« Nous voulons combler la fracture numérique entre les jeunes pousses et les PME »


Édition du 19 Mai 2018

« Nous voulons combler la fracture numérique entre les jeunes pousses et les PME »


Édition du 19 Mai 2018

Par Diane Bérard

Laurent ­Fiard

L'entrepreneur français Laurent Fiard a fondé le Forum Entreprise du futur pour réindustrialiser les PME grâce au numérique. Il veut démontrer à ses membres que la technologie est un levier pour développer de nouveaux modèles d'affaires et ne sert pas simplement à optimiser ceux qui existent.

Diane Bérard - Le Forum Entreprise du futur, lancé il y a trois ans, compte 10 000 membres. Quelle est sa mission ?

Laurent Fiard - Notre mission consiste à évangéliser les entreprises, surtout les PME, quant aux bienfaits d'une transformation numérique.

D.B. - Vous faites donc la promotion de la technologie ?

L.F. - Pas exactement, pour nous le numérique ce n'est pas de la technologie, c'est une occasion de transformer l'entreprise pour lui apporter croissance et compétitivité. Nous souhaitons que les entreprises placent le numérique au coeur de leurs activités, pas qu'elles le mettent en marge.

D.B. - Comment l'idée de ce mouvement est-elle née ?

L.F.- Je suis moi-même entrepreneur. Notre organisation, Visiativ, compte 15 000 clients et accompagne les entreprises dans leur transformation numérique. À force de converser avec nos clients, nous avons compris que les dirigeants ne placent pas le numérique au bon niveau. On fait trop d'amalgames entre le numérique et le système d'information. Plusieurs dirigeants se demandent simplement comment les nouvelles applications numériques peuvent s'arrimer à leur système de gestion intégrée (ERP), par exemple. C'est très réducteur. Le numérique peut être utilisé carrément pour transformer le modèle d'affaires. Il peut permettre, par exemple, le passage de l'économie de possession à l'économie d'usage. C'est ce que fait Michelin lorsqu'elle vend aux propriétaires de flottes de camions des kilomètres de transport au lieu de pneus. Michelin conserve la propriété des pneus, mais elle nous en vend l'usage. C'est ça s'appuyer sur le numérique pour redessiner son organisation.

D.B. - Quels services offrez-vous à vos membres ?

L.F. - Nous organisons un congrès par année et nous entretenons une plateforme nunérique qui partage les tendances, les expériences et les succès de nos membres.

D.B. - C'est quoi une entreprise du futur ?

L.F. - Avant de se définir par ses technologies, l'entreprise du futur se caractérise par un état d'esprit, que nous nourrissons chez les membres de notre événement annuel. C'est chaque fois l'occasion de redéfinir l'entreprise du futur et ses défis. Cette année, nous nous sommes réunis en janvier. Nous avons discuté de « l'homme augmenté », soit la dynamique de collaboration entre l'humain et le numérique. Nous avons aussi abordé le leadership, car le virage numérique touche la gestion des organisations. Travail collectif, structure aplatie, pyramide inversée... le manager doit se transformer en leader.

D.B. - Quel est l'état d'esprit de vos membres entrepreneurs face au futur ?

L.F. - Les inscriptions à notre évènement annuel grimpent constamment. Ceci témoigne d'un besoin. Les dirigeants sont préoccupés. Ils oscillent entre deux pôles : les menaces et les occasions du numérique.

D.B. - Diriez-vous que vos membres sont davantage motivés par le défi d'évoluer ou par la peur de disparaître ?

L.F. - Je dirais que ceux qui fréquentent notre événement annuel carburent au défi. Ils sont enthousiastes. Plusieurs reconnaissent qu'une petite organisation a l'avantage de l'agilité par rapport au grand groupe. Quant aux entrepreneurs qui ont peur de l'avenir, ils ne s'inscrivent pas au Forum. Ils se replient.

D.B. - Le numérique n'est pas réservé aux jeunes pousses, insistez-vous...

L.F.- Nous avons beaucoup collaboré au mouvement French tech et à la création massive de jeunes pousses. Mais très vite, nous avons réalisé qu'une fracture apparaissait entre les jeunes pousses et les PME. Comme si le numérique était destiné aux unes et pas aux autres. Or, le numérique nous apparaît comme une occasion de réindustrialisation. Il faut changer le discours. Le numérique, ce n'est pas compliqué et ce n'est pas réservé aux jeunes pousses. Il faut passer du discours technologique au discours pragmatique.

D.B. - Parlez-nous du concept de « jeunes pousses industrielles ».

L.F. - En France, nous voyons beaucoup d'entreprises industrielles se transformer en jeunes pousses industrielles. Elles se réinventent, entre autres, en s'appuyant sur le numérique pour recréer une proximité avec leurs clients. C'est ce dont je vous ai parlé plus tôt, l'économie d'usage plutôt que l'économie de possession, par exemple. L'économie d'usage favorise un rapport régulier avec le client, alors que l'économie de possession est purement transactionnelle. On observe aussi de nouveaux modèles de création de valeur entre l'entreprise et son client. Imaginez qu'une entreprise donne à ses clients le logiciel qu'elle a conçu au lieu de le lui vendre. Le revenu sera tiré des économies que ce logiciel génère pour le client. Nous sommes donc dans un modèle de partage de valeur créée. Tout comme l'économie d'usage, le numérique transforme la relation entre l'entreprise et son client.

D.B. - Dans une jeune pousse, la technologie prend toute la place. Dans une PME, on l'assimile parfois à un mal nécessaire...

L.F. - La PME doit considérer le numérique comme un accélérateur pour réinventer sa relation avec ses clients et imaginer de nouveaux produits. Elle doit évoluer vers une entreprise plateforme.

D.B. - Pour évoquer l'entreprise du futur, on mentionne souvent l'entreprise « ouverte ». L'entreprise n'est-elle pas par nature ouverte ? Elle interagit avec des clients et des fournisseurs.

L.F. - Il n'est pas question d'ouverture physique. Il s'agit plutôt d'ouverture numérique. Il est question d'ouvrir les données, l'information et les processus. L'ouverture évoque aussi la fluidité des rôles et des collaborations. Les clients, les employés, les fournisseurs : l'entreprise entretient toutes sortes de collaborateurs. Même avec les concurrents pour réaliser l'innovation ouverte...

D.B. - Et ce numérique, il est alimenté par un carburant bien spécial...

L.F. - En effet, les données constituent le pétrole du numérique.

D.B. - Qu'est-ce que le Moove ?

L.F. - C'est le premier showroom à la fois mobile et numérique de l'industrie du French Fab. On le qualifie de showroom « phygital », à la fois physique et ditigal. On a mis dans des containers les expériences qui valorisent les savoir-faire français. La formule a d'abord été imaginée pour des salons. Mais elle pourrait aussi être déployée en entreprise. La première apparition du Moove s'est produite en mars dernier au Salon Global Industrie, au parc des Expositions Villipente, à Paris. Une dizaine d'entreprises y étaient représentées.

D.B. - Quelle est la responsabilité sociétale de l'entreprise du futur ?

L.F. - Elle est liée à son territoire. L'entreprise du futur doit développer sa capacité d'inclusion avec des univers avec lesquels elle interagit encore peu, comme le monde de l'école et celui du handicap, par exemple.

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