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Daniel Lafrenière

De kessé l'expérience client

Daniel Lafrenière

Expert(e) invité(e)

Expérience client: les personnes âgées sont laissées de côté

Daniel Lafrenière|Publié le 24 mars 2022

Expérience client: les personnes âgées sont laissées de côté

Certaines personnes âgées se privent de faire des activités car l'expérience client ne leur est pas adaptée. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Selon l’édition 2021 du bilan démographique du Québec publié par l’Institut de la statistique du Québec, pas moins de 20% de la population a 65 ans ou plus, «une proportion qui augmente depuis de nombreuses années et de façon accélérée depuis que les baby-boomers ont commencé à atteindre cette tranche d’âge.» D’ici 2031, la province pourrait compter 547 000 ainés de plus.

Ce chiffre inquiète lorsque l’on constate au quotidien que l’expérience des clients plus âgés est souvent négligée.

L’effet du vieillissement

En vieillissant, le corps humain perd graduellement certaines facultés. Par exemple, la vue a tendance à baisser, on distingue moins de nuances de couleurs, et il devient plus difficile de voir dans la pénombre. Les gens souffrant d’arthrose éprouvent d’autres difficultés, notamment de préhension ou de manipulation fine de certains objets.

Ce ne sont que quelques exemples des conséquences du vieillissement, qui sont malheureusement souvent ignorées par les concepteurs de solutions physiques ou numériques. Afin d’illustrer mon propos, voici deux situations où un mauvais design empoisonne la vie des clients plus ou moins âgés.

Ouvrir un emballage

Outre leur impact néfaste sur l’environnement, l’emballage en coque de plastique pose problème. Je pense notamment à plusieurs produits électroniques dont l’opération de déballage nécessite une paire de ciseaux ou un couteau utilitaire. Rien de tel pour se blesser ! C’est ce que confirme ce reportage de la chaine de télévision américainre NBC: des milliers de personnes se blessent chaque année en tendant de déballer des produits. Tâche ardue pour un adulte, je n’ose imaginer la situation pour une personne âgée dont la motricité est diminuée par l’arthrite.

Jusqu’à tout récemment, le Consumer Report décernait chaque année ses «Oyster Awards» (prix de l’huitre) pour souligner la difficulté de déballage de certains produits. La première place a déjà été accordée à un manufacturier d’un téléphone sans fil dont l’emballage prenait 9 minutes et 22 secondes à ouvrir. Il faut le faire !

Ces emballages causent aussi leur lots de soucis aux personnes âgées. (Photo:123RF)

L’emploi de plaquettes alvéolées par certains fabricants de l’industrie pharmaceutique pose aussi problème. Les irritants liés à ce type d’emballage sont d’ailleurs documentés dans plusieurs études, dont celle-ci dans l’International Journal of Pharmacy Practice.

N’oublions pas que le déballage fait partie de l’expérience client. D’autant plus que lorsqu’il est bien pensé, il peut faire l’objet de vidéos comme celui-ci d’un produit Apple.

Payer son espace de stationnement à une borne interactive

On m’a raconté dernièrement l’histoire d’ainés hésitant à se déplacer pour éviter de garer leur véhicule dans des espaces de stationnement où il faut payer à une borne. Ah les fameuses bornes de paiement! C’est la plupart du temps une erreur, voire une horreur de conception.

Ce que l’on doit faire n’est jamais très clair. Certaines demandent d’inscrire le numéro d’emplacement, d’autres le numéro de plaque d’immatriculation du véhicule. Certaines bornes émettent un billet, d’autres pas. Certaines acceptent l’argent comptant, mais le paiement n’est pas toujours évident. Il est intéressant d’observer — et d’aider bien entendu! — des ainés ou des touristes souvent perplexes devant la lourdeur de la procédure.

La lisibilité laisse souvent à désirer dû au manque de contraste (p. ex. des lettres de couleur ambre sur fond noir, ou bleu sur fond noir), à l’éblouissement lorsque le soleil est trop présent (on n’y voit rien), ou simplement parce que celui qui a choisi la taille des caractères pense naïvement que tout le monde jouit d’une acuité visuelle de 20/20 (il n’y a tout simplement pas pensé).

Bref, l’interaction est tellement ardue que des personnes se privent d’activités si elles doivent utiliser de telles bornes. C’est triste quand on y pense…

Je vous invite à (re)lire ce texte de Don Norman, professeur émérite et auteur reconnu dans le domaine de l’expérience utilisateur, et à visionner sa courte vidéo. Cela fait réfléchir !

Il faut penser à TOUS les clients, les jeunes et les moins jeunes lors de la conception d’un produit, d’un emballage ou d’une solution numérique. Il faut aussi tester le tout avec ces vraies personnes, dans un vrai contexte d’utilisation, dans de vrais lieux d’utilisation, par opposition à un laboratoire aseptisé.

C’est à ce moment qu’on pourra parler de design inclusif… et le monde ne s’en portera que mieux.