Le plan de match d’Hydro-Québec pour exporter son électricité d'ici 2030


Édition du 16 Septembre 2017

Le plan de match d’Hydro-Québec pour exporter son électricité d'ici 2030


Édition du 16 Septembre 2017

Par François Normand

Hydro-Québec veut doubler ses revenus d'ici 2030, et cela passera en grande partie par une augmentation de ses exportations. Voici comment la société d'État compte y arriver.

Salle des marchés d'Hydro-Québec Les yeux rivés à leur écran, les négociants suivent l'évolution du marché énergétique de l'Amérique du Nord pour connaître la demande et les prix. Leur objectif ? Vendre et acheter (pour la revendre) de l'électricité afin de maximiser les bénéfices de la société d'État.

Le parquet des transactions énergétiques d'Hydro-Québec ressemble en plusieurs points à un parquet typique où l'on négocie des actions de sociétés inscrites en Bourse.

Sauf qu'au lieu d'y négocier des blocs d'actions, on y vend et on y achète des blocs d'électricité dans le nord-est de l'Amérique du Nord, et ce, de la Nouvelle-Angleterre à l'Ontario en passant

par l'État de New York. « Toutes les ventes et les achats d'électricité d'Hydro- Québec passent par ici », explique le directeur du parquet, Simon Bergevin, en nous faisant visiter cet endroit méconnu du grand public, situé au siège social, à Montréal.

« Chaque année, on va chercher environ 1,5 milliard de dollars (G$) de revenus sur les marchés à l'extérieur du Québec », renchéri-t-il du même souffle.

En 2016, ces revenus ont permis à la salle des marchés de générer un bénéfice net de 803 millions de dollars (M$), soit 28 % du bénéfice net consolidé d'Hydro-Québec. En 2015, il avait atteint un record de 902 M$, contribuant ainsi pour 29 % du bénéfice net consolidé.

La contribution financière du parquet est donc majeure chez Hydro- Québec, d'autant plus qu'il n'emploie qu'une cinquantaine d'employés se relayant 24 heures sur 24. C'est moins de 1 % de l'effectif total d'Hydro-Québec.

La société d'État a créé la salle des marchés en 2000. Un vent de déréglementation soufflait

alors en Amérique du Nord sur les marchés de gros de l'électricité. Petit à l'époque, le parquet a depuis pris bien du galon.

« C'est aujourd'hui le plus important parquet énergétique du Canada et l'un des plus gros en Amérique du Nord », affirme Simon Bergevin.

Le rôle de la salle des marchés dans la stratégie de croissance

La salle des marchés jouera un rôle central dans la stratégie de croissance d'Hydro-Québec, qui veut doubler ses revenus à 27 G$ et son bénéfice net à 5,2 G$ d'ici 2030, notamment à l'aide des exportations.

Cette cible est ambitieuse, car elle nécessitera d'accroître de manière substantielle les ventes d'électricité aux États-Unis et ailleurs au Canada. Toutefois, le contexte est favorable pour la société d'État puisqu'elle a d'importants surplus d'énergie, alors que le nord-est de l'Amérique du Nord en manque.

« Le Québec peut littéralement être utilisé comme la batterie du Nord- Est », affirme Steve Demers, vice-président au développement chez Hydro-Québec. Il utilise cette métaphore pour illustrer le positionnement stratégique de la province (énergie verte, capacité de stockage derrière les barrages) dans le système énergétique continental.

Pierre-Olivier Pineau, spécialiste en énergie à HEC Montréal, confirme qu'Hydro-Québec est bien positionnée sans même construire de nouveaux barrages, car elle a des surplus et qu'il y a encore beaucoup de potentiel pour faire des économies d'énergie. « Si on fournissait les efforts d'efficacité énergétique nécessaires, on pourrait libérer jusqu'à 30 térawattheures en cinq ans », affirme-t-il. Cette quantité d'énergie correspond grosso modo à l'énergie qu'Hydro-Québec exporte actuellement à l'extérieur du Québec, en incluant l'Ontario et le Nouveau-Brunswick.

Ces exportations de quelque 30 térawattsheures représentent 16 % de la production totale d'électricité d'Hydro-Québec, mais rapportent 28 % des profits, selon les données de la société d'État. C'est pourquoi elle veut accroître à tout prix ses exportations.

