Contrats historiques: une large majorité de PME craignent de passer à côté de la parade
François Normand|Édition de la mi‑novembre 2024(Photo: Adobe Stock)
CONTRATS HISTORIQUES. Malgré la pluie de contrats qui s’abattra sur le Québec dans les prochaines années dans les secteurs de l’énergie et des infrastructures publiques ainsi que dans la filière batterie et minéraux critiques et stratégiques (MCS), une large majorité de PME québécoises craignent pourtant de passer à côté de la parade, car elles affirment ne pas connaître vraiment les occasions d’affaires.
Voilà la principale conclusion d’un sondage exclusif réalisé par Les Affaires et la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ). L’Observatoire de la FCCQ a sondé ses membres du 3 septembre au 2 octobre dans toutes les régions du Québec.
Au total, 235 entreprises dans une foule de secteurs — de la fabrication aux services professionnels en passant par la construction et le commerce de gros — ont répondu à la dizaine de questions du sondage, dont la marge d’erreur est de +/-6%.
Trois points marquants ressortent du sondage.
Premièrement, une large majorité de PME — grosso modo de 69% à 80% — ne prévoient pas ou ne savent pas si elles seront en mesure de profiter des occasions d’affaires liées aux grands projets de la transition énergétique.
Ce pourcentage varie en fonction des trois secteurs visés par le sondage:
- 69,8% pour la filière batterie/MCS
- 80,2% pour le Plan d’action 2035 et la stratégie éolienne d’Hydro-Québec
- 68,7% pour le Plan québécois des infrastructures (PQI) 2024-2034
Ces pourcentages comprennent les personnes qui ont répondu «Non/probablement pas» ou «Peut-être/NSP nous manquons d’informations» à la question suivante :
- « Votre entreprise profitera-t-elle des occasions d’affaires offertes par les grands projets industriels liés à la transition énergétique (filière batterie, MCS) ou aux grands appels d’offres publics (Hydro-Québec, PQI) des dix prochaines années ? »
Près de 80% des entreprises manquent d’information
Deuxièmement, les principaux facteurs qui défavorisent les PME dans leur participation à ces grands projets sont la méconnaissance des occasions d’affaires qui y sont liées, la méconnaissance des processus d’appels d’offres, la rareté de main-d’œuvre ainsi que le manque d’expertise en développement des affaires.
Ainsi, près de 80% des répondants disent manquer d’information: 40,3% en ce qui concerne la méconnaissance des occasions et 37,5%, la méconnaissance des processus.
Le sondage comprend aussi une partie où les répondants pouvaient formuler des commentaires de manière anonyme, notamment s’ils manquent d’information. Deux commentaires témoignent d’un besoin à combler pour les principaux donneurs d’ordres.
«Oui, tout à fait! Peut-être mettre en place un microsite où les opportunités seraient affichées, ainsi que les ouvertures aux soumissions ? Pour le moment, il est difficile de savoir où trouver les informations relatives aux besoins et à l’ouverture des processus d’appels d’offres», écrit un répondant.
«Oui, nous en manquons. Il est difficile de savoir la vraie information à travers tout le bruit véhiculé par les médias. Ça manque de concret sur lequel se positionner et sur lequel miser», répond un autre.
Troisièmement, la mesure la plus souvent citée par les 235 répondants pour améliorer l’accès des PME à ces grands projets est l’abandon de la règle du plus bas soumissionnaire conforme en matière d’octroi des contrats publics, et ce, pour 52,34% des répondants.
Cette mesure est suivie par la simplification des processus d’appels d’offres (48,44 %) et les initiatives des grands donneurs d’ordres nationaux et internationaux afin de prioriser des fournisseurs locaux (45,31 %).
Le sondage confirme des constats antérieurs
Ces trois constats ne surprennent pas vraiment la FCCQ, qui est en contact régulier avec ses membres aux quatre coins du Québec.
«Les résultats de ce sondage confirment plusieurs des constats établis avec nos membres. Les appels d’offres publics sont encore trop souvent mal adaptés à la réalité des PME, et il y a de la place à un renforcement important du maillage entre les grands donneurs d’ordres industriels ainsi que les fournisseurs, sous-traitants et partenaires locaux potentiels», affirme Philippe Noël, vice-président aux affaires publiques et économiques de la FCCQ.
À ses yeux, le développement des chaînes d’approvisionnement québécoises dans les secteurs liés à la transition énergétique passe donc par « une meilleure visibilité des occasions d’affaires » pour les PME du Québec.
Hydro communique de l’information, mais pas assez
En entrevue à Les Affaires, Maxime Aucoin, vice-président exécutif aux stratégies et aux finances à Hydro-Québec, explique que la société d’État «met en place des séances d’information pour aider ces entreprises à mieux comprendre et à anticiper les besoins d’approvisionnement d’Hydro-Québec dans son plan d’action 2035».
Il affirme qu’Hydro-Québec «travaille» aussi avec l’industrie et les associations pour faire connaître ses façons de faire des affaires.
Marie Lapointe, PDG de l’Association de l’industrie électrique du Québec, confirme que la société d’État communique de l’information, mais que celle-ci s’adresse avant tout aux superfournisseurs stratégiques — les tiers one, comme on dit dans l’industrie.
«Les PME qui sont des fournisseurs de plus bas niveau, les tiers 2 et les tiers 3, ne sont pas encore informées beaucoup», dit-elle.
Investissement Québec (IQ), qui est très impliquée dans la filière batterie/MCS (la société d’État détient par exemple 50% du capital de Nemaska Lithium), indique dans un courriel avoir «contribué à la coordination de l’organisation » de trois événements régionaux réunissant des donneurs d’ordres et des fournisseurs afin de « rapprocher les entreprises québécoises des grands joueurs de la batterie».
IQ a aussi publié un répertoire des donneurs d’ordres dans cette industrie, sans parler du fait qu’elle dit accompagner des PME pour les aider à comprendre les appels d’offres de grands donneurs d’ordres.
Pour sa part, le gouvernement du Québec a un guide en ligne à l’attention des fournisseurs, le Système électronique d’appels d’offres. On y retrouve tous les appels d’offres de l’État par catégories, par exemple pour les approvisionnements en biens et les travaux de construction.
Les atouts des PME pour se positionner
Même si une large majorité de PME craignent de passer à côté de la parade des contrats, plusieurs d’entre elles estiment en revanche avoir des atouts qui favorisent leur participation aux grands projets industriels liés à la transition énergétique ou aux appels d’offres publics d’importance.
Ainsi, 55% d’entre elles disent miser sur la flexibilité et l’adaptabilité de leur chaîne de production ou des services qu’elles peuvent offrir.
Quatre PME sur dix (42,5%) affirment disposer de la main-d’œuvre qualifiée et spécialisée en nombre suffisant.
Une partie importante des entreprises (37,5%) soulignent qu’elles offrent des produits ou des services innovants pour lesquels il y a peu ou pas de concurrents.
Parmi les autres atouts évoqués par les PME, on compte notamment le haut niveau de productivité et des prix particulièrement compétitifs ainsi que la taille de l’entreprise — elles peuvent accepter de nouveaux contrats de grande ampleur.