Baisse de l’intérêt des pétrolières envers l’énergie renouvelable
La Presse Canadienne|Publié le 30 mars 2020Puisque les pétrolières n’investissaient déjà pas des sommes importantes, cela ne changera pas beaucoup la donne.
Les coupes budgétaires liées au double défi que représentent la chute de la demande pendant la pandémie à la COVID-19 et la forte baisse des prix du pétrole signifient que l’industrie du pétrole et du gaz naturel investira moins d’argent dans l’énergie renouvelable.
Cependant, un rapport de la firme Wood Mackenzie soutient que cela ne veut pas dire qu’il y aura un ralentissement de l’investissement global envers les énergies renouvelables puisque les grandes sociétés pétrolières n’investissaient déjà pas des sommes importantes.
« Dans un milieu où le prix du baril de pétrole est de 60 $ US, la majorité des entreprises avaient les moyens pour songer à des stratégies d’atténuation du carbone », a dit la vice-présidente, analyse corporative chez Wood Mackenzie, Valentina Kretzschmar.
« Présentement, toutes les dépenses discrétionnaires sont révisées et cela inclut le budget alloué à l’atténuation du carbone. Et les entreprises qui n’avaient pas commencé à investir ont encore moins de raisons de le faire. »
Plus tôt cette semaine, le géant des sables bitumineux Suncor Energy Inc. a annoncé qu’il allait réduire son budget des dépenses en capital de 26 % ou 1,5 milliard $ en réaction à la chute des prix du pétrole en vertu de la guerre des prix entre l’Arabie Saoudite et la Russie.
Deux projets qui avaient été approuvés ont été suspendus pour une période pouvant aller jusqu’à deux ans : un projet de 1,4 milliard $ pour construire deux usines de cogénération dans sa base de sables bitumineux dans le nord de l’Alberta qui aurait réduit ses émissions de gaz à effet de serre, ainsi qu’une centrale éolienne au coût de 300 millions $ dans le sud de la province.
L’entreprise insiste toutefois sur le fait qu’elle prévoit atteindre ses objectifs environnementaux.
Cenovus Energy Inc. a aussi annoncé une réduction de ses budgets en dépenses de capital, mais les détails n’ont pas été dévoilés. La porte-parole Sonja Franklin a également ajouté que l’entreprise demeurait engagée à atteindre ses objectifs environnementaux.
Toutefois, choisir d’investir dans les hydrocarbures et non dans les énergies renouvelables est comme continuer à investir dans le développement du film après l’invention de la caméra numérique, a dit le militant de Greenpeace Canada Keith Stewart.
« La chute actuelle du prix du pétrole est un aperçu des choses à venir, alors que l’accessibilité à des véhicules électriques et à l’énergie solaire ou éolienne va faire à la demande de pétrole ce que les caméras numériques ont fait au marché des caméras à pellicule photo », a-t-il dit.
« Si les entreprises pétrolières ne sont pas en mesure d’évoluer alors que les investisseurs sont de plus en plus inquiets des impacts climatiques, alors nous devrions nous assurer qu’elles ne vont pas traîner les travailleurs et les communautés dans leur chute. »
Dans son rapport, Wood Mackenzie note que cinq entreprises européennes de pétrole et gaz naturel se sont engagées à dépenser un total d’un peu plus de cinq milliards $ US par année sur les technologies à carbone zéro, soit environ 9 % de leur budget de développement d’ici 2022 — avant la crise.
La construction de centrales éoliennes et solaires avait continué à augmenter lors de la dernière crise des prix du pétrole, selon l’analyse de Wood Mackenzie, parce que la majorité de ces investissements provenaient d’un autre secteur que celui des hydrocarbures.
L’analyse souligne qu’un coût du baril de pétrole à environ 35 $ US réduit les retours sur les nouveaux projets liés au pétrole et au gaz naturel à un niveau où les investissements sur les énergies renouvelables peuvent être compétitifs.
« L’allocation du capital ne se fait plus à sens unique pour les grandes sociétés pétrolières. Les projets d’énergie renouvelable sont soudainement intéressants comme projet en amont. »