Les voitures de luxe sortent des sentiers battus


Édition du 21 Mai 2016

Les voitures de luxe sortent des sentiers battus


Édition du 21 Mai 2016

Par Claudine Hébert

Philippe St-Pierre voulait tellement devenir le premier concessionnaire de voitures de luxe de marque allemande de l’Outaouais qu’il a acheté un terrain commercial de quatre acres dès que Mercedes-Benz a ouvert le concours pour la région de Gatineau. [

Mercedes-Benz ouvre ses portes à Gatineau, à Lévis et dans l'est de Montréal. BMW s'installe à Lévis et aura, d'ici l'automne, pignon sur rue à Terrebonne. Audi s'implante aussi à Lévis... Les constructeurs de voitures de luxe s'étendent dans de nouveaux marchés au Québec.

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Depuis trois ans, près d'une dizaine de nouvelles concessions d'automobiles de luxe ont ouvert leurs portes - ou sont sur le point de le faire - dans des secteurs où on ne s'attendait pas à les voir s'établir. «Si quelqu'un m'avait dit il y a 10 ans que BMW ouvrirait un jour une concession à Lévis, j'aurais été sceptique», dit Paul Lupien, directeur des ventes pour l'est du Canada du Groupe BMW.

Néanmoins, d'ici 2017, Lévis aura une concession BMW. Ce sera d'ailleurs le troisième constructeur allemand de voitures de luxe à venir s'installer sur la Rive-Sud de Québec, après Mercedes-Benz en 2013 et Audi en 2014.

«L'élargissement des gammes de voitures au sein de la marque soutient cette expansion», signale Nathalie Gravel, superviseure aux relations publiques chez Mercedes-Benz Canada. Mercedes-Benz, souligne-t-elle, est actuellement le seul constructeur de voitures de luxe qui offre au moins un modèle parmi toutes les catégories de véhicules.

Et c'est le constructeur de voitures de luxe qui affiche l'expansion la plus agressive sur le marché québécois. Mercedes-Benz compte trois nouvelles succursales au Québec depuis 2013, une hausse de 25 % qui porte son nombre de concessionnaires à 15, soit 6 de plus qu'Audi (9) et BMW (9, mais 11 d'ici 2017). Seul le constructeur japonais haut de gamme Acura le suit de près, avec 13 concessions.

Outre à Gatineau et Saint-Nicolas (Lévis), Mercedes-Benz vient d'emménager à Montréal-Est, dans la cour des raffineries.

Une expansion qui rapporte. Selon les données compilées par la firme du consultant automobile Dennis DesRosiers, de tous les constructeurs de voitures de luxe au Québec, Mercedes-Benz est celui qui domine le palmarès des ventes, avec 9 507 véhicules écoulés en 2015, soit 23 % plus de véhicules qu'Audi (7 284) et BMW (7 003). Et Acura ? Même avec 13 concessions, le constructeur japonais est loin derrière, avec 4 540 véhicules vendus l'année dernière.

C'est la vente des fourgonnettes Sprinter et Metris qui aide Mercedes-Benz à prendre la position de tête du marché québécois du véhicule de luxe. Il s'est vendu 1 187 Sprinter et Metris en 2015. D'après Philippe St-Pierre, propriétaire de la nouvelle concession Mercedes-Benz à Gatineau - qui a écoulé un peu plus de 250 véhicules neufs l'année dernière - la quarantaine de Sprinter vendus en 2015 représentent actuellement le quart de ses revenus. «Ce sont des véhicules très utilisés par une clientèle commerciale. Ils demandent plus d'entretien, donc plus de visites dans nos ateliers mécaniques», explique-t-il.

La popularité de la location de voitures est aussi un facteur qui favorise l'expansion des concessionnaires haut de gamme au sein du marché québécois. «Au Québec, la location représente près de 80 % du mode transactionnel sur le marché de la voiture de luxe. Ailleurs au Canada, ce mode de paiement ne représente que 40 %», souligne Paul Lupien, du Groupe BMW.

Plus de 10 M$ pour établir une concession

Le créneau de la voiture de luxe représente moins de 9 % des 900 concessionnaires établis au Québec, soit 74. Plus de la moitié de ces concessionnaires sont situés dans la région de Montréal.

Ce sont les concessionnaires de voitures de luxe qui affichent au Québec les meilleures performances de vente, selon Dennis DesRosiers Automative Consultants.

Ainsi, trois constructeurs allemands de voitures de luxe figurent dans le top 5 des meilleurs vendeurs de véhicules par concessionnaire de septembre 2014 à septembre 2015. Les concessionnaires Audi du Québec trônent au premier rang, avec une moyenne de 602 véhicules écoulés annuellement par concession, suivis de très près par BMW, avec 601 véhicules. Mercedes-Benz occupe le cinquième rang, avec une moyenne de 487 véhicules vendus. «Ça prend du volume, beaucoup de volume pour que ces commerces soient rentables», indique Jacques Béchard, pdg de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec (CCAQ). Ces concessions coûtent cher à construire - en moyenne de 10 à 12 millions de dollars - et nécessitent de l'équipement de pointe pour l'entretien des véhicules.

