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Biocarburants: les cibles sont «insuffisantes», dit l’industrie

François Normand|Publié le 03 octobre 2019

Les cibles de Québec pour les biocarburants mettent à risque le projet d'une bioraffinerie évalué à 1G$ à La Tuque.

L’Association québécoise de la production d’énergie renouvelable (AQPER) affirme que le gouvernement Legault fixe des cibles «insuffisantes» pour la teneur minimale en biocarburants au Québec. Une situation qui mettrait même à risque le projet d’un milliard de dollars pour construire une bioraffinerie à La Tuque, en Mauricie.

Le 2 octobre, le gouvernement a publié un projet de règlement dans lequel il propose une cible de 2% en 2021 puis 4% en 2025 pour les biocarburants comme le biodiesel, qui est produit à partir de la biomasse forestière, agricole ou de déchets urbains.

Or, selon l’AQPER, il faut à terme une teneur minimale de 10% pour créer un vrai marché au Québec et pour attirer des investissements.

«On ne comprend pas pourquoi le gouvernement n’a pas fixé une cible de 10% à l’horizon de 2030. Cela n’envoie pas un bon signal aux investisseurs», déplore au bout du fil le PDG de l’AQPER, Jean-François Samray.

Même inquiétude du côté de Bioénergie La Tuque, la PME qui veut mettre en service en 2023-2024 une bioraffinerie qui produirait entre autres du biodiesel. «On peut perdre le projet, car le gouvernement ne va pas plus loin qu’une cible de 4%», dit son PDG Patrice Bergeron.

La multinationale finlandaise Neste, le principal investisseur dans le projet de bioraffinerie à La Tuque, demande depuis le début une cible d’au moins 10%, car elle affirme que c’est le seuil minimal pour créer un véritable marché local.

Neste est un leader mondial dans la production de biocarburants. Elle compte parmi ses clients le géant du numérique Google, la ville de San Francisco et le transporteur allemand Lufthansa.

«Nous n’investirons pas au Québec, c’est clair»

Au moment de mettre cet article en ligne, la société finlandaise n’avait pas répondu à notre demande d’interview pour commenter le projet de règlement. Or, sans un seuil d’au moins 10%, Neste pourrait ne pas investir au Québec.

«S’il n’y a pas de grandes ambitions pour cette réglementation, nous n’investirons pas au Québec, c’est clair», avait déclaré à Les Affaires en février 2018 Lars Peter Lindfors, vice-président principal et directeur technique chez Neste.

Joint par Les Affaires, le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec n’a pas répondu à notre demande d’entrevue sur le projet de règlement.

Le projet de Bioénergie La Tuque est assez avancé.

«Les études d’approvisionnement et technologiques sont terminées. Il nous reste à tester deux technologies sélectionnées pour éventuellement produire du biodiesel et de la bioessence», explique Patrice Bergeron.

En principe, la construction de la bioraffinerie devrait débuter en 2021-2022, pour une mise en service en 2023-2024.

L’usine produirait 200 millions de litres de biocarburants par année à partir de la biomasse forestière récoltée dans la région de La Tuque, ce qui permettrait de retirer des routes environ 143 000 véhicules carburants au diesel classique. Cela représente aussi de 5 à 7% de la consommation régulière de diesel au Québec.

Malgré le projet de règlement, le patron Bioénergie La Tuque ne jette pas l’éponge pour autant. «Il y a une période de 45 jours de consultation, dit-il. On a bon espoir de pouvoir convaincre le gouvernement d’ajouter une cible de 10% d’ici 2030.»

Même sentiment d’urgence du côté de Jean-François Samray, qui affirme que l’AQPER va tenter de convaincre Québec d’ajouter une cible de 10% à la réglementation, car le Québec a besoin de gros projets comme celui de La Tuque.

«C’est clair que le Québec a tout ce qu’il faut pour devenir un leader mondial dans les biocarburants», dit-il.