Toute acquisition effectuée par une société en Bourse n’est pas un gage de succès et de création de valeur. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. J’ai publié il y a quelques semaines le premier d’une série blogues soulignant les 35 ans de COTE 100. Dans le cadre de cette série, j’ai l’intention de revenir sur ce long parcours, plus spécifiquement sur certaines des principales leçons que nous avons apprises, tant en investissement que dans la gestion de notre entreprise. Le premier blogue portait sur l’investissement, celui-ci porte sur notre entreprise, COTE 100.
Voici donc deux leçons que j’ai apprises pendant toutes ces années à la direction de notre entreprise.
1. Les acquisitions ne sont pas sans risque!
La première leçon est que le domaine de la gestion de portefeuille se prête difficilement aux acquisitions. Au début des années 2000, nous avions pris une participation minoritaire dans une petite entreprise spécialisée dans la gestion de portefeuille. Après quelques années, nous avons conclu que le mariage ne fonctionnait pas et convenu d’un divorce à l’amiable.
De cet épisode, j’ai conclu que les acquisitions dans les domaines où les connaissances et l’expertise représentent le principal actif d’une entreprise ne sont pas faciles à réaliser. Il faut s’assurer que les deux entreprises ont une culture similaire et que les façons de faire sont semblables. Or, la philosophie d’investissement de la société dans laquelle nous avions investi était fort différente de la nôtre, de telle sorte que les synergies sur le plan des idées d’investissement étaient presque nulles. Pire : nos philosophies étaient conflictuelles!
Nous avons appris de cet échec. De fait, COTE 100 n’a pas réalisé d’acquisition depuis. Si l’on devait en réaliser une (nous ne sommes pas contre l’idée), nous porterons une attention particulière à la culture des deux entreprises et à leur philosophie d’investissement. Il reste que la croissance naturelle (ou organique) est sans doute bien plus attrayante et moins risquée que la croissance par acquisition. D’ailleurs, les sociétés en Bourse qui réalisent une croissance organique valent généralement bien plus cher que celles qui croissent seulement par acquisition.
Cette leçon m’a aussi servi dans le domaine de l’investissement. Toute acquisition effectuée par une société en Bourse n’est pas un gage de succès et de création de valeur. Je préfère accorder le bénéfice du doute aux sociétés dont les dirigeants affichent une excellente feuille de route au chapitre des acquisitions (Couche-Tard, CGI, par exemple) et aux acquisitions qui cadrent bien avec les activités existantes de l’acquéreur (attention à celles qui sortent de leur champ de connaissance!).
2. Miser sur de fortes relations avec les investisseurs.
Quand nous regardons l’histoire de COTE 100, nous constatons qu’il y a en réalité deux chapitres dans notre histoire. Le premier date de sa fondation en 1988 jusqu’en 2003. À cette époque, notre modèle d’affaires était « institutionnel » : en plus de nos propres fonds (les Fonds COTE 100), nous comptions une poignée de caisses de retraite québécoises. Nous avons connu une forte croissance jusqu’à la fin des années 1990. Cependant, nous avons perdu une part importante de nos clients et de notre actif sous gestion entre 1998 et 2001, année qui coïncide avec la bulle techno. En effet, conformément à notre philosophie de gestion portant sur l’acquisition de sociétés de qualité à bon prix, nous n’avons jamais investi dans les titres technos qui captaient toute l’attention des investisseurs (et les rendements) pendant cette période. Notre performance relative a donc été mauvaise et nous avons perdu plusieurs clients.
Le deuxième chapitre commence en 2003, alors que nous avons pris la décision stratégique de délaisser la gestion institutionnelle pour nous concentrer sur la gestion privée auprès d’investisseurs particuliers. Ce faisant, nous comptions mettre l’accent sur l’établissement d’une relation solide avec chacun de nos investisseurs. Nous avions l’intention de bien faire comprendre à chacun d’entre eux notre façon d’investir axée sur le long terme.
Vingt ans plus tard, je réalise à quel point cette décision stratégique a été la bonne. La gestion privée représente la quasi-totalité de nos actifs sous gestion (nous avons toujours les Fonds COTE 100, mais nous les utilisons surtout pour les enfants de nos clients de gestion privée) et n’avons plus aucun client institutionnel.
La leçon que je tire de ce chapitre de notre histoire est que la durabilité du modèle d’affaires d’une entreprise est cruciale dans son développement à long terme. Avant de penser à croître, il faut avant tout bien choisir ses clients! Cette leçon s’applique tout autant à la gestion de portefeuille qu’au choix des titres dans lesquels nous voulons investir.
Le prochain blogue de cette série portera à nouveau sur l’investissement boursier.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100 et auteur du livre Avantage Bourse