(Photo: Lithium Amérique du Nord)
Coup de théâtre dans la saga pour reprendre Lithium Amérique du Nord (LAN). Quelques heures après qu’Investissement Québec eut annoncé ce jeudi qu’il avait choisi Sayona Québec, deux minières québécoises exclues ont sommé le gouvernement de refaire ses devoirs, critiquant un processus entaché «d’irrégularités sérieuses».
Ces deux entreprises, qui ont présenté des offres d’achat pour acquérir LAN, sont Central America Nickel et SRG Mining, qui ont toutes les deux leur siège social à Montréal.
La première est spécialisée dans le traitement et la purification des métaux dits énergétiques comme le nickel, le cobalt et le cuivre. La seconde a deux projets miniers en Guinée, en Afrique de l’Ouest, dans le graphite et dans les métaux de base.
Pour aller plus en profondeur: Québec scellera bientôt le sort de Lithium Amérique du Nord et Voici les sociétés qui s’intéressent à Lithium Amérique du Nord.
Ce jeudi, Investissement Québec a annoncé une entente en vertu de laquelle Sayona Québec — détenue à 75% par l’australienne Sayona Mining et à 25% par l’américaine Piedmont Lithium — avait été choisie pour reprendre LAN.
Cette entente est survenue dans le cadre d’un processus judiciaire supervisé par Raymond Chabot Grant Thornton (le contrôleur). Selon nos informations, Sayona Québec s’est engagée à faire de la deuxième transformation au Québec d’ici 2026.
Recommencer le processus à zéro
«Nous souhaitons arrêter le processus et recommencer à zéro», dit au bout du fil Pierre Gauthier, le président de Central America Nickel. Il parle d’un processus entaché notamment par un «manque d’éthique».
Central America Nickel et SRG Mining prétendent qu’Investissement Québec et Raymond Chabot Grant Thornton n’ont pas retenu la meilleure offre.
De plus, les deux minières affirment que le cabinet d’avocat engagé par IQ (McCarthy Tétrault) est le même cabinet que celui représentant Sayona Québec, «ce qui les place tout au moins en apparence de conflit», peut-on lire dans une lettre adressée au premier ministre François Legault, dont LES Affaires a obtenu copie.
Cette lettre est signée par Me Jacques Bouchard, avocat au cabinet Gattuso Bourget Mazzone, qui représente les deux minières.
Central America Nickel et SRG Mining affirment que «tout le processus» a été entaché «d’irrégularités sérieuses», et que la décision prise par Investissement Québec et Raymond Chabot va «à l’encontre des intérêts premiers des Québécois.»
Après l’annonce de ce matin sur le choix de Sayona Québec, Raymond Chabot Grant Thornton doit faire parvenir l’entente à la Cour surpérieure du Québec afin que cette dernière la ratifie.
Pierre Gauthier souhaite donc que la Cour supérieure du Québec prenne le temps d’analyser le processus afin de déterminer si tout a été fait correctement. «Si le juge dit que tout est beau, on va passer à autre chose», dit-il, en ajoutant toutefois que cet exercice doit être fait impérativement.
LAN est sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies depuis mai 2019. Elle est contrôlée par le manufacturier chinois de batteries CATL et Investissement Québec (le bras financier du gouvernement), les deux actionnaires ayant des créances garanties.
Lithium Amérique du Nord cherchait un investisseur pour prendre la place de la chinoise Jien International Investment (le troisième actionnaire, sans créance garantie), qui avait racheté en 2018 Québec Lithium avec IQ.
«D’excellentes perspectives», selon Fitzgibbon
Dans un communiqué publié ce jeudi, le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, a indiqué que la proposition de Sayona Québec et de Piedmont Lithium offre «d’excellentes perspectives» pour le développer à terme la filière de la batterie pour les voitures électriques au Québec.
«Cette entente prévoit que le minerai extrait de la mine de La Corne serait converti et transformé en hydroxyde de lithium ici, au Québec. Elle contribue à notre objectif de produire au Québec la batterie la plus propre d’Amérique du Nord. La proximité de Piedmont Lithium avec les producteurs de véhicules électriques aux États-Unis apporte une valeur importante à notre stratégie, qui va du minerai jusqu’à la batterie.»
Selon nos informations, CATL ne s’opposera pas à la reprise de Lithium Amérique du Nord par Sayona Québec.