Biopharmaceutique : une stratégie incomplète ?

Publié le 09/10/2009 à 09:32

Biopharmaceutique : une stratégie incomplète ?

Publié le 09/10/2009 à 09:32

La stratégie biopharmaceutique du gouvernement québécois témoigne de sa bonne volonté, mais elle est insuffisante, selon le président du conseil d’administration de BIOQuébec, et président et chef de la direction de Theratechnologies, Yves Rosconi. Entrevue réalisée le jeudi 8 octobre 2009.

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LesAffaires.com : Quelles sont les principales difficultés vécues en ce moment par les entreprises de biotechnologies québécoises ?

Yves Rosconi : La première réalité est d’ordre financière. Ces boîtes-là existent à cause qu’il y a des marchés des capitaux. Elles n’ont aucune dette en général, donc elles se fient entièrement sur les marchés des capitaux pour pouvoir survivre. Malheureusement, le marché des capitaux n’a pas repris pour les biotechnologies encore et c’est extrêmement dommageable, beaucoup de boîtes ont fermées leurs portes, ont fait faillites, ou se sont mises en mode dormant depuis le début de l’année.

La deuxième réalité est qu’on a beaucoup de nouveaux produits et d’innovation au Québec. Malheureusement, le rapprochement avec la grande industrie pharmaceutique, qui devrait être prenante, ne s’opère pas en raison de leur mode d’opération et à cause que le gouvernement n’utilise pas son levier économique pour le faciliter. Nous il faut aller voir les sièges sociaux de ces grandes boîtes sans l’aide des affiliés locaux. C’est très difficile à faire et on souhaite avoir du ministre l’utilisation de leur levier économique avec la grande industrie pharmaceutique pour pouvoir nous aider.

LesAffaires.com : La stratégie du gouvernement est-elle adéquate pour résoudre ces problèmes ?

Yves Rosconi : C’est un pas dans la bonne direction, mais c’est nettement insuffisant. Ce n’est pas du tout comme ça qu’on va avoir une industrie qui va subsister à long terme. Le remboursement des crédits d’impôt à la R&D aux trimestres est une mesure qui va aider de façon transitoire l’industrie de la biotechnologie, parce qu’on va recevoir nos dus un peu plus vite que nous les aurions reçus autrement.

Il ne faut pas voir là-dedans une panacée et que c’est ça qui va nous faire survivre à long terme. Avec l’autre mesure qu’il a annoncé, soit un rapprochement des grandes boîtes pharma et des plus petites boîtes des biotechs comme les nôtres, le ministre a annoncé ses couleurs en termes de vision. Mais il faut qu’on fasse vite parce que plus de 50% de nos membres ont moins de six mois de liquidités pour continuer. Si on lance un projet qui va prendre deux ans avant d’arriver, oubliez ça les biotechs au Québec.

Nous on a dit au ministre : « il faut que vous ayez d’autres mesures à court terme en plus du remboursement des crédits d’impôt plus rapidement. Pourquoi vous ne donnez pas des actions accréditives comme vous l’avez fait dans le domaine des mines par exemple. Ça donnerait des incitatifs aux investisseurs privés et publics d’investir dans la biotech ».

La seule chose qu’on a eu, c’est ce remboursement des frais de R&D un peu plus vite qu’il ne l’aurait été autrement. C’est mieux que rien, mais ce n’est pas ça qui va faire qu’on va devenir tout d’un coup au Québec très compétitifs sur la scène internationale.

LesAffaires.com : Un soutien financier à l'amorçage d'entreprises technologiques est-il pertinent dans un contexte de rationalisation et de fusions ?

Yves Rosconi : Vous savez ça fait déjà neuf mois qu’ils nous parlent du fonds Teralys. C’est la même annonce qu’il a fait il ya neuf mois. Si ça prend un autre six mois à figurer où on va mettre la premier dollar, et bien il va y avoir 40% de moins d’industries biotechs pour les recevoir. C’est le sens de l’urgence qui manque ici et c’est vraiment trop long à démarrer ces trucs-là. C’est peut-être de la bonne volonté, je le reconnais, mais c’est vraiment trop long. J’ose espérer qu’il y ait, derrière ces annonces aujourd’hui de trucs qu’on avait déjà entendu, un sens de l’urgence qui est important et qui montre qu’on veut faire des changements.

Pour moi, c’est un peu du remâché. Il faut que le Fonds Teralys commence à donner de l’argent tout de suite. Et pas juste en fonds de démarrage, parce que vous pouvez mettre bien des enfants au monde, un jour ou l’autre ils vont devenir adolescents et adultes et c’est ça qu’on veut, c’est là qu’est la valeur. Si vous mettez juste dans des fonds de démarrage on y arrivera jamais. Il faut prévoir à long terme comment on va faire pour développer une infrastructure biotechnologique importante au Québec.

La vision doit être démarrage, intermédiaire et avancé. Qu’est-ce qu’on fait avec la chaîne complète de création de valeur dans le domaine pharmaceutique? Et bien aujourd’hui malheureusement on ne la voit pas. Nous on veut travailler avec le gouvernement pour l’application des mesures le plus vite possible. Il faut mettre de l’avant d’autres mesures structurantes pour qu’on puisse avoir vraiment une industrie technologique forte au Québec. J’espère vraiment qu’on a un vouloir de tous les acteurs pour le faire.

LesAffaires.com : La stratégie répond-t-elle au problème de l’exode des cerveaux ?

Yves Rosconi : Le ministre a annoncé qu’il maintient sa politique pour experts étrangers, ça c’est bien. Par contre, c’était déjà là et ça n’a pas empêché beaucoup de cerveaux de quitter depuis les huit ou neuf derniers mois. On en a vu de l’Université de Montréal s’en aller à Miami, ce qui est désastreux. La seule chose que je peux vous dire, c’est que si ce n’est pas implanté rapidement, et bien il va y en avoir d’autres cerveaux qui vont quitter. Ce n’est pas le reste des mesures qui va empêcher les gens de quitter. On va travailler avec le gouvernement pour l’application rapide de mesures pour vraiment être certains qu’on garde nos compagnies, qu’on les exploite davantage et qu’on crée de la valeur au Québec.

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