Moscou ciblerait aussi les sanctions américaines imposées récemment contre un producteur russe de pétrole, selon RBC.
Le bras de fer entre l’Arabie saoudite et la Russie sur l’offre optimale de pétrole dans le monde a provoqué une tempête lundi, avec un baril qui a perdu près de 25% de sa valeur. Or, cette guerre de prix pourrait durer longtemps, car la partie d’échecs que joue Moscou ciblerait aussi les sanctions économiques américaines imposées récemment contre le producteur russe du pétrole Rosneft.
C’est du moins ce qu’affirment quatre analystes de RBC Marchés des Capitaux dans une note publiée ce mardi (Letter From Riyadh : Afterschocks), et qui n’augure rien de bon pour l’industrie pétrolière canadienne concentrée en Alberta.
Samedi, l’Arabie saoudite a décidé de baisser les prix de vente de son pétrole et d’augmenter sa production après que la Russie eut refusé de réduire sa production de 1,5 million de barils par jour.
Le royaume saoudien demandait cette action de la Russie pour compenser la réduction de la demande mondiale de pétrole en raison du coronavirus et pour maintenir ainsi des prix relativement élevés.
Avec leur geste d’éclat, les Saoudiens veulent forcer la main des Russes afin de les ramener à la table des négociations, car la chute des prix fait aussi très mal aux producteurs de pétrole en Russie.
Malgré tout, les Russes pourraient vouloir faire perdurer cette guerre de prix puisque Moscou a deux objectifs, selon les analystes de RBC.
«Nous craignons que la guerre de prix soit une lutte de longue durée, car elle semble viser non seulement les sociétés de schistes américains, mais aussi les sanctions coercitives politiques que l’abondance énergétique américaine a permises», écrivent-ils.
Premièrement, la Russie veut affaiblir et pousser à la faillite des concurrents américains, c’est-à-dire des producteurs de pétrole de schiste, dont la situation financière était déjà précaire avant l’effondrement des prix ce lundi.
La plupart d’entre eux affichent des flux de trésorerie négatifs et ont de plus en plus de difficulté à se financer sur les marchés, selon un récent rapport de la Geoligical Survey of Finland (GSF), une agence gouvernementale finlandaise (Oil from a Critical Raw Material Perspective).
Deuxièmement, la Russie veut faire pression sur Washington -à la demande du puissant PDG de Rosneft Igor Sechin- afin que les États-Unis assouplissent les sanctions économiques imposées contre le producteur de pétrole russe.
Rosneft ciblée pour son rôle au Venezuela
Le 18 février, les Américains ont renforcé leurs sanctions financières contre le Venezuela en visant une filiale de Rosneft, Rosneft Trading. L’administration Trump l’accuse de maintenir en vie le gouvernement du président Nicolas, rapporte l’agence Reuters.
Des sanctions qui augmentent la pression sur Moscou que Washington accuse d’être le principal soutien du gouvernement vénézuélien.
Rosneft a nié exercer des activités illégales, affirmant que les nouvelles mesures de coercition américaines étaient «scandaleuse». Concrètement, Washington a gelé tous les avoirs de Rosneft Trading aux États-Unis.
Voilà pourquoi la guerre de prix du pétrole risque d’être longue, selon RBC.
Moscou se sert de son différend avec Riyad pour forcer Washington à lever les sanctions contre Rosneft, et ce, tout en tentant d’éliminer des producteurs de pétrole de schiste aux États-Unis.
Donald Trump a-t-il intérêt à voir les prix remonter?
Reste à voir toutefois combien de temps le président Vladimir Poutine acceptera de miner le secteur pétrolier, l’économie et les recettes fiscales du gouvernement russe en tentant d’aider Rosneft.
Car il y risque d’y avoir de l’opposition à l’égard de cette stratégie, souligne RBC.
«Il y aura probablement des voix opposées dans les cercles du pouvoir russe, qui voient des occasions d’investissement dans le monde et qui souhaitent avoir de bonnes relations avec les principaux États du golfe Persique», disent ses analystes.
Aux États-Unis, l’industrie pétrolière pâtit des faibles cours du pétrole (34,70$US). Elle a donc tout intérêt à ce que cette guerre de prix se termine le plus rapidement possible.
En revanche, est-ce bien dans l’intérêt de la Maison-Blanche?
À l’heure actuelle, la chute des prix favorise les consommateurs américains et les entreprises, sans parler du fait que Donald Trump a toujours plaidé en faveur d’un prix du baril de pétrole faible, rappelle le radio publique américaine NPR.
Aussi, en cette année électorale (la présidentielle aura lieu en novembre) et dans un contexte d’incertitude en raison du coronavirus, l’administration Trump pourrait avoir intérêt à ce que les prix du pétrole ne remontent finalement qu’après l’élection.