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Projet Gazoduq de 14G$: Benoit Charette accusé de réécrire la loi

La Presse Canadienne|Publié le 01 mars 2019

Greenpeace accuse le ministre de «politiser» une procédure d'évaluation environnementale encadrée par la loi.

Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, «est en train de contredire son propre ministère et de réécrire la loi», a accusé jeudi Greenpeace.

Le mouvement écologiste réagissait à la position du ministre sur un rapport de son propre ministère, concernant un projet de gazoduc et d’usine de liquéfaction au Saguenay, évalué à 14 milliards $.

Le rapport en question, obtenu par La Presse canadienne, est une synthèse de 272 pages qui résume les consultations publiques tenues pendant un mois, du 19 décembre 2018 au 18 janvier 2019, sur le projet appelé Gazoduq.

Le projet Gazoduq consiste en la construction d’un gazoduc de 750 km qui s’étendrait de l’Ontario jusqu’à une usine de liquéfaction à Saguenay, pour acheminer ensuite le gaz naturel liquéfié (GNL) en Europe.

Dans le rapport, on peut lire parmi les observations qu’il faudrait «quantifier les gaz à effet de serre (GES)» qui seront non seulement émis par le projet, mais aussi émis «en amont et en aval». En outre, il faudrait aussi déterminer «la provenance et la composition du gaz naturel qui sera transporté», et spécifier si l’extraction du gaz en Alberta se fera par une «exploitation conventionnelle ou avec fracturation hydraulique», soit le procédé utilisé pour extraire des gaz de schiste.

«Ce n’est pas qu’on n’est pas d’accord, mais le rapport (du ministère) reprend les propos partagés par différents intervenants, mais ce n’est pas la position du ministère», a déclaré Benoit Charette dans une mêlée de presse jeudi matin à l’Assemblée nationale.

«Politiser une procédure»

En entrevue avec La Presse canadienne jeudi après-midi, le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin, a accusé le ministre de «politiser» une procédure d’évaluation environnementale encadrée par la loi.

«Le ministre, en contredisant son ministère et le travail de ses fonctionnaires, est en train de réécrire la loi. C’est le ministre qui doit envoyer les observations à l’entreprise pour qu’elle en tienne compte dans son étude d’impact.»

La sortie de M. Charette était «complètement déplacée», a poursuivi M. Bonin, qui le soupçonne de préparer une évaluation environnementale sur mesure pour faciliter l’approbation du projet.

Directive

Une directive indique clairement que l’étude d’impact de Gazoduq devra faire état des observations et enjeux soulevés dans ces consultations publiques.

«(…) L’étude d’impact du projet Gazoduq devra faire état des observations sur les enjeux soulevés par les participants à cette consultation publique, peut-on lire. Le cas échéant, l’étude d’impact devra décrire les modifications apportées au projet au cours des phases de planification et les mesures d’atténuation prévues en réponse aux observations sur les enjeux soulevés.»

M. Charette a affirmé que son ministère ne peut évaluer ce qui se fait en Alberta ou en Europe. Il a rappelé que le fédéral devra évaluer les impacts du projet à l’extérieur du Québec. «Il y a des considérations qui seront prises en compte par les bonnes instances.»

«Si on donnait suite aux consultations, ce serait effectivement une exigence inédite, mais actuellement, sa position, ce n’est pas ça», a tenu à préciser le directeur des communications au cabinet du ministre, Jean-Bernard Villemaire. Il y a des éléments qui seront intégrés dans la définition du mandat sur l’évaluation environnementale, mais pas tous les éléments, a-t-il souligné.

M. Bonin estime pour sa part que le gouvernement doit avoir une vue d’ensemble et qu’il peut très bien estimer l’impact en GES du projet en amont et en aval.

Un message au promoteur

L’opposition n’a pas tardé non plus à réagir. Le député péquiste de Jonquière, Sylvain Gaudreault, estime que le ministre traite à la légère un document émis par son propre ministère.

«Des fonctionnaires ont travaillé là-dessus, c’est 272 pages, le ministère a fait sa démarche, et le ministre de l’Environnement dit: « non, cela ne m’influencera pas pour le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement ». Il envoie le message au promoteur que le processus est fait mais qu’il peut s’en ficher. Le ministre a un préjugé favorable et va s’organiser pour que ça marche.»

Rappelons par ailleurs que le document demande également que le promoteur du projet explique comment il se justifie dans un contexte de transition énergétique, dans la foulée de l’Accord de Paris sur les changements climatiques et ses objectifs de réduction de GES.

Également, une observation réclame une «évaluation des effets cumulatifs», soit le projet dans son contexte. Par exemple, avec d’autres projets, comme Ariane Phosphate, il entraînera une augmentation du trafic maritime sur le Saguenay et dans l’estuaire, c’est-à-dire l’habitat du béluga.