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Clinia veut devenir le Google de la santé

Emmanuel Martinez|Édition de la mi‑septembre 2024

Clinia veut devenir le Google de la santé

Simon Bédard, fondateur et PDG de Clinia (Photo: courtoisie)

ENTREPRENEURIAT. Que ce soit pour des patients ou des professionnels, naviguer dans le système de santé est souvent compliqué.

C’est à partir de ce constat que la start-up montréalaise Clinia a développé un moteur de recherche qui permet aussi bien à un citoyen de trouver sa pharmacie la plus près de chez lui qu’à un médecin de dénicher l’information pertinente dans le dossier électronique d’un malade ou dans une banque d’articles spécialisés pour déterminer le traitement approprié.

Voulant à la base devenir l’Expedia de la santé, la jeune pousse créée en 2016 s’est rendu compte qu’il était complexe de bâtir une plateforme centralisée accessible pour tous. Elle a choisi d’y aller en 2020 avec une interface de programmation d’application (API). Avec cette approche, son moteur de recherche est intégré à même le site web de ses clients comme Telus Santé et Dialogue, d’où les usagers peuvent s’en servir.

« Cela a changé drastiquement la manière dont on faisait des affaires », affirme son fondateur et PDG Simon Bédard en entrevue.

Il note qu’avec ce modèle, sa propriété intellectuelle est bien préservée, car elle est difficilement copiable. Et loin de fragiliser son moteur de recherche qui s’appuie sur de l’intelligence artificielle, la montée de l’IA générative lui ouvre des portes.

« Cela ne fait qu’accélérer la demande et aussi l’investissement dans notre interface », dit-il.

Cap vers l’étranger

Après une première ronde de financement de 4,5 millions de dollars menée par Anges Québec en 2022, Clinia a frappé un grand coup en concluant un partenariat avec Telus Santé. Après deux ans de négociation, elle a conclu avec cette dernière une entente commerciale à la fin de 2023. Ceci a ensuite débouché en janvier dernier sur une ronde de 10 millions de dollars dirigée par Telus capital de risque, le bras financier du géant des télécommunications.

« Cela a été une grande victoire, déclare le PDG. Les investisseurs actuels ont aussi réinvesti selon le pourcentage qu’ils possédaient auparavant. Ils l’ont fait, car ils voient la valeur de notre technologie et son potentiel économique. »

Il souligne que cet investissement rapproche son entreprise de Telus Santé, mais que les deux entités restent complètement séparées. « On ne développe pas des produits conjointement, mais on est près d’eux pour les aider à avoir un point de vue technologique différent, explique Simon Bédard. On leur offre une expertise de niche sur l’IA et les moteurs de recherche. »

Clinia n’engrange pas encore de revenus à l’étranger, mais elle compte sur Telus Santé, son plus gros client, afin de lui ouvrir des portes. Elle souhaite ainsi générer la moitié de son chiffre d’affaires aux États-Unis et le quart en Europe d’ici quelques années. « Le financement de Telus est important, car il va nous permettre de percer le marché américain contre de gros joueurs de l’intelligence artificielle, note-t-il. Toutefois, l’aspect commercial a encore plus de valeur. »

Il souligne que Telus Santé est bien implantée aux États-Unis, notamment après l’acquisition de LifeWorks en 2022. « On pourra profiter de synergie avec le réseau de distribution et des équipes de vente de Telus Santé aux États-Unis, mentionne le patron de Clinia. Cependant, on est complètement indépendants. On n’est pas mariés à eux. »

Oser prendre des risques

Cette aide d’une multinationale est souvent cruciale pour l’émergence et la croissance d’une start-up. Clinia est reconnaissante de l’apport de l’entreprise de télémédecine montréalaise Dialogue qui a cru en elle et qui est devenue son premier client pour son interface de programmation d’application.

En regardant en arrière, Simon Bédard estime que sa start-up aurait dû prendre des risques plus rapidement dans son cheminement. « Quand tu essaies de faire comme tout le monde, tu es traité comme tout le monde, croit-il. Mais lorsque tu te dotes d’une vision ambitieuse, ce qui est plus risqué, tu convaincs des employés, des clients et des investisseurs qui ont envie de courir ce risque. On s’est démarqué comme ça. Il faut oser. Aujourd’hui, j’aurais tendance à plus foncer, car cela nous a toujours bien servi. »

Cette philosophie se traduit dans une gestion qui s’appuie sur le modèle de l’entreprise libérée. Clinia a donc une forme organisationnelle horizontale dans laquelle les salariés sont beaucoup plus libres de prendre des actions et d’en assumer la responsabilité. Cette approche lui permet d’attirer et de retenir des experts de talent, selon le PDG.

Avec son savoir-faire et de l’argent dans les coffres, Clinia est prête pour passer à une autre étape pour conclure des ententes avec de grosses entités étrangères dans le domaine de la
médecine.

« On doit non seulement les convaincre que notre produit répond à leur besoin, mais aussi qu’on va évoluer et être en mesure d’avoir du sens pour leur stratégie à eux dans trois ans, résume Simon Bédard. Il faut être audacieux. On cherche donc à bâtir une entreprise internationale basée au Québec. »