modèle passéiste. Le centre-ville de Montréal n’échappe pas à cette nouvelle règle. Sa vitalité ne repose plus désormais que sur des espaces bureaux, des commerces et des restaurants. Ça prend davantage de milieux résidentiels, des espaces verts, des écoles et même des endroits permettant d’intégrer des entreprises du secteur industriel léger et des centres de distribution », a-t-elle soulevé.
Des propos qu’a endossé Glenn Castanheira, directeur général de Montréal Centre-ville, la plus grande société de développement commercial au Canada. « Avant la pandémie, le centre-ville montréalais, c’était plus de 300 000 employés qui venaient y travailler tous les jours. Même si ce nombre diminue, le centre-ville demeure toujours un lieu de vie où habitent en permanence plus de 100 000 personnes et plus de 120 000 étudiants d’ici et d’ailleurs. À mon avis, il est faux de croire que les gens fuient le centre-ville. Les gens vont revenir si nous sommes en mesure de leur offrir une meilleure expérience, une meilleure qualité de vie au travail », a-t-il énoncé.
Cette qualité de vie au travail prend justement un tout autre sens après deux ans de pandémie, a reconnu Élise Proulx, cheffe, développement économique, Québec chez Ivanhoé Cambridge. La dirigeante a, elle-même, admis ne plus revenir au bureau tous les jours de la semaine. Mais quand elle vient travailler, pas question pour elle de faire des réunions en zoom et de répondre à des courriels. « Mon passage au bureau s’est transformé en une occasion de rencontrer mes collègues de travail et des clients. C’est devenu une occasion d’aller manger avec des amis et de prolonger la journée lors d’un 5 à 7 pour maximiser les contacts d’affaires. En résumé, me déplacer à Montréal, c’est devenu mon mini voyage d’affaires! »