Ces tendances qui changent la donne

Publié le 14/11/2009 à 00:00

Ces tendances qui changent la donne

Publié le 14/11/2009 à 00:00

Valeur ajoutée recherchée

La clientèle des cabinets juridiques est de plus en plus exigeante. Le client veut en avoir davantage pour son argent, il souhaite recevoir un service ciblé, à valeur ajoutée. " Il faut rester branché sur les considérations d'affaires des clients et leur en donner plus pour le même prix. Ces derniers veulent être écoutés par leurs avocats. Ils désirent aussi que leurs conseillers juridiques comprennent bien l'industrie dans laquelle ils évoluent et ses grands enjeux ", remarque Dominique Tardif, directrice du bureau de Montréal de ZSA Recrutement Juridique.

" Les clients tiennent pour acquis que nous connaissons leur environnement d'affaires. Certes, on ne peut pas tout savoir, mais il faut suivre l'actualité. En ce qui nous concerne, au cabinet, nous utilisons Google Alert pour rester au courant des développements qui concernent nos clients ", indique Norm Saibil, associé administrateur du bureau de Blakes, à Montréal.

" L'avocat doit bien connaître son client, son entreprise et son secteur d'activité. C'est de cette façon qu'il pourra non seulement agir de façon curative, mais aussi préventive. Dans le fond, il devrait se considérer comme un partenaire d'affaires ", remarque pour sa part Robert Dorion, associé directeur de Gowlings à Montréal.

Devenir des conseillers stratégiques

Selon Clemens Mayr, associé au bureau de Montréal de McCarthy Tétrault, " le défi pour les cabinets aujourd'hui, est de retrouver le rôle de conseiller stratégique qu'ils jouaient avant que les firmes comptables et de consultation en gestion viennent les détrôner dans ce domaine ". Il estime qu'il faut élargir le champ d'action au-delà du conseil juridique afin de devenir un véritable conseiller stratégique. " En ce qui nous concerne, nous cherchons à nouer des partenariats d'affaires avec nos clients, poursuit-il. Nous voulons les accompagner et participer au processus décisionnel. C'est en investissant dans la relation qu'on apporte une véritable valeur ajoutée au service offert à la clientèle. "

Chez McCarthy Tétrault, on considère que la création d'équipes liées à des clients ou à des projets est l'une des façons de donner une plus-value à la prestation du service et de nouer une relation et d'entretenir un dialogue continuel avec les clients. " Il faut mettre en place une équipe bien coordonnée, qui connaît bien les besoins du client et ses enjeux stratégiques. Cette connaissance nous rend plus efficace dans l'exécution des mandats ", précise Clemens Mayr.

Chez Gowlings, on mise sur les équipes multidisciplinaires. " On cible un client et on lui offre une équipe juridique oeuvrant dans divers domaines, qui peut répondre à ses divers besoins, par exemple en valeurs mobilières ou en droit du travail. C'est une sorte de guichet unique ", souligne Robert Dorion.

Équipes et enjeux

Du côté de Borden Ladner Gervais, on mise sur l'accompagnement stratégique, en développant des équipes qui se consacrent à des enjeux particuliers. L'Équipe du Nord, par exemple, aussi appelée Groupe national changement climatique, est un groupe interdisciplinaire qui réunit des spécialistes du domaine de l'énergie et de l'environnement. John Murphy, associé directeur régional du bureau de Montréal, explique : " Avec le réchauffement de la planète, le transport maritime pourrait connaître d'importants changements, notamment en utilisant des routes plus au Nord. Il faut s'y préparer dès maintenant ", dit-il. Or, BLG possède une expertise reconnue en droit maritime. " Notre équipe de spécialistes peut donc conseiller des clients ciblés, qui pourraient avoir à effectuer du transport par ces nouvelles routes. Nous pouvons leur offrir des conseils juridiques, mais aussi stratégiques, afin de les aider à améliorer leur compétitivité. "

La fin des heures facturables... à gros prix

La pression est forte, côté honoraires, chez les grands cabinets par les temps qui courent. " Les entreprises clientes sont plus attentives à la facture, indique Dominique Tardif, elles veulent que cela coûte moins cher et réclament des baisses de taux horaire. L'un des défis des cabinets est donc de donner un excellent service mais à un prix moindre. "

" Il est plus difficile aujourd'hui de justifier des honoraires très élevés ", confirme Nathalie Francisci, vice-présidence exécutive de Mandrake Groupe conseil. " Les clients posent davantage de questions sur la facturation et certains mandats sont confiés à d'autres bureaux. Par exemple, pour les cas difficiles, on continue à faire affaire avec un grand cabinet, mais pour la gestion au quotidien, on opte pour un autre, plus petit et moins cher ", poursuit-elle.

Aux États-Unis, les honoraires font actuellement l'objet d'un débat. Certains observateurs se demandant si, à l'instar de l'usage dans les banques d'affaires, les honoraires ne devraient pas dépendre du succès ou de l'échec du dossier. Chez nous, la réflexion n'est pas si avancée. Cependant, on commence à poser certains gestes, par exemple décharger les associés principaux (les plus chers !) de toutes les tâches administratives. " À l'interne, on a de plus en plus de gens qui occupent des fonctions de soutien ", illustre Nathalie Francisci.

