Les dirigeants de l’industrie ont souligné que des mesures incitatives étaient nécessaires pour obtenir davantage de financement. (Photo: La Presse Canadienne)
Toronto — Le mot «urgence» était sur toutes les lèvres lors d’une conférence sur les véhicules électriques, mercredi, alors que les constructeurs soulignaient la nécessité d’une plus grande coordination et d’un soutien gouvernemental afin de tirer parti du changement tectonique dans l’industrie automobile.
«Le sentiment d’urgence ne peut vraiment pas être surestimé ici», a fait valoir la présidente de GM Canada, Marissa West, lors de la conférence inaugurale sur l’innovation et la technologie des véhicules électriques au Humber College de Toronto.
«Nous devons agir rapidement, sinon cette occasion nous échappera.»
La pression exercée sur le Canada pour qu’il adopte rapidement les véhicules électriques, déjà croissante en raison des préoccupations liées au changement climatique et des changements généralisés de la chaîne d’approvisionnement, s’est intensifiée depuis que les États-Unis ont adopté leur loi sur la réduction de l’inflation (IRA), qui prévoit d’énormes subventions pour la construction et la vente de véhicules électriques au pays — et l’argent coule déjà à flots.
La loi étend également les mesures incitatives aux véhicules construits au Canada, mais met en évidence l’écart dans le financement des nouvelles installations de fabrication qui nécessitera une aide monétaire du gouvernement canadien pour aider à équilibrer les règles du jeu, a estimé Mme West.
«Nous n’allons pas être en mesure de faire mieux que l’IRA en ce qui a trait aux montants d’argent, mais nous devons égaler certains de ses aspects, afin que nous puissions encourager l’investissement au Canada, là où cela a du sens.»
Selon Mme West, le Canada détient un avantage significatif avec l’approvisionnement en énergie renouvelable, mais la vitesse d’approbation des projets et les politiques incohérentes entre les gouvernements provinciaux et fédéral sont des obstacles au démarrage de projets.
Pour que le gouvernement saisisse correctement l’occasion, il doit y avoir une politique industrielle claire en place, a estimé la présidente du syndicat Unifor, Lana Payne, à la fois pour attirer les investissements et pour garantir que de bons emplois émaneront de la transition, puisque la transition met à risque environ le tiers des emplois liés à la construction d’automobile.
«Nous sommes à un moment unique où le monde regarde les chaînes d’approvisionnement d’une manière différente», a affirmé Mme Payne.
«Essayer de localiser une plus grande partie de cette base de la chaîne d’approvisionnement est essentiel, et c’est ainsi que nous obtiendrons les emplois de l’avenir.»
Le Canada a déjà attiré des engagements importants sur le front des véhicules électriques, avec plus de 15 milliards de dollars engagés depuis le début de 2021, mais compte tenu de l’ampleur de la transition en cours, les dirigeants de l’industrie ont souligné que des mesures incitatives étaient nécessaires pour obtenir davantage de financement.
Pénurie plus importante aux États-Unis
La cheffe de la direction de Linamar, Linda Hasenfratz, a noté que la moitié des contrats remportés par la société l’année dernière concernaient des produits liés aux véhicules électriques — soit trois fois plus que l’année précédente.
«Chaque véhicule est repensé, non seulement en ce qui a trait à la conception, mais en ce qui a trait à la chaîne d’approvisionnement, a expliqué Mme Hasenfratz. Nous voyons vraiment une dynamique se développer au chapitre des nouvelles occasions pour les véhicules électrifiés.»
Elle a ajouté que les États-Unis faisaient face à une pénurie de main-d’œuvre beaucoup plus aiguë que celle observée au Canada, offrant des possibilités d’obtenir davantage d’investissements au pays. En outre, elle a fait valoir que le Canada devrait reconsidérer ses politiques d’immigration pour accueillir plus de personnes qui pourraient être formées pour travailler dans le secteur manufacturier.
«Tout le monde n’est pas obligé d’avoir fait des études postsecondaires. Nous pouvons leur donner les compétences dont nous avons besoin», a estimé Mme Hasenfratz.
Les investissements sont nécessaires non seulement du côté de la fabrication, mais aussi pour l’approvisionnement en matières premières, le recyclage des batteries, les logiciels et la recherche alors que l’ensemble de l’industrie évolue, ont affirmé les panélistes lors de la conférence.
De tels changements généralisés nécessitent plus de coordination, y compris sur des questions telles que l’infrastructure de recharge, a poursuivi Mme West.
«L’infrastructure de recharge est un des éléments qui m’empêchent de dormir la nuit, car nous ne sommes pas là où nous devrions être, et ce n’est pas quelque chose que General Motors ou l’un des autres constructeurs automobiles peuvent faire seuls», a-t-elle fait valoir.
L’industrie est au milieu d’une énorme transformation dans le mouvement vers la décarbonation, qui écrasera de nombreux fournisseurs qui devront soit abandonner, soit se consolider, a prédit Rob Wildeboer, président exécutif de Martinrea International.
Selon lui, il est crucial que l’industrie se concentre sur l’innovation et reste agile à mesure que la transition s’accélère.
«L’industrie a plus changé au cours des cinq dernières années, et le fera dans les cinq prochaines années, qu’elle ne l’a fait au cours des cinquante dernières.»