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L’industrie automobile mondiale s’enfonce dans la crise

AFP|Publié le 27 juin 2019

«La crise des ventes arrive au plus mauvais moment», prévient Laurent Petizon, directeur général France d’Alix Partners.

Prise en étau entre la chute des ventes et la flambée des investissements dans les véhicules électriques, l’industrie automobile voit ses profits plonger au point de menacer les groupes les plus faibles et de nombreuses usines à travers le monde.

« Tous les signaux passent au rouge », alerte une étude publiée mercredi par Alix Partners. Le cabinet de consultants anticipe pour cette année une baisse de 3 % des ventes mondiales, principalement à cause de la Chine.

Les signaux de crise se multiplient, à l’instar des restructurations chez Ford, qui a annoncé jeudi 12 000 suppressions d’emplois et la fermeture de six usines d’ici à fin 2020. Le même jour, l’association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) a prévenu que les ventes en Europe seraient cette année moins élevées que prévu : après avoir anticipé une petite hausse, ils tablent désormais sur une baisse de 1 %.

Et l’année 2019 n’est que « l’apéritif de la crise qui commence », prévient Laurent Petizon, directeur général France d’Alix Partners, qui a présenté à Paris les perspectives du secteur pour les huit prochaines années.

« Pour la première fois, la Chine connaît une récession », constate cet expert. La baisse entamée il y a un an devrait se prolonger jusqu’en 2020. Le premier marché mondial devrait « passer sous les 25 millions de véhicules vendus », avant de remonter progressivement… Mais il faudra attendre 2023 pour qu’il retrouve les 27 millions atteints l’an dernier.

La Chine en panne 

Lors de la dernière crise financière, en 2008, la solide croissance chinoise avait sauvé la filière. Mais « dans les années qui viennent, les trois principaux marchés (Chine, Europe, États-Unis) seront simultanément en stagnation ou en récession, ce qui est une première », poursuit M. Petizon.

Les résultats semestriels des groupes automobiles publiés fin juillet devraient refléter ces difficultés. De janvier à mars, le chiffre d’affaires des 16 principaux constructeurs automobiles a déjà baissé de 0,6 % sur un an et leurs bénéfices cumulés ont chuté de 28 %, a calculé le cabinet EY.

« La crise des ventes arrive au plus mauvais moment », explique M. Petizon, car « les investissements des entreprises du secteur explosent » pour développer les véhicules électriques nécessaires au respect de normes environnementales toujours plus drastiques, notamment en Chine et en Europe.

Sur les cinq prochaines années, il prévoit au moins 275 milliards de dollars (242 milliards d’euros) d’investissements (dont 80 %¨pour l’électrification des véhicules) et le lancement de 300 nouveaux modèles électriques d’ici à 2021, sans aucune certitude sur leur potentiel de ventes.

Les acteurs européens sont en plus frappés par la chute des ventes de diesel, depuis le scandale des moteurs truqués de Volkswagen, le « dieselgate ».

Dans l’UE, ils devront respecter dès 2020 un seuil moyen de 95 grammes de dioxyde de carbone (CO2) par kilomètre pour leur gamme de véhicules, qui paraît inatteignable pour beaucoup d’entre eux et les place sous la menace de centaines de millions d’euros d’amendes.

Destructions d’emplois

La conversion à marche forcée vers les motorisations électriques réduit les besoins en pièces des véhicules et va accélérer les restructurations en cours.

Depuis trois ans, 16 usines ont fermé dans le monde et 120 000 emplois ont été supprimés, a calculé Alix Partners. « D’ici cinq à six ans, entre 40 et 60 usines seront soit fermées, soit transformées pour l’électrique », au prix de nouvelles baisses des effectifs, a souligné M. Petizon.

« Les ventes baissent, les marges baissent, les besoins d’investissement explosent… et les rendements sur capitaux investis s’effondrent, se rapprochant des niveaux atteints durant la dernière crise financière », s’inquiète-t-il.

« L’élément le plus frappant au premier trimestre est la forte baisse des résultats des constructeurs » par rapport à 2018, constate aussi Jean-François Belorgey, associé EY. L’allemand Daimler (Mercedes) a revu en baisse dimanche dernier ses prévisions de bénéfices.

Résultat : une multiplication des partenariats pour partager le fardeau de l’innovation. Les fusions restent très complexes à mener dans le secteur, comme l’a montré l’échec du projet de mariage entre Renault et Fiat Chrysler.

Mais on risque aussi d’assister à « des enterrements » pour les marques qui ne réussiront pas à s’adapter, prévient M. Petizon.

D’autant que la crise pourrait nettement s’aggraver en cas de guerre commerciale, de conflit armé au Moyen-Orient ou de « Brexit dur », une sortie du Royaume-Uni de l’UE sans accord…