Vendre sa biotech sans se faire rouler

Publié le 30/10/2010 à 00:00, mis à jour le 02/11/2010 à 13:49

Vendre sa biotech sans se faire rouler

Publié le 30/10/2010 à 00:00, mis à jour le 02/11/2010 à 13:49

Par Suzanne Dansereau

Faute de financement suffisant, les entreprises de biotechnologie ont peu d'options pour assurer leur croissance. Cette année, aucune n'a choisi la voie du premier appel public à l'épargne, mais plusieurs ont opté pour celle des des fusions-acquisitions. Mais comment savoir à quel moment vendre, comment obtenir le meilleur prix possible et choisir le groupe qui fera avancer au mieux l'entreprise ?

François Legault, ex-président de ViroChem Pharma, qui a été vendue à la multinationale Vertex Pharmaceuticals, et Tony Falco, président-fondateur de Résonant Medicals, récemment vendue à la suédoise Elekta, parlent de leur expérience.

C'est à l'occasion du symposium BioContact, tenu à Québec les 6 et 7 octobre, qu'ils nous ont expliqué les détails de la vente de leur société.

Les Affaires - Que pensez-vous de la tendance actuelle de bâtir une entreprise de biotechnologie dans l'objectif de la vendre ?

Tony Falco - C'est ce que veulent les capital-risqueurs. À mon avis, c'est une mauvaise voie.

Cela peut nous amener à investir nos ressources aux mauvais endroits. C'est seulement en bâtissant une entreprise en vue de durer, avec une vision, un plan et un management solide qu'on obtient une valeur ajoutée, l'élément même qui attire les acheteurs. Chez nous, toutes les décisions ont été prises avec une vision à long terme. Ce sont des compétences, en plus des produits, qu'on achète.

François Legault - Le nouveau modèle du design to sell, comme on l'appelle dans le milieu, qui consiste à bâtir des entreprises virtuelles en ayant recours aux compétences de consultants plutôt qu'à celles du personnel à l'interne, est voué à l'échec. Voici pourquoi : il faut une masse critique, un noyau solide, avec des personnes qui se consacrent à la mise au point de médicaments selon les critères qu'exigeront les futurs acheteurs. Je dis souvent que " mes actifs, ce sont des souliers ". Il est vrai que les capital-risqueurs vont perdre moins d'argent en investissant dans des entreprises virtuelles si ces dernières échouent, mais je peux vous assurer qu'ils vont en perdre chaque fois !

L.A. - Comment réussir une mise aux enchères ?

T.F. - En se faisant approcher par un acheteur. Lorsque cela nous est arrivé, nous ne voulions même pas parler à l'acheteur, nous étions en affaires pour durer. Le résultat, c'est que l'acheteur nous a gardés ici-même à Montréal, et a augmenté l'effectif de la R-D.

Il faut avoir une réponse à toutes les questions que posera l'acheteur, notamment sur les aspects réglementaires et sur les remboursements des médicaments. Cela dit, comme la situation actuelle est très difficile et qu'il y a peu d'acheteurs, il faut un plan B. On doit accélérer les activités de développement d'affaires.

F.L. - C'est seulement quand on a au moins un acheteur potentiel qu'on peut lancer le bal. Et il faut être indépendant financièrement. Les investisseurs doivent accepter d'investir plus d'argent avant de vendre. Sinon, on est en position de faiblesse. C'est notre police d'assurance. Et c'est là que bien des sociétés québécoises ont échoué : elles ont été vendues trop tôt, car leurs investisseurs n'ajoutaient pas l'argent nécessaire. Autre chose : lorsqu'on veut vendre, il ne faut pas licencier notre produit, car on perd alors notre atout principal.

Il faut aussi bien connaître ce qu'il y a dans le pipeline des acheteurs potentiels. C'est de cette façon qu'on peut choisir le meilleur acheteur : celui qui risque de perdre beaucoup en ne nous achetant pas.

L.A. - À quel moment faut-il faire intervenir les banquiers ?

T.F. - C'est la chimie entre nous et le banquier qui joue un rôle important. Il faut choisir un banquier d'expérience qui connaît très bien les joueurs. Le nôtre venait de réaliser trois transactions, dont deux avec notre acheteur !

F.L. - Le plus tard possible ! Dès que les banquiers se mettent à parler aux banquiers de l'acheteur, on risque de perdre le contrôle. On peut communiquer avec les banquiers assez tôt, mais seulement à titre de conseillers. Et ils ne doivent parler qu'à nous. Ce n'est qu'à la fin, lorsqu'on a une lettre d'intention, qu'ils doivent parler aux banquiers de l'acheteur.

L.A. - Comment communiquer avec les autres parties prenantes ?

T.F. - Nous avions mis sur pied un comité de fusions-acquisitions. Il faut s'assurer que tout le monde ait le même message, car toute information contradictoire soulève de l'anxiété. Il faut montrer les bons autant que les mauvais aspects. Tous les rapports doivent reposer sur la confiance. On doit mettre les employés clés dans le coup et traiter les communications comme si elles étaient des entrevues d'embauche.

F.L. - On doit se montrer transparents avec les actionnaires. Avec les employés aussi, mais en évitant de créer trop d'attentes, positives ou négatives, comme " je vais gagner à la loterie " ou " je vais perdre mon emploi ".

L.A. - Quels sont les facteurs déterminants de réussite ?

T.F. - Une technologie de classe mondiale. Une indépendance financière. Une équipe très forte. Une gamme de produits.

F.L. - Nous étions indépendants et nous avons pris notre temps; une transaction peut sembler échouer plusieurs fois avant d'être finalement conclue.

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