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Les ventes des librairies sont en hausse au Québec

La Presse Canadienne|Publié le 02 novembre 2020

Le livre québécois a la cote et il se démarque de ses confrères sur les rayons à travers la province.

Les ventes de livres ont bondi dans les librairies indépendantes du Québec depuis la reprise des activités en mai, confirme la directrice générale de l’Association des libraires du Québec (ALQ), Katherine Fafard.

« Un petit miracle à travers cette pandémie » qui se traduit par une hausse de 8,2 % par rapport à la même période l’an dernier, souligne-t-elle.

La situation actuelle n’est pas sans rappeler le 11 septembre 2001 au copropriétaire de la librairie Le port de tête à Montréal, Éric Blackburn. « Je travaillais dans une boutique de livres usagés à l’époque, explique-t-il, et je me souviens qu’à compter du jour même il y a eu une hausse massive des ventes, comme si les gens avaient besoin de lire pour se rassurer. »

La période de confinement se prête bien à la lecture, selon l’avis de Mme Fafard, parce que la lecture est une activité solitaire. Elle la décrit aussi comme une activité « refuge » qui peut autant amener du réconfort qu’une dose d’adrénaline stimulante après une journée devant l’écran.

L’achalandage soutenu que connaissent les boutiques indépendantes depuis leur réouverture en mai est une bonne nouvelle « presque inespérée », ajoute Mme Fafard, surtout lorsqu’elle compare sa situation avec celle de ses autres collègues du secteur culturel.

Alors que l’accès à la culture dans les salles de spectacles ou de cinéma reste peu envisageable pour la majeure partie du Québec, le livre est toujours là, rappelle-t-elle.

Les livres québécois au top

Le livre québécois a la cote et il se démarque de ses confrères sur les rayons à travers la province. « Les gens passent à l’acte » pour soutenir l’achat local, reconnait la directrice de l’ALQ.

Autre catégorie qui trône au sommet des palmarès : les livres ésotériques. « J’imagine qu’en temps de crise les gens cherchent des réponses à des phénomènes naturels ou pas », offre Mme Fafard en guise d’explication.

« On est loin de l’hécatombe qu’on appréhendait en mars, admet M. Blackburn. Dans notre cas, ce qui a été perdu pour la période du printemps a été récupéré vers la fin du mois de juillet. »

La montée en flèche du livre québécois est due à sa « qualité exceptionnelle », selon lui. La moitié des bouquins vendus dans sa boutique ont été écrits par des auteurs d’ici, fait-il savoir, bien que la production québécoise compte pour moins de 50 % des ouvrages francophones.

Même constat à la Librairie de Verdun. « Le livre québécois est devenu le petit chouchou des clients », atteste le propriétaire Philippe Sarazin.

Le printemps a été « horrible et insécurisant » pour son commerce, dit-il sans ménagement. Il n’a pas encore tout à fait récupéré les pertes causées par la fermeture des mois de mars à mai, mais depuis la relance des activités les affaires vont rondement.

Cet enthousiasme occasionne parfois des files d’attente devant sa librairie, une situation qui le rassure. Reste à voir « si les gens vont continuer d’attendre en file dehors cet hiver », s’interroge-t-il.

Shannon Desbiens avait une bonne raison de célébrer le 12 août dernier. Sa librairie Les Bouquinistes au Saguenay a connu « sa meilleure journée à vie » depuis son ouverture en 1979, lors de l’initiative annuelle « J’achète un livre québécois ». « Nos chiffres correspondaient à ce qu’on fait normalement durant le temps des fêtes ! », se réjouit−il.

Il explique que la plateforme leslibraires.ca a permis à la librairie de Chicoutimi de passer au travers des mois plus difficiles. C’est donc plein d’espoir qu’il s’apprête à reprendre cette institution d’une quarantaine d’années à titre de copropriétaire.

David Lessard-Gagnon était libraire à la Coopérative de l’Université de Sherbrooke depuis neuf ans. Témoin privilégié des soubresauts qu’a connu l’écosystème du livre à travers les années, cela ne l’a pas empêché de joindre la librairie Les Appalaches qui a ouvert ses portes le 21 octobre en pleine crise sanitaire.

Il faut préciser qu’il baigne dans cet univers depuis sa naissance… ou presque. « J’avais six mois quand ma mère a commencé à travailler dans une librairie. Elle a pris sa retraite il y a deux ans », explique M. Lessard-Gagnon, qui dit réaliser un rêve qui l’habite depuis l’enfance en poursuivant cette aventure.

Les ventes vont bien, l’accueil a été « fantastique » depuis l’ouverture et certains en sont même à leur deuxième ou troisième visite alors qu’ils sont ouverts depuis à peine une semaine, rapporte le jeune libraire.

Et qu’en est-il pour les gros joueurs? « L’industrie du livre se porte plutôt bien vu l’état des choses », note Floriane Claveau, conseillère en communications et marketing chez Renaud-Bray.

Les ventes sur le web, notamment, ont progressé durant la fermeture des magasins au printemps et se sont maintenues depuis, commente la porte-parole. Elle affirme que leur entrepôt dédié aux ventes en ligne a facilité l’entreposage et la logistique des commandes.

Les libraires indépendants s’entendent pour dire que la marge de profit sur les ventes en ligne reste mince vu le prix des envois postaux. M. Blackburn effectue des livraisons quelques heures par jour pour remédier à ce problème.

« Ce n’est pas un modèle d’affaires qui nous permettrait de survivre, renchérit M. Sarazin. C’est tout de même mieux que de ne pas faire de ventes du tout. »

Ce qui ne représentait qu’une part négligeable des ventes l’an dernier compte pour 15 % de son chiffre d’affaires à l’heure actuelle. Il préfère toutefois encourager la cueillette en magasin auprès de ses clients et martèle qu’il faut trouver une solution aux frais de poste.