Cela dit, Hydro-Québec ne veut pas seulement exporter plus d'électricité ; elle veut aussi faire plus d'argent par kilowatt vendu. Et la société d'État est convaincue qu'elle y arrivera en raison de la demande accrue d'énergies propres. « On croit que les revenus pour une même quantité d'énergie seront plus élevés », affirme Steve Demers, en nous montrant sur une carte du nord-est de l'Amérique du Nord ses futures cibles, ainsi que les endroits où Hydro- Québec exporte déjà son électricité.

­Nouvelle-Angleterre

Hydro-Québec planifie d’exporter à terme 1 000 mégawatts supplémentaires en ­Nouvelle-Angleterre­, soit l’équivalent de 8 térawattheures par année.

Le projet d’interconnexion ­Northern ­Pass ­Transmission (NPT) d’­Hydro-Québec avec le ­New ­Hampshire s’inscrit dans cette stratégie. Les autorités de réglementation de l’État devraient d’ailleurs se prononcer cet automne. Au ­Québec, la coalition SOS ­Mont ­Hereford conteste ce projet, dans lequel ­Hydro-Québec doit investir 600 M $ du côté québécois (1,6 G $ d’investissement sont requis du côté américain) pour construire une ligne de transmission.

Cependant, la société d’État n’en démord pas : elle doit se positionner pour profiter de la diminution de l’offre d’électricité en ­Nouvelle-

Angleterre. « Il y aura un besoin criant d’approvisionnement en électricité en raison de la fermeture de centrales nucléaires », insiste Steve ­Demers. Par exemple, le producteur d’énergie ­Entergy fermera en 2019 – année où l’interconnexion ­NPT devrait être mise en service – l’unique centrale nucléaire du ­Massachusetts, située à ­Plymouth. Construite en 1972, la centrale ­Pilgrim a une puissance installée de 680 mégawatts.

Parallèlement, le ­Massachusetts est en processus d’appel d’offres (lancé en mars) pour un contrat à long terme de 9,45 térawattheures d’hydroélectricité.

Le 27 juillet, ­Hydro-Québec a présenté une proposition tous azimuts. En fait, la société d’État a déposé six soumissions avec quatre partenaires différents afin d’obtenir des contrats de 9,45 térawattheures. Le ­Massachusetts devrait faire connaître son choix au début de 2018.

Enfin, la société d’État a lancé des études préliminaires qui pourraient se traduire un jour par la construction de nouvelles interconnexions avec le ­Maine et le ­Vermont, mais seulement si les conditions futures du marché sont intéressantes en ­Nouvelle-Angleterre.

État de ­New ­York

­Hydro-Québec a aussi l’État de ­New ­York dans le collimateur. Elle veut vendre davantage d’électricité à l’État et à la ville de ­New ­York, en l’occurrence un autre bloc de 1 000 mégawatts (8 térawattheures par année). « C’est la même situation qu’en ­Nouvelle-Angleterre : ils veulent augmenter la production d’électricité propre et renouvelable », explique ­Steve ­Demers.

Par exemple, d’ici 2030, l’État de ­New ­York veut réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre (GES) et porter à 50 % la part des énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie.

Par ailleurs, ­Entergy fermera aussi une centrale nucléaire dans cet État, soit celle d’Indian ­Point (2 000 mégawatts), située au nord de ­New ­York. Cela représente le quart de l’énergie consommée dans la métropole américaine et dans le comté de ­Westchester. C’est pourquoi la ­New ­York ­Power ­Authority (NYPA) a fait un appel de propositions visant à augmenter l’offre d’énergie d’un térawattheure.

Le 8 septembre, ­Hydro-Québec a présenté deux possibilités à l’État de ­New ­York. La première consiste à augmenter de 80 mégawatts la capacité d’interconnexion de l’entreprise de transmission électrique de ­Cedar ­Rapids (CRT), une filiale d’Hydro-Québec. Cela permettrait d’acheminer 0,7 térawattheure dans la métropole américaine. La seconde consiste à fournir un bloc additionnel d’énergie beaucoup plus important à l’État de ­New ­York, soit de 6 à 8 térawattheures.