Lorsque BMW s'est implanté à Sainte-Julie, il y a 10 ans, le constructeur allemand craignait d'enlever des parts de marché à ses autres concessionnaires montréalais, concède Paul Lupien. Ces craintes n'ont pas tenu longtemps. «Aujourd'hui, cette concession vend en moyenne 700 véhicules par année, principalement à de nouveaux clients», précise-t-il. M. Lupien est convaincu que le scénario se reproduira à Terrebonne avec l'ouverture prochaine de Grenier BMW. «Il s'agit d'un très grand pas pour nous. Nous serons le premier constructeur de voitures de luxe allemandes dans la région de Lanaudière», signale-t-il.

Celui qui a hérité du commerce, Louis Grenier, soutient être en mesure de vendre 700 véhicules BMW par année... d'ici 2021.

«Nous sommes très bien situés, à l'angle des autoroutes 40 et 640, où circulent en moyenne 110 000 véhicules par jour», explique M. Grenier qui vient d'investir près de 15 M$ pour l'achat du terrain et la construction de la concession. Celle-ci sera dirigée par une femme, Nathalie Genest, un facteur qui devrait contribuer au succès de cette nouvelle adresse, juge M. Grenier.

Un déménagement payant

Avant même que le constructeur Audi ne s'intéresse au marché de Lévis, Marie-Josée Bégin, propriétaire de deux commerces Audi à Québec (Sainte-Foy et Charlesbourg), a bougé. «J'ai proposé au constructeur de déménager la concession de Charlesbourg de l'autre côté du fleuve pour qu'on se rapproche du marché de la Rive-Sud, qui est en pleine croissance démographique», dit-elle.

Cette initiative a donné raison à Mme Bégin. Moins de deux ans après son déménagement, Audi de Lévis estime pouvoir écouler 365 véhicules neufs en 2016.

«C'est du jamais vu si on compare cette performance aux ventes de la concession de Charlesbourg, qui s'établissaient à environ 250 véhicules par année», soutient Marie-Josée Bégin.

Par ailleurs, la concession Audi à Lévis ne nuit pas à celle de Sainte-Foy, qui escompte vendre un nombre record de 850 véhicules cette année. «Remarquez, on vend moins de modèles A6, A7 et A8 à Lévis. Ce sont principalement les modèles d'entrée de gamme A3, A4, Q3 et Q5 qui ont la faveur des acheteurs. On croit pouvoir atteindre le plateau des 600 véhicules d'ici cinq ans, voire même trois ans», précise Mme Bégin.

Concessionnaires triés sur le volet

L'expansion des constructeurs de voitures de luxe au Québec ne repose pas seulement sur l'établissement de nouvelles concessions dans des secteurs en plein boom démographique. La sélection du concessionnaire qui dirigera la succursale constitue la pierre angulaire du processus, indique Jacques Béchard, de la CCAQ.

Chez Mercedes-Benz, on recherche un propriétaire déjà engagé auprès de sa communauté, qui maîtrise déjà très bien son marché avec d'autres concessions automobiles. Même discours chez Infiniti, qui souhaite lancer une offensive sur le marché québécois avec l'arrivée de son nouveau véhicule sport utilitaire multisegment QX30 cet automne. «Un nouveau concessionnaire Infiniti doit d'ailleurs s'installer à Gatineau au cours de la prochaine année, ce qui portera à neuf le nombre de concessions du constructeur au Québec», indique le directeur d'Infiniti Canada, Stephen Lester.

Les constructeurs veulent aussi que le concessionnaire soit très présent au quotidien, souligne M. Béchard. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles les frères Donald et Benoît Theetge, déjà propriétaires de la concession Honda de Boischatel, ont obtenu le ticket gagnant auprès de Mercedes-Benz pour diriger la concession de Saint-Nicolas (Lévis), inaugurée en 2013. «On n'était vraiment pas les plus riches parmi la dizaine de candidats. Mais le président de Mercedes-Benz Canada connaissait notre CV par coeur lorsqu'on l'a rencontré. Il a vu que nous étions deux jeunes concessionnaires dynamiques et très présents dans notre marché», raconte Donald Theetge.

Et les ventes vont bon train. «On recrute une clientèle qui vient de Victoriaville, de Saint-Georges en Beauce, de Thetford Mines, voire de Rimouski. On a réussi à vendre 455 véhicules neufs à notre deuxième année d'exploitation, et on vise à franchir le cap des 500 d'ici la fin de l'année 2016», mentionne M. Theetge.

Même scénario pour Philippe Saint-Pierre, chez Mercedes-Benz à Gatineau. Il n'était pas non plus le mieux nanti parmi la dizaine de candidats en lice. «Mais on savait qui j'étais. Ça devait faire au moins cinq ans que j'appelais le constructeur tous les six mois pour lui démontrer mon intérêt», dit-il.

D'ailleurs, Philippe St-Pierre voulait tant devenir le premier concessionnaire de voitures de luxe de marque allemande de l'Outaouais qu'il a acheté le dernier terrain zoné commercial disponible pour une concession automobile dès que Mercedes-Benz a ouvert le concours pour attribuer la région de Gatineau.

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