Les retombées économiques du projet seraient estimées à 46,7 milliards $ pour les 20 premières années d'opération.
Le gouvernement fédéral rendra mardi sa décision s’il ira de nouveau de l’avant avec le projet d’extension de l’oléoduc Trans Mountain, a indiqué le ministre des Ressources naturelles, Amarjeet Sohi.
Bien que le ministre et son collègue des Finances Bill Morneau aient dit la semaine dernière qu’aucune décision finale n’avait encore été prise, M. Sohi a semblé vendre la mèche lors de la période des questions, vendredi.
«Nous suivons les recommandations de la Cour fédérale d’appel d’aller de l’avant de la bonne manière avec ce projet», a-t-il dit.
Au cabinet de Bill Morneau, on prévient le public de ne pas tirer de conclusions au sujet d’un discours prévu devant l’Economic Club du Canada à Calgary, le lendemain de l’annonce. L’un des thèmes de son message porte sur «soutenir la croissance et la prospérité du secteur de l’énergie».
Selon le porte-parole du ministre des Finances, ce discours doit être sensiblement le même qu’il a prononcé en Ontario et au Québec au cours des dernières semaines.
Les consultations officielles avec les communautés autochtones touchées par le projet Trans Mountain ont pris fin plus tôt ce mois-ci.
La Cour fédérale avait annulé l’approbation initiale du gouvernement, il y a plus de 290 jours. Elle lui avait reproché de ne pas avoir mené des consultations adéquates avec les communautés autochtones et de ne pas avoir tenu compte des répercussions du projet sur la vie aquatique au large des côtes de la Colombie-Britannique.
L’Office national de l’énergie (ONÉ), qui a examiné de nouveau la question, avait approuvé le 22 février le projet, sonnant alors le début de la période de 90 jours accordée au cabinet fédéral pour prendre sa décision finale; la date limite était donc alors fixée au 22 mai.
Le ministre Sohi a annoncé en avril que ce délai avait été repoussé de près d’un mois après la recommandation exprimée par deux communautés autochtones et l’ancien juge de la Cour suprême Frank Iacobucci, qui conseille le gouvernement sur le processus de consultation.
L’ONÉ avait attaché 16 nouvelles conditions à son approbation.
Le projet de tripler la capacité de transport de l’oléoduc représente un vrai défi pour les libéraux fédéraux qui doivent tenir compte des pressions contraires exercées par les partisans de l’industrie pétrolière et les groupes écologistes. L’année dernière, Ottawa a dépensé 4,5 milliards $ pour acheter l’oléoduc existant afin de surmonter les obstacles politiques empêchant son agrandissement.
L’oléoduc dont la construction remonte à 66 ans relie Edmonton au terminal maritime de Burnaby en Colombie-Britannique. L’élargissement permettrait d’acheminer 890 000 barils de pétrole par jour de l’Alberta vers l’océan Pacifique.
Selon Trans Mountain, les retombées économiques du projet seraient estimées à 46,7 milliards $ pour les 20 premières années d’opération.
Le premier ministre de l’Alberta Jason Kenney est persuadé que le dossier est réglé même si son gouvernement a dépensé 1,6 million $ dans une campagne publicitaire à Ottawa, en mai, afin de convaincre le fédéral de ne pas renoncer au projet.
La campagne inclut notamment la présence d’un camion muni d’écran lumineux qui circule sur la colline parlementaire chaque jour.
«Après tout, le gouvernement fédéral a acheté l’oléoduc. Je ne vois pas pourquoi il aurait fait cela s’il voulait renoncer à un projet déjà approuvé», a déclaré M. Kenney dans un discours devant des représentants l’industrie du pétrole à Calgary.
Sa conviction a été amplifiée par des reportages de médias révélant que des pièces d’acier devant servir à assembler le nouvel oléoduc commençaient déjà à être livrées sur le chantier. La société d’État propriétaire de l’infrastructure a répondu que ces pièces avaient été commandées avant que le chantier ne soit suspendu par le tribunal.
Tout le dossier de l’oléoduc complique sérieusement le travail des libéraux qui doivent continuer de soutenir l’industrie pétrolière tout en cherchant à atteindre les cibles fixées par les ententes internationales de lutte aux changements climatiques.
Le premier ministre Justin Trudeau maintient que le projet est conforme aux intérêts nationaux de tirer un avantage économique des ressources naturelles du pays. Des ressources dont on aura encore besoin pour quelques décennies.
Cette vision soulève l’ire des groupes écologistes, dont plusieurs avaient soutenu la campagne électorale de Trudeau en 2015 précisément pour ses engagements en environnement. Ceux-ci prévoient déjà s’adresser aux tribunaux, manifester et même bloquer le chantier si le projet est approuvé de nouveau.
La chef du Parti vert, Elizabeth May, a tenu une conférence de presse conjointe avec le militant écologiste David Suzuki, vendredi à Ottawa. Elle a prié le gouvernement de renoncer à Trans Mountain.
«On ne peut pas négocier avec l’atmosphère», a-t-elle déclaré en rappelant que les scientifiques donnent moins de dix ans pour réduire de façon draconienne les émissions de gaz à effet de serre avant qu’il ne soit trop tard.
«Pour y arriver, on ne peut plus approuver un seul nouvel oléoduc», a-t-elle insisté.
Elizabeth May croit que l’argument économique ne tient plus la route et que l’Asie, où l’on souhaite exporter le pétrole albertain, ne dispose pas de raffinerie capable de traiter le produit extrait des sables bitumineux.