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Matière à récupération dans l’aluminium

Anne-Marie Provost|Édition de la mi‑mai 2021

Matière à récupération dans l’aluminium

L’équipe de valorisation des sous-produits de Rio Tinto analyse le rôle que joue l’anhydrite dans la croissance des bleuets. (Photo: courtoisie)

L’industrie locale de l’aluminium cherche de plus en plus à s’inscrire dans une logique d’économie circulaire. Bien déterminée à projeter une image verte, elle veut réduire son impact environnemental et donner une seconde vie à ses résidus, jusque dans le ciment et dans les champs.

L’aluminium québécois jouit déjà d’une aura verte comparativement à d’autres régions du monde, qui produisent le métal à partir de centrales au charbon. Ici, l’hydroélectricité est la source d’énergie utilisée, ce qui en fait un aluminium à très faible empreinte carbone.

«La quantité d’électricité par tonne d’aluminium produite est parmi les plus faibles au monde, assure François Racine, PDG par intérim de l’organisme AluQuébec. Nous avons de l’électricité propre, on en consomme aussi moins, en plus de recourir à un procédé qui émet moins de gaz à effet de serre.»

 

Réutiliser

Malgré ce bilan avantageux, des rebuts sont générés au moment de la fabrication de l’aluminium. Des producteurs font donc preuve de créativité pour éviter que des résidus se retrouvent dans les sites d’enfouissement.

À Rio Tinto, une équipe a développé une façon de réutiliser les brasques, une matière résiduelle dangereuse qui provient des cuves utilisées pour produire l’aluminium. Un nouveau produit, appelé Alextra, a été mis au point l’année dernière avec Lafarge Canada; il sert de matière première pour fabriquer du ciment.

«Le produit alimente les cimenteries, donc cela évite d’exploiter des carrières. On remplace des matières vierges», précise Stéphane Poirier, directeur de la valorisation et de la commercialisation des sous-produits à Rio Tinto Aluminium. Les matières premières habituellement utilisées pour faire du ciment, comme l’alumine ou la silice, sont effectivement raffinées ou extraites, avec les répercussions environnementales que cela implique.

Lafarge Canada souhaite produire en moyenne un million de tonnes de ciment par an dans ses installations en Ontario en utilisant Alextra.

Rio Tinto réutilise également l’anhydrite, un ingrédient qui sert à la fabrication de l’aluminium. «Aucune anhydrite ne se rend à l’enfouissement; 100 % est valorisée sur les 85 000 tonnes générées par année», souligne Stéphane Poirier.

Le sous-produit peut être transformé en engrais, que les agriculteurs épandent dans leurs champs. «C’est performant, particulièrement pour les cultures de pommes de terre. Nous sommes aussi en croissance dans le secteur des bleuetières cette année, c’est un nouveau marché», détaille-t-il.

L’anhydrite, une espèce minérale qui fait partie de la famille du sulfate de calcium, est également utilisée pour fabriquer du ciment et offre une solution de remplacement à des ressources naturelles non renouvelables. «Maintenant, nous approvisionnons nos clients cimentiers avec de l’anhydrite produite par nos procédés, au lieu de faire venir des barges de gypse de la Nouvelle-Écosse», explique Stéphane Poirier.

Il estime qu’il s’agit d’un bon exemple d’économie circulaire, parce qu’il n’y a pas de sources naturelles de gypse au Québec. «C’est ça la circularité: regarder localement ce qu’on a et l’utiliser, expose-t-il. Il faut voir nos résidus comme des gisements de matières premières inexploités, dans lesquels on peut aller chercher de la valeur.»

 

Place à la refonte

Le géant de l’aluminium utilise également des fours de refonte pour recycler les retailles en aluminium issues de la production industrielle. C’est notamment le cas à son usine de Laterrière, au Saguenay, et à Shawinigan Aluminium.

«Il y aura de plus en plus d’aluminium recyclé et nous commençons à toucher à ce sujet-là dans l’entreprise, explique Jean-François Laplante, directeur du produit industriel et de l’investissement à Rio Tinto Aluminium. C’est un grand sujet de discussion en interne.»

Il cite des clients au Québec qui fabriquent des billettes d’aluminium et qui génèrent 25% de retailles. Un marché existe déjà pour récupérer ces dernières, mais il est peu élaboré et certains clients peinent à les vendre, observe le directeur. «Nous leur avons dit que nous allions mettre en place un système pour reprendre leurs rebuts et en faire d’autres billettes, raconte-t-il. Cela n’existait pas auparavant.»

Pour l’instant, Rio Tinto recyclera les rebuts industriels, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas été contaminés. Il s’agit en effet de la forme d’aluminium la plus facile à recycler, parce que le métal n’est pas passé entre les mains des consommateurs. «Les rebuts postconsommation sont plus complexes à gérer, parce qu’il peut y avoir de la graisse, de la peinture, ce genre de chose. Quand on fond ce type d’aluminium, ça prend un certain type de cheminée pour traiter correctement les gaz émis», souligne Jean-François Laplante.

Si des efforts sont consentis pour les retailles industrielles, il y a toutefois peu de récupération des rebuts postconsommation au Québec.

«L’aluminium récupéré est exporté à l’extérieur de la province pour être recyclé, souligne François Racine. Il y a des enjeux d’acceptabilité ici. Sauf que plus on veut être vert et maximiser l’économie circulaire, il serait incontournable d’avoir un centre de traitement local.»