Minéraux: Ottawa se méfie d’un contrôle de la Russie et la Chine
La Presse Canadienne|Publié le 16 juin 2022Le ministre fédéral des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson (Photo: La Presse Canadienne)
Ottawa — L’erreur stratégique qui a permis à la Russie de dominer le marché mondial du pétrole et du gaz naturel ne peut pas se répéter dans l’industrie des minéraux critiques, plaide le ministre fédéral des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson.
La demande pour les minéraux critiques — comme le lithium, le graphite, le nickel, le cobalt et le cuivre — explose en raison de leur rôle essentiel dans la fabrication de téléphones intelligents, d’ordinateurs portables, d’éoliennes, de panneaux solaires et de voitures électriques, entre autres.
Ainsi, la communauté internationale cherche à augmenter significativement la production mondiale.
«En gros, il n’y a pas de transition énergétique possible sans minéraux critiques, d’où l’importance grandissante que les économies avancées accordent à la résilience de la chaîne d’approvisionnement en minéraux critiques», a-t-il écrit dans l’avant-propos de la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques, dont un document de travail a été dévoilé cette semaine.
En entrevue à La Presse Canadienne, M. Wilkinson a précisé que cette résilience ne sera possible que si les pays occidentaux empêchent une prise de contrôle de la production mondiale par des États qui ne sont pas dignes de confiance.
«Alors que l’on aura un besoin absolu de ces minéraux, le fait de dépendre de pays qui ne partagent pas toujours nos points de vue sur les affaires mondiales, et qui ont montré leur capacité à se servir parfois de ce contrôle des ressources comme d’une arme, n’est pas une très bonne stratégie», a-t-il résumé.
«Dans le contexte actuel, la Chine et la Russie sont numéro un et numéro deux dans la production et la transformation de bon nombre de ces minéraux. Alors, je crois qu’il y a une compréhension dans le monde démocratique qu’il faut s’assurer de sécuriser des sources d’approvisionnement stables», a poursuivi le ministre.
À la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’Europe s’est retrouvée face à une crise du pétrole et du gaz en tentant de se défaire d’une dépendance aux énergies fossiles russes. Pour M. Wilkinson, cela résonne comme une alarme pour les démocraties occidentales dans le marché des minéraux critiques.
Il renchérit en disant que l’Occident doit tenir compte de la provenance de ces minéraux critiques et doit s’assurer de pouvoir se fier à une chaîne d’approvisionnement stable et sécuritaire.
C’est la Chine qui représente actuellement le plus grand joueur mondial dans le marché. Elle est la principale productrice mondiale de la moitié des 31 minéraux et métaux identifiés comme étant critiques pour son économie.
Bien que la liste diffère d’un État à l’autre, les minéraux critiques sont normalement des éléments pour lesquels il n’existe pas de substituts, dont l’approvisionnement est limité, qui ont une importance économique et dont l’extraction et la transformation sont très restreintes.
Dans le cas de la Russie, elle fait partie des trois plus grandes sources de palladium, de scandium et de titane. Elle produit 10% du nickel mondial et six pour cent de tout l’aluminium.
La stratégie canadienne se concentre sur six minéraux et métaux dont le gouvernement a déterminé qu’ils possédaient le meilleur potentiel de croissance économique et de création d’emplois. Ceux qui ont été identifiés sont le lithium, le graphite, le nickel, le cobalt, le cuivre et les éléments des terres rares.
Pour le moment, le Canada ne produit ni lithium ni éléments des terres rares (qui sont au nombre de 15), mais il possède des réserves de ces matières.
Selon l’Institut d’études géologiques des États-Unis, le Canada produisait en 2021 un pour cent du graphite mondial, cinq pour cent du nickel, 2,5% du cobalt et 2,8% du cuivre.
La Russie est légèrement en avance sur le Canada dans chacun de ces marchés, sauf le lithium puisqu’elle n’en produit pas. La Chine devance aussi le Canada dans chacun de ces marchés sauf le nickel. Elle produit 60% des éléments de terre rare, 82% du graphite, 14% du lithium, 9% du cuivre et 4% du nickel.
Le potentiel de croissance pour les États comme le Canada est énorme alors que la Banque mondiale et l’Agence internationale de l’Énergie prévoient que la demande pour ces matériaux va bondir de 500% d’ici 2050.
Le ministre Jonathan Wilkinson a indiqué que la stratégie canadienne sur les minéraux critiques sera publiée à l’automne. Il a toutefois noté que le gouvernement avait déjà prévu une enveloppe de quatre milliards de dollars pour la soutenir.
Une importante partie de ce plan d’action misera sur une augmentation de la production en accélérant l’approbation de nouveaux projets d’exploration et d’exploitation minière.
Une part de 1,5 milliard de dollars sera aussi consacrée aux infrastructures puisque la plupart de ces matières se trouvent dans des régions isolées et difficiles d’accès.