Rien n’oblige les transporteurs à inclure des dispositions de remboursement dans leurs contrats de passagers selon elle.
Les défenseurs des droits des consommateurs critiquent le plus récent avis de l’Office des transports du Canada sur les vols annulés par la pandémie, qui contredit, selon eux, les règles fédérales et provinciales au détriment des clients.
L’Office des transports a mis à jour la semaine dernière son avis sur les « crédits voyage » offerts par les compagnies aériennes. Le régulateur fédéral soutient qu’en vertu de la loi actuelle, rien n’oblige les transporteurs à inclure des dispositions de remboursement dans leurs contrats de passagers pour les vols annulés pour des raisons indépendantes de leur volonté, comme la COVID-19.
Cet avis, publié sur le site de l’Office, complète sa déclaration initiale du mois de mars sur les crédits voyage, qui suggérait que les remboursements ne sont obligatoires que dans les cas où le tarif le prévoyait déjà.
Mais les défenseurs des droits des passagers affirment que ces deux avis vont à l’encontre des lois fédérales et provinciales — et de la jurisprudence à l’Office.
En vertu de la Loi sur les transports du Canada, les contrats d’une compagnie aérienne doivent clairement énoncer sa politique sur ces questions, y compris « le remboursement des services achetés, mais non utilisés, intégralement ou partiellement, par suite de la décision du client de ne pas poursuivre son trajet ou de son incapacité à le faire, ou encore de l’inaptitude du transporteur aérien à fournir le service pour une raison quelconque ».
Ces mêmes provisions et conditions doivent être « justes et raisonnables », selon le Règlement sur les transports aériens. Dans au moins quatre décisions remontant à 2004, l’Office a cité ce critère de « juste et raisonnable » pour faire valoir le droit des passagers à un remboursement après l’annulation d’un vol.
Une décision de 2013 concluait ainsi qu’il était déraisonnable pour Porter Airlines de refuser de rembourser le tarif payé par un passager en raison de l’annulation d’un vol, même si cette annulation était causée par un événement indépendant de la volonté du transporteur.
« Le remboursement doit être abordé dans le tarif. Et le tarif doit être juste et raisonnable », a soutenu Gabor Lukacs, fondateur de l’organisme Droits des voyageurs.
Les lois provinciales à la rescousse
Les lois provinciales vont également à l’encontre de la déclaration de l’Office, ajoute Élyse Thériault, avocate auprès de l’organisme québécois Option consommateurs.
« Pour nous, c’est un non-sens, surtout au Québec. Parce que les règles du Code civil qui parlent de “force majeure” prévoient que si un commerçant ne peut fournir le service en raison d’un cas de force majeure, alors il doit rembourser. »
Et la loi provinciale s’applique à toutes les entreprises, qu’elles soient de juridiction provinciale ou fédérale, souligne Mme Thériault, citant un précédent de la Cour suprême du Canada. « Je suis convaincue qu’aucune province, dans sa législation sur les contrats et dans ses lois sur la protection des consommateurs, n’autorise une entreprise à prendre votre argent sans offrir aucun service. »
Le nouveau Règlement sur la protection des passagers aériens, mis en place il y a un an, stipule qu’en cas d’une annulation qui serait entièrement attribuable à la compagnie aérienne, le transporteur doit rembourser la partie inutilisée du billet si d’autres arrangements de voyage ne répondent pas aux besoins du client.
Cependant, si un vol est annulé pour des raisons indépendantes de la volonté du transporteur, le Règlement sur la protection des passagers n’exige pas spécifiquement un remboursement.
« Si l’Office obtient les pouvoirs nécessaires, nous pourrons agir rapidement pour apporter des modifications au Règlement sur la protection des passagers aériens afin de combler cette lacune, a indiqué l’Office dans un courriel. En attendant, nous encourageons les compagnies aériennes à adopter des politiques prévoyant des remboursements si les vols sont interrompus pour des raisons indépendantes de leur volonté et si les options de changement de réservation ne répondent pas aux besoins des passagers. L’Office n’applique pas les lois provinciales. »
WestJet fait exception
En ce qui concerne la jurisprudence, l’Office soutient que ses décisions passées « pourraient avoir une pertinence limitée face à de nouvelles circonstances », y compris en vertu du Règlement sur la protection des passagers aériens.
M. Lukacs fait valoir que les nouvelles réglementations n’annulent pas les plus anciennes qui, lorsqu’elles sont associées à des décisions antérieures de l’Office, concluent à une exigence de remboursement.
Les transporteurs aériens canadiens — sauf WestJet, depuis octobre — continuent d’offrir des « crédits voyage » plutôt que le remboursement des vols qu’elles ont annulés en raison de la pandémie.
Le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, a déclaré plus tôt ce mois-ci qu’un programme d’aide en cours d’élaboration à Ottawa pour les transporteurs aériens commerciaux dépendra des remboursements qu’ils offriront aux passagers.
La pandémie a durement touché les transporteurs aériens et l’industrie du tourisme en général. Les restrictions de voyage et l’effondrement de la demande ont provoqué des dizaines de milliers de licenciements au sein des compagnies aériennes et des milliards de dollars de pertes. Mais les voyageurs plaident qu’ils ont eux aussi besoin de cet argent qui leur appartient et qui leur est dû.
L’Office affirme avoir reçu plus de 10 000 plaintes depuis mars. Entre-temps, Air Canada a fait l’objet de plus de plaintes de remboursement auprès du département américain des Transports que n’importe quel transporteur américain en août, dernier mois pour lequel des statistiques sont disponibles.
Les passagers ont également déposé des demandes d’actions collectives et trois pétitions, avec plus de 109 000 signatures, qui exigent un remboursement des voyageurs.