Une nouvelle réglementation tarira le marché volontaire du carbone


Édition du 31 Mai 2014

Une nouvelle réglementation tarira le marché volontaire du carbone


Édition du 31 Mai 2014

Par François Normand

[Photo : Bloomberg]

Le marché volontaire du carbone, sur lequel des PME peuvent actuellement vendre leurs réductions d'émissions de gaz à effet de serre (GES), se tarira en 2015, affirme Gontran Bage, directeur chez Raymond Chabot Grant Thornton et spécialiste en gestion des GES. De quoi décourager les petites entreprises d'améliorer leur bilan carbone ? Pas nécessairement, explique le spécialiste.

À l'heure actuelle, si une PME manufacturière réduit de 10 % sa consommation de gaz naturel parce qu'elle a investi dans de l'équipement moins énergivore, elle peut monétiser cette réduction sur le marché volontaire, au prix de 5 $ la tonne équivalent CO2. Mais à compter du 1er janvier 2015, c'est son distributeur d'énergie qui pourra disposer du gain découlant de cette réduction.

Pourquoi ? Parce qu'à partir de cette date, les distributeurs de carburants fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon) évolueront dans un marché réglementé, le Système de plafonnement et d'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre (SPEDE) du Québec et de la Californie. Et dans ce système, ils devront compter dans leurs émissions de GES celles issues de l'utilisation de leurs carburants par leurs clients.

«C'est pour cette raison que les PME ne pourront plus vendre comme auparavant leurs réductions sur le marché volontaire», dit M. Bage. Leurs réductions appartiendront à leur distributeur d'énergie, comme Gaz Métro ou Ultramar.

Dans le SPEDE, les participants se vendent des droits d'émission non utilisés. Par exemple, un grand émetteur qui a réduit ses émissions de GES peut avoir besoin de moins de droits qu'il n'en a reçu ou acheté du gouvernement du Québec, et revendre les droits excédentaires à un autre grand émetteur, qui, lui, a besoin de compenser davantage de rejets de GES.

L'arrivée des distributeurs de carburant change la donne

Jusqu'à présent, et depuis janvier 2013, seuls 45 grands émetteurs de GES au Québec (qui émettent plus de 25 000 tonnes équivalent CO2 par année), comme Cascades ou Rio Tinto Alcan, y étaient assujettis. «L'arrivée [en janvier] des distributeurs de carburants dans SPEDE changera toutefois la donne», indique M. Bage.

Faute de pouvoir monétiser leurs efforts de réduction sur le marché volontaire, les PME auront toutefois encore intérêt à continuer de réduire leurs émissions, assure le spécialiste en gestion environnementale chez Raymond Chabot Grant Thorton. Car, à moins d'une surprise de taille, les distributeurs de carburants qui devront acheter des droits d'émission dans le marché réglementé refileront la facture à leurs clients (entreprises et institutions).

En 2015, un distributeur devra payer un peu plus de 11 $ la tonne pour ce droit. Une PME cliente qui ne ferait aucune réduction de GES devrait assumer ce coût de 11 $. Pas une entreprise concurrente qui réduirait son empreinte carbone. «La PME efficace aura une dépense évitée de 6 $ par tonne [11 $ - 5 $] face à sa rivale.»

***11,39 $ - Le prix plancher de la plus récente vente aux enchères de droits d'émission de gaz à effet de serre (GES) du gouvernement du Québec, qui a eu lieu le 27 mai, était de 11,39 $ la tonne.
Source : Ministère du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs

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