La montée des données extra-financières


Édition du 08 Décembre 2018

La montée des données extra-financières


Édition du 08 Décembre 2018

Par Diane Bérard

[Photo : 123RF]

Imaginons deux entreprises, du même secteur et de taille semblable. Chacune affiche des revenus de 50 millions de dollars et des dépenses de 40 millions. Si l'on se fie aux données financières, ces organisations sont similaires. Les données extra-financières exposent toutefois une autre réalité : l'une génère un taux élevé de gaz à effet de serre (GES). Cela l'expose à un risque de poursuite qui pourrait miner sa rentabilité. L'autre entreprise est carboneutre, toutes ses émissions de GES sont compensées. Elle n'est exposée à aucun risque de poursuite pour ce dossier. Pour un investisseur, ces deux entreprises ne sont pas aussi semblables que leur rapport financier laisse entendre.

Le risque environnemental agace de plus en plus d'investisseurs. Tout comme le risque réputationnel et le risque social, lequel s'incarne, entre autres, dans le traitement des employés des fournisseurs. Par conséquent, un nouveau type de service émerge pour les entreprises : la consultation en gestion des données extra-financières. Aux États-Unis, on peut citer la firme Truevalue Labs et, en Europe, Datamaran. Ces deux sociétés s'appuient sur l'intelligence artificielle pour aider leurs clients à collecter, à analyser et à partager les données liées à leurs risques extra-financiers. Des représentants de ces firmes sont venus à titre de conférenciers, en juin dernier, dans le cadre d'un événement de l'Initiative pour la finance durable. Leur message était le suivant : les données financières ne reflètent que la moitié de la valeur d'une société. Désormais, les investisseurs disent : «Nous avons vu votre rapport annuel. Maintenant, parlez-nous de tout le reste.»

Le reste, ce sont toutes ces données qui ne relèvent pas de la comptabilité traditionnelle, soit des ventes et des profits. Les données extra-financières peuvent être de nature qualitative ou quantitative. Au Québec, la firme Métrio offre un service semblable à celui de Truevalue Labs et de Datamaran. Elle offre trois services.

D'abord, elle agglomère l'information recueillie par les employés de chaque client. Pour l'instant, l'information extra-financière des entreprises est éparpillée dans de nombreux documents, souvent un mélange de chiffriers Excel et de documents Word. Et elle est alimentée de façon irrégulière. Métrio donne un sens à ces données et installe une discipline chez les usagers responsables de les recueillir. Elle gère les accès afin que tout le monde puisse se brancher à distance et envoyer des rappels par courriel.

Ensuite, Métrio crée des indicateurs extra-financiers significatifs à la fois pour les employés, la direction et les investisseurs. Certains clients demandent conseil à Métrio pour choisir leurs indicateurs. D'autres se présentent avec une demande bien précise. Ce fut le cas d'Énergir, qui a demandé à ce que ses indicateurs soient calqués sur ceux du Global Reporting Initiative (GRI), une référence mondiale en matière de développement durable. «Énergir souhaite comparer sa performance extra-financière avec ses concurrents internationaux, explique Patrick Élie, cofondateur de l'entreprise. Et elle souhaite que ses parties prenantes puissent le faire aussi.»

Enfin, Métrio aide ses clients à communiquer ses données extra-financières. «Notre logiciel permet de créer des comptes privés avec des droits d'utilisateurs restreints, mais aussi un compte public, généralement un microsite logé sur le site de l'entreprise», dit le cofondateur.

À quoi ressemble une donnée extra-financière ?

«Nous établissons les zones de vulnérabilité de chaque client, explique M. Élie. Pour une firme de services comme Sid Lee, celles-ci sont souvent liées aux déplacements du personnel.» Pour la firme de publicité, une politique de compensation des trajets en avion de ses employés a donc été mise en place. Pour Aldo, c'est, entre autres, la proportion de chaussures sans plastique (PVC), soit 98 %. C'est aussi l'optimisation des boîtes de livraison, qui a permis de réduire de 150 tonnes les émissions de CO2 rattachées au transport. Les données extra-financières les plus souvent recueillies sont liées aux émissions de CO2, à l'implication dans la communauté, à l'approvisionnement ainsi qu'à la santé et sécurité. Pour l'instant, chaque organisation choisit les données extra-financières qu'elle divulgue et la façon dont elle les organise. Celles-ci sont choisies en fonction des enjeux sectoriels. Aldo, qui a une chaîne d'approvisionnement complexe, divise les informations entre les gens, la planète et les partenaires. Énergir parle plutôt de l'économie, de l'environnement et du social.

Il y a dix ans, les motivations des entreprises à divulguer leurs données extra-financières étaient nébuleuses. Souci de différenciation ? Marketing ? Convictions ? Depuis cinq ans, c'est plus clair. C'est une réponse aux pressions du marché. Les grands investisseurs, comme la Caisse de dépôt et placement du Québec, demandent aux PDG : «Comment gérez-vous vos risques environnementaux et sociaux ?» Ceux-ci se tournent vers leurs équipes, qui leur donnent des documents internes plutôt bancals. Et les entreprises réalisent qu'elles doivent s'organiser. Les clients aussi font pression.

Prenons le cas de cette société minière dont le minerai entre dans la composition des batteries de véhicules. Cette société ne produisait aucun rapport de développement durable. Il lui en fallait un rapidement pour que son client puisse démontrer à ses propres clients que son approvisionnement en matières premières ne posait pas de risques extra-financier. Sinon, il trouverait un fournisseur capable de le prouver. Et puis, il y a les employés. «Sid Lee nous a carrément dit : "Pour recruter et conserver les milléniaux, j'ai besoin de données claires qui montrent ma gestion des impacts négatifs ainsi que mes impacts positifs", souligne le cofondateur de Métrio.

Pour l'instant, les entreprises ne sont pas tenues de divulguer leurs données extra-financières. Toutefois, on assiste à l'émergence d'un service d'audit de ce type de données par des tierces parties. La firme Deloitte, entre autres, développe cette expertise. D'autres grands cabinets y travaillent aussi. C'est là un signe que la divulgation de ces données pourrait devenir la norme d'ici quelques années. Et que nous pourrions les voir apparaître dans le rapport annuel d'ici quelques années.

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