Pour y arriver, ­Hydro-Québec devra discuter avec la ­NYPA pour évaluer la possibilité de construire une nouvelle interconnexion ou d’augmenter la capacité d’une interconnexion existante. Si la ­NYPA retenait cette deuxième option, le projet ­Champlain ­Hudson ­Power ­Express (CHPE) pourrait voir le jour. ­Hydro-Québec pourrait alors s’en servir pour livrer son hydroélectricité dans le sud de l’État.

Transmission ­Developers est le promoteur de ce projet évalué à 2,2 G$ US (2,7 G$ CA). Il prévoit la construction d’une ligne électrique de plus de 1 000 mégawatts entre ­Manhattan et le sud du ­Québec, avec une mise en service prévue en 2021. « C’est un projet extraordinaire, mais coûteux », dit Steve ­Demers, en précisant qu’­Hydro-Québec analyse la portion des travaux qu’il faudrait faire du côté québécois.

Ontario 

Du côté de l’Ontario, il n’y a pas vraiment d’enjeu logistique, car la capacité des interconnexions actuelles est amplement suffisante, selon ­Steve ­Demers.

En octobre 2016, les gouvernements ontarien et québécois ont d’ailleurs conclu un accord en vertu duquel l’Ontario achètera les surplus d’électricité d’­Hydro-Québec d’ici 2023. On parle ici de 2 térawattheures par année, pour un total de 14 térawattheures.

« En ­Ontario, il n’y a ni frais supplémentaires ni coût d’investissement pour le lien de transport », souligne ­Steve ­Demers, en précisant que les occasions d’affaires chez nos voisins ontariens sont nombreuses pour la société d’État. Pourquoi ?

Premièrement, parce que les prix de l’électricité en ­Ontario sont beaucoup plus élevés qu’au ­Québec – l’accord conclu en octobre 2016 fera d’ailleurs baisser le prix moyen dans cette province, selon ­Hydro-Québec.

Deuxièmement, parce que l’Ontario ­Power ­Generation fermera graduellement les six réacteurs de la centrale nucléaire ­Pickering entre 2022 et 2024. Cette centrale de 3 100 mégawatts comble environ 14 % des besoins en électricité de l’Ontario.

De plus, la province a certains contrats avec des producteurs à prix élevés, ententes qui viennent à échéance au fil du temps. Une

situation en or pour ­Hydro-Québec, confie ­Steve ­Demers.

« On peut s’imaginer un scénario où ­Hydro-Québec remplace progressivement les producteurs privés pour certains contrats », ­dit-il.

Des occasions, mais beaucoup de risques

Malgré ces occasions d’affaires, ­Hydro-Québec n’aura pas la vie facile sur les marchés de l’Ontario, de l’État de ­New ­York et de la ­Nouvelle-Angleterre, selon ­Jean-Thomas ­Bernard, spécialiste en énergie à l’Université d’Ottawa.

D’abord, on observe un ralentissement de la croissance de la demande d’électricité aux ­États-Unis par rapport à la moyenne historique, selon les prévisions (Annual ­Energy ­Outlook 2017) de l’Energy ­Information ­Administration, une agence fédérale américaine.

Cette situation tient en grande partie au ralentissement de la croissance démographique aux ­États-Unis et à la transition de l’économie vers des industries moins énergivores.

­Steve Bernard fait aussi remarquer qu’­Hydro-Québec évolue dans un contexte où les coûts de production de l’électricité diminuent chez nos voisins du sud.

« Le prix des énergies renouvelables a grandement diminué, et celui du gaz naturel restera faible encore une bonne quinzaine d’années », ­dit-il.

Dans ce contexte, ­Hydro-Québec peut exporter aux ­États-Unis et faire des profits, mais elle devra de plus en plus le faire aux périodes de pointe, lorsque les prix explosent, par exemple durant les canicules estivales.

Parfois, le prix du kilowattheure peut grimper jusqu’à 100 $ US pendant une brève période en ­Nouvelle-Angleterre, soit plus de 10 fois le prix facturé aux ­Québécois.

Le nerf de la guerre pour ­Hydro-Québec sera donc de vendre un maximum d’énergie à ces marchés quand les prix seront très élevés.

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