ChemBrains: traiter des eaux sans produits chimiques
Emmanuel Martinez|Édition de la mi‑septembre 2024L'entreprise a été fondée en 2020 par Aziz Gherrou, un chimiste d’origine algérienne qui a fait le saut dans l’entrepreneuriat après avoir notamment travaillé durant neuf ans au Centre des technologies de l’eau ainsi que quatre ans chez Metafix à Montréal.
ENTREPRENEURIAT. Purifier des eaux et récupérer des contaminants avec de l’électricité et des matières recyclables, c’est possible grâce à des technologies développées par la start-up montréalaise ChemBrains.
Elle a été fondée en 2020 par Aziz Gherrou, un chimiste d’origine algérienne qui a fait le saut dans l’entrepreneuriat après avoir notamment travaillé durant neuf ans au Centre des technologies de l’eau ainsi que quatre ans chez Metafix à Montréal. Il avait aussi enseigné la chimie à l’université pendant huit ans dans son pays natal avant d’arriver au Québec.
« Quand vous êtes chercheur, vous avez des projets de recherche, mentionne-t-il. Vous êtes comme dans un moule où vous n’avez pas beaucoup de degrés de liberté. »
À la suite de nombreuses visites et projets industriels, il constate que les technologies électrochimiques étaient méconnues des entreprises, alors qu’il estimait qu’elles avaient beaucoup de potentiel environnemental.
« Selon moi, on est rendu à une étape où il faut faire un virage vers tout ce qui est vert et propre et je me suis dit que je devais essayer de développer ce type de technologie pour apporter ma contribution afin de réduire ces impacts sur l’environnement. »
Pour l’industrie aéronautique et automobile
Dans diverses industries, le traitement de surfaces métalliques engendre des rejets qui sont traditionnellement neutralisés avec des produits chimiques ou des matériaux absorbants, comme le charbon actif. Ceci génère des boues ou des résidus toxiques qui peuvent aboutir dans un site d’enfouissement. ChemBrains propose par différents procédés électriques d’éviter d’avoir recours à des produits chimiques ou à des matériaux absorbants, ce qui est moins dommageable pour l’environnement et qui permet de notamment récupérer des restes de cuivre, d’argent et de nickel qui peuvent être recyclés.
Cette innovation est particulièrement adaptée aux fabricants de pièces de l’industrie aéronautique et automobile. Afin d’inspecter des pièces, ces manufacturiers ont recours à des agents mouillants fluorescents à base d’alcools et d’huiles qui se retrouvent dans les eaux de rinçage.
« Ce qu’on essaie de faire, c’est de séparer l’eau de ces contaminants, affirme Aziz Gherrou. On va réutiliser l’eau et les contaminants, s’ils ont de la valeur. On a une optique d’économie circulaire. »
Les installations développées par ChemBrains roulent déjà dans trois entreprises de la région montréalaise : TNM Anodization & Peinture, Mitchell Aerospace et Tekalia Aeronautik.
Des jeux d’eau écologiques
Les jeux d’eau sont maintenant très répandus dans les parcs pour enfants en Amérique du Nord, mais ces installations sont loin d’être écologiques puisque l’eau potable aboutit dans les égouts.
« C’est un gaspillage de 50 à 100 mètres cubes d’eau par jour pour un simple petit parc qui a un jeu d’eau, explique le scientifique. Alors, j’ai développé un système qui va ne pas du tout utiliser l’eau de la ville. »
L’innovation de ChemBrains consiste à capter l’eau de pluie dans un réservoir enfoui. Cette eau tourne en boucle, car elle revient vers le réservoir pour être réutilisée. Elle est traitée sur place grâce à la technologie de la start-up montréalaise.
« Au lieu de doser du chlore pour balancer le pH, pour détruire des contaminants organiques et empêcher les micro-organismes de se développer, on le fait d’une autre façon, note le chimiste. On combine de l’électrochimie, de la photocatalyse et de la filtration physique. »
Il souligne qu’ils existent des milliers de jeux d’eau au Canada et aux États-Unis. « C’est un marché très vaste », mentionne-t-il.
Aziz Gherrou estime que son approche pourrait servir à traiter et recycler les eaux grises, celles qui proviennent du lavage ou du lavabo. Il juge que cela pourrait être pratique pour des terrains de camping par exemple ou dans des lieux où l’eau est précieuse comme dans le sud-ouest des États-Unis. Cette technologie pourrait être également utile pour d’autres équipements comme des tours de refroidissement.
Aucun regret
L’entrepreneur espère décrocher ses premiers clients américains d’ici un an. La mise sur pied d’un atelier est aussi prévue, car pour le moment, la start-up fait construire ses équipements comme des cuves d’évaporation par des sous-traitants.
« L’avantage que j’ai, c’est que je suis moi-même expert dans mon domaine, avance Aziz Gherrou. Donc, je n’ai pas à payer des experts pour me développer des processus. À cause de cela, mon entreprise n’a jamais été dans le rouge depuis ses débuts. »
Avec un certificat de gestion de projet à HEC Montréal, des formations financières et entrepreneuriales, notamment au Centech, il croit avoir mis toutes les chances de son côté pour réussir.
« En commençant, je m’étais donné trois ans, dit-il. Cela fait maintenant quatre ans que je roule là-dedans. Et ça me motive de plus en plus à ne plus regarder derrière. Même si je reçois des offres d’entreprises de temps en temps, c’est fini avec elles, je suis sur une lancée! »