" Pour alléger la pression sur les honoraires, il faut être innovant. Je ne suis pas convaincu que facturer au pourcentage, par exemple, comme les banques d'affaires, est la solution. Toutefois il faut sans doute être ouvert à une nouvelle structure de prix ", soutient pour sa part Robert Dorion. Par exemple, en proposant un tarif préférentiel pour des mandats comme le maintien des brevets et de marques de commerce, le recouvrement de créances hypothécaires, etc. Robert Dorion suggère aussi de constituer des équipes multidisciplinaires, formées d'avocats dont le taux horaire est moins élevé et d'autres facturant plus cher.

Pour Clemens Mayr, le taux horaire va sûrement demeurer un outil de mesure utile. Cependant, il estime que les cabinets devront faire preuve de souplesse et apprendre à travailler avec des budgets, voire des forfaits, pour certains clients. " Les clients veulent savoir combien cela va leur coûter pour mener à bien tel projet, effectuer telle acquisition... Le défi du cabinet est d'évaluer les coûts de façon réaliste, en fonction du temps que cela pourrait exiger et des équipes qui travailleront au dossier ", remarque-t-il

Le tissage de réseaux internationnaux

Avec la mondialisation des marchés, les cabinets doivent acquérir une vision au plan international. " On doit pouvoir offrir des conseillers d'affaires dans l'ensemble du pays, mais aussi du monde ", soutient John Murphy, de Borden Ladner Gervais. " Il est essentiel d'élargir notre action au-delà des frontières du Canada. Pour cela, nous accompagnons les clients dans leurs transactions à l'étranger, au besoin avec l'aide de notre réseau de partenaires locaux ", indique Clemens Mayr, de McCarthy Tétrault.

" Il faut être prêts à répondre aux besoins de nos clients partout, car ils font des affaires à l'échelle de la planète. En fait, ils nous demandent d'être là pour eux en tant qu'expert, mais aussi de connaître un expert avec lequel nous pourrions le mettre en contact, et ce, quel que soit le lieu géographique ", précise pour sa part Norm Saibil, de Blakes.

Chez Ogilvy Renault, on organise même des voyages d'exploration avec un ou des clients du cabinet, pour leur permettre de rencontrer des leaders des milieux d'affaires locaux, notamment. Deux missions exploratoires ont déjà été menées, l'une en Asie et l'autre au Moyen-Orient. Le but recherché ? Présenter le cabinet comme une porte d'entrée vers les investissements à l'étranger, créer des occasions d'affaires pour les clients et se positionner comme une sorte de facilitateur. Francis Legault, associé principal, souligne : " Notre clientèle d'affaires est très ouverte à l'international. Nous pouvons non seulement leur offrir un réseau à l'étranger, mais aussi des conseillers juridiques prestigieux comme Brian Mulroney ou Derek Burney. Par ailleurs, lorsque des transactions auront lieu, nous fournirons l'encadrement juridique. "

Féminisation de la profession

Selon la dernière étude socioéconomique menée par le Barreau du Québec auprès de la profession, 47 % de ses membres sont des femmes, et parmi les avocats exerçant depuis 10 ans ou moins, la proportion s'élève à 60 %. Dans la fourchette des 20 à 44 ans, les avocates sont d'ailleurs plus nombreuses que les avocats.

Malgré leur grand nombre, le maintien des avocates dans la profession est préoccupante. Même si on ne dispose pas de statistiques à cet égard, on sait qu'entre 5 et 10 ans de pratique, un grand nombre d'entre elles quittent non seulement les cabinets privés, mais cessent d'exercer. Une véritable saignée pour les cabinets, qui peinent à retenir leurs éléments féminins, alors même que ceux-ci entrent dans une étape très lucrative de leur carrière, après des années à s'être bâti une clientèle.

Un écart salarial

Autre fait troublant qui ressort du portrait brossé par le Barreau : les avocates ont un revenu inférieur à celui de leurs confrères. La différence moyenne en matière de revenu homme-femme serait de l'ordre de 30 150 $, toutes catégories de travailleurs confondues (salariés, autonomes et à la fois salariés et autonomes). Plus de 70 % de ce montant s'explique par des éléments qui n'ont rien à voir avec le sexe, comme le nombre d'années d'expérience et d'heures travaillées. Mais 30 % de cette différence reste à expliquer : dans les faits, une avocate plus expérimentée et travaillant davantage pourrait certes diminuer cet écart, mais en fin de compte, elle aurait malgré tout un revenu inférieur de plus de 9 000 $ par rapport à son confrère.

La présidente du Comité des femmes du Barreau du Québec, l'avocate Claudia Prémont, s'inquiète aussi du fait que les avocates sont peu nombreuses à occuper des postes de pouvoir, par exemple à titre d'associée directrice. Elle croit que les cabinets devront nécessairement changer les choses s'ils souhaitent que leurs avocates demeurent à leur emploi. " Il n'y a pas de recette miracle, mais on peut explorer différentes pistes de solution; par exemple, revoir la façon de travailler, s'ouvrir au télétravail, aux heures flexibles, accepter que tous les associés n'aient pas forcément le même profil ou cheminement. Il faut évoluer pour respecter les choix des femmes, car elles ne veulent pas faire une croix sur leur vie personnelle et familiale, au profit de leur carrière ", résume Mme Prémont.

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