Les 30 000 pièces qui constituent une voiture sont recyclables à 85%, mais ne le sont pour l’instant qu’à 20%, dans le meilleur des cas, selon Renault. (Photo: 123RF)
Paris — Les groupes Renault et Stellantis ont annoncé cette semaine une accélération de leurs activités dans le recyclage des voitures et des pièces usagées, y voyant des sources de bénéfices qui allégeront en même temps leur bilan environnemental.
Renault a présenté jeudi une nouvelle filiale appelée «The future is neutral» («le futur est neutre»). Ouverte aux investisseurs, elle veut réaliser 2,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires à horizon 2030 dans l’économie circulaire, contre 750 millions en 2021, avec une marge opérationnelle supérieure à 10%. Ici neutre signifie neutre en ressources, en réutilisant des matériaux.
Les 30 000 pièces qui constituent une voiture sont recyclables à 85%, mais ne le sont pour l’instant qu’à 20%, dans le meilleur des cas, selon Renault. Dans son concept Scénic Vision présenté en juin, le constructeur montait à 70%.
«Ce paradoxe est une grande opportunité», a souligné le directeur général de Renault Luca de Meo, au cours d’une conférence de presse.
Le Losange ambitionne de devenir le leader européen «de l’économie circulaire automobile en boucle fermée», soit la réutilisation de matériaux recyclés pour fabriquer des nouvelles voitures. L’idée est aussi de commercialiser ces compétences et des formations auprès d’autres constructeurs, ou de fournisseurs.
«Au cours des dernières années, nous avons tous pris conscience que ce modèle de croissance illimitée [de l’industrie automobile] avait un coût», a lancé Luca de Meo. «Plus personne ne peut faire l’autruche: les consommateurs, les citoyens, les pouvoirs publics et nos propres employés nous le rappellent tous les jours».
Alors que l’Europe s’oriente vers le 100% électrique, les groupes automobiles s’éloigneraient ainsi de la tradition qui était de «pousser de l’acier», soit vendre le plus de voitures possible et s’en désintéresser après quelques années d’usage.
«The future is neutral» va notamment rassembler deux activités où Renault est en partenariat avec le géant du recyclage Suez, dans la récupération de pièces sur des véhicules en fin de vie, et dans le recyclage des chutes de métaux dans les usines. La filiale gérera aussi la réparation de batteries.
Citroën recyclée
L’enjeu est stratégique: les batteries électriques représentent une source essentielle de matériaux, comme le lithium, dont l’approvisionnement est incertain dans les prochaines années.
Le recours au recyclage permettrait également de mieux contrôler les conditions sociales et environnementales dans lesquelles sont extraites les matières premières, alors que la Commission européenne prévoit de tenir les grandes entreprises responsables des pratiques de leurs fournisseurs.
Renault n’est pas seul: 73% des dirigeants de l’industrie automobile s’accordent sur la nécessité d’investir dans l’économie circulaire, selon un rapport publié jeudi par le cabinet Capgemini, qui s’est entretenu avec un millier d’entre eux.
Mais seulement la moitié a effectivement mis en place une stratégie dans le domaine, et bien plus au Japon ou en Corée qu’en Europe ou en Amérique.
«L’industrie automobile a surestimé le potentiel du recyclage en boucle fermée», souligne dans le rapport Sascha Preis, directeur de l’innovation chez Mercedes. «Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait surtout besoin de nouveaux outils et de nouvelles technologies, et nous sommes plus réalistes».
Mardi, le groupe Stellantis (Peugeot-Fiat-Chrysler) a annoncé de son côté qu’il se donnait pour objectif 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an dans l’économie circulaire à horizon 2030, notamment dans le reconditionnement de véhicules d’occasion.
Le groupe a aussi présenté un véhicule en partie recyclé, la Citroën Oli, et a annoncé la transformation d’une partie de son usine historique Fiat de Mirafiori, dans le nord de l’Italie, en centre de reconditionnement, comme Renault à Flins, dans les Yvelines.
«Ces annonces vont dans le bon sens», a salué Marie Chéron de l’ONG Transport & Environment. «Elles démontrent bien que les entreprises automobiles doivent faire des efforts à toutes les étapes. Elles savent que demain, pour être compétitif, il faudra être sobre, avec une consommation de ressources maîtrisée et progressivement limitée».
«On espère aussi que ça se traduira dans des actions concrètes. C’est encore léger et il faudra aller beaucoup plus vite», a poursuivi Marie Chéron.