Appel d’offres: quel mode de sélection sera utilisé?
Karl Rettino-Parazelli|Édition de la mi‑novembre 2024Avant de décider ou non de se lancer dans un processus d’appels d’offres, une entreprise doit donc s’assurer de comprendre les subtilités du mode de sélection qui sera utilisé. (Photo: Adobe Stock)
INFRASTRUCTURES ET GRANDS PROJETS. La manière avec laquelle est choisie l’entreprise qui remporte un contrat public peut varier d’un appel d’offres à un autre. Voici comment s’y retrouver.
Un entrepreneur qui consulte des appels d’offres dans le Système électronique d’appel d’offres du gouvernement du Québec (SEAO) peut théoriquement voir apparaître quatre modes d’adjudication : le soumissionnaire peut être choisi selon le prix uniquement, selon une qualité minimale et un prix, ou encore selon le prix ajusté le plus bas ou la qualité seulement.
Dans les faits, la vaste majorité des contrats publics de plus de 25 000 $ accordés par des ministères et des organismes du gouvernement du Québec en 2022‑2023 (les plus récentes données disponibles) l’ont été en fonction du prix le plus bas (87 %), loin devant la qualité seulement (7 %), le prix ajusté le plus bas — aussi appelé « meilleur rapport qualité-prix » — (5 %) et le niveau minimal de qualité et le prix le plus bas (1 %).
Le portrait est sensiblement le même à l’heure actuelle, indique Anick-Marie Boivin, conseillère en développement des entreprises sur les marchés publics au ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec (MEI). « La plupart du temps, ce mode de sélection (le prix uniquement) est sélectionné par le donneur d’ouvrage », dit-elle.
« On s’appuie presque toujours sur le plus bas prix dans les contrats de construction, ou sur le rapport qualité-prix dans les contrats de services professionnels », constate pour sa part Pierre-André Hudon, professeur au Département de management de l’Université Laval et spécialiste des marchés publics.
Or, l’expert indépendant en matière d’appels d’offres et président de l’entreprise de consultation Keepoint, Fabien Durand, affirme que des entreprises décident de ne pas se lancer lorsqu’elles constatent que la règle du plus bas soumissionnaire s’applique, parce qu’elles savent qu’elles ne pourront pas tenter de convaincre le donneur d’ouvrage de la qualité de leur offre.
Même son de cloche du côté de Jean-Sébastien Thom, gestionnaire au sein du bureau de l’offre de Logient, une entreprise spécialisée en technologies de l’information. Même si les autres modes de sélection s’appuyant sur la qualité et le prix ne sont pas parfaits en tous points, ils offrent au moins la possibilité de montrer comment l’offre de service présentée se distingue de celle des concurrents, dit-il. « Cette façon de travailler est appréciée dans l’industrie parce qu’elle laisse une chance à tout le monde de se faire valoir. »
Avant de décider ou non de se lancer dans un processus d’appels d’offres, une entreprise doit donc s’assurer de comprendre les subtilités du mode de sélection qui sera utilisé :
Prix uniquement
Dans ce type d’appel d’offres, la qualité n’est pas un enjeu. L’entreprise qui remporte le contrat est celle qui remplit les exigences minimales (par exemple, posséder les compétences, les autorisations et les attestations nécessaires) et qui offre le prix le plus bas.
Qualité minimale et un prix
Contrairement au mode d’adjudication du prix ajusté le plus bas, le donneur d’ouvrage n’utilise pas de formule mathématique pour tenir compte de la qualité. Le contrat est octroyé à l’entreprise dont la soumission obtient un niveau de qualité minimal défini par l’organisme public et dont le prix est le plus bas.
Prix ajusté le plus bas (ou meilleur rapport qualité-prix)
Ce mode d’adjudication est un peu plus complexe que les autres, parce qu’il s’appuie sur une formule mathématique afin de tenir compte du niveau de qualité. « L’organisme public évalue la qualité des soumissions, ajuste le prix selon la formule mathématique et adjuge le contrat au soumissionnaire dont la soumission est conforme et dont le prix ajusté est le plus bas », indique la documentation du gouvernement du Québec.
Dans le milieu, ce mode d’adjudication porte aussi le nom de « système à deux enveloppes », souligne Fabien Durand, de Keepoint. Le donneur d’ouvrage ouvre l’enveloppe liée à la qualité et attribue une note à chaque soumissionnaire. Il ouvre ensuite l’enveloppe de prix de chaque soumissionnaire ayant obtenu une note minimale de qualité (généralement 70 %) et applique la formule mathématique pour obtenir le prix ajusté de chaque entreprise.
« Une soumission qui serait de meilleure qualité ou qui apporterait plus de bénéfices, mais qui coûterait un peu plus cher que les autres pourrait être choisie », explique le professeur Pierre-André Hudon.
Ce système a le mérite de tenir compte de la qualité et du prix, mais il n’est pas parfait, nuance Jean-
Sébastien Thom, de Logient. « Un soumissionnaire qui a obtenu une note très élevée pour la qualité, mais qui a proposé un prix élevé peut se faire couper l’herbe sous le pied par un autre soumissionnaire qui a réussi à passer la qualité de justesse, mais qui a proposé un prix beaucoup plus bas », explique-t-il.
Qualité seulement
Ce mode de sélection est utilisé « lorsque le prix n’est pas une considération d’ordre compétitif », indique la documentation du gouvernement du Québec. « Le contrat est alors adjugé au prestataire de services dont la soumission acceptable a obtenu la note finale la plus élevée », souligne-t-
on.