Où sont les futurs espoirs miniers au Québec?


Édition du 22 Avril 2017

Où sont les futurs espoirs miniers au Québec?


Édition du 22 Avril 2017

Par François Normand

Depuis un siècle, le Québec a vu naître plusieurs pôles miniers tels que ceux de Rouyn-Noranda et de Val-d'Or. Où pourraient être les prochains ? Des spécialistes de l'industrie en ont ciblé au moins cinq, dont le potentiel varie grandement, tout comme les défis économiques et logistiques.

Le Québec a encore un grand potentiel minier pour les décennies à venir, et il compte au moins cinq régions qui pourraient devenir un jour de nouveaux «camps miniers», affirment des spécialistes de l'industrie interviewés par Les Affaires.

Un camp minier est un territoire ou une région où se trouvent plusieurs mines actives. Le Québec en abrite déjà quelques-uns, dont celui de Val-d'Or, où l'on retrouve notamment les mines d'or de Mine Richmont, d'Agnico Eagle et de Yamana Gold.

Une région qui n'abrite qu'une seule mine, comme la mine de diamants Renard de Stornoway, au nord de Chibougamau, n'est pas considérée comme un camp minier. Cela dit, un territoire ne comptant qu'une mine active a le potentiel de devenir un jour un camp minier si de nouveaux gisements y sont découverts et exploités un jour.

Or, le Québec est encore largement inexploré, souligne le géologue Jean-Marc Lulin, président et chef de la direction d'Exploration Azimut. À ce jour, 90 % des découvertes minières y ont été faites entre 0 et 100 mètres de profondeur, et ce, sur 0,03 % du territoire.

Des conditions à réunir

Rien ne garantit que ces camps miniers naissent un jour, car plusieurs «conditions gagnantes» doivent être réunies, disent les spécialistes. Rien ne garantit en fait même qu'une seule mine y sera aménagée.

Il faudra d'abord démontrer qu'il y a une quantité suffisante de minerai dans le sol pour justifier le développement d'une mine, une démonstration et des investissements qui s'étendront sur plusieurs décennies.

Le prix des métaux est aussi un enjeu. Car, même si on retrouve du minerai en grande quantité, de faibles prix ne permettront pas toujours d'exploiter la ressource. Plusieurs projets de mines de fer se retrouvent d'ailleurs aujourd'hui dans cette situation.

Le financement est un autre enjeu. Sans investissements à long terme, une entreprise peut difficilement construire une mine, même si elle se trouve sur un gros gisement.

Enfin, les enjeux logistiques sont des incontournables. Si une société ne dispose pas d'infrastructures dans une région (routes, chemins de fer, ports, aéroports, etc.), elle pourra difficilement y exploiter une mine, même si la ressource est abondante et que les prix y sont élevés.

En gardant cela à l'esprit, voici les cinq camps miniers potentiels déterminés par nos spécialistes sur l'ensemble du territoire québécois :

Dans le secteur de la mine d'or Éléonore, à la Baie-James ;

Dans celui des mines de nickel de Raglan et Nunavik Nickel, à l'extrémité nord du Québec, dans la ceinture Cape Smith ;

Dans la fosse du Labrador, au nord de Schefferville, où les gisements de fer sont nombreux ;

Autour du projet aurifère Windfall, à 200 kilomètres au nord-est de Val-d'Or ;

Autour du site d'exploration Coulon, dans les gisements de zinc-cuivre-argent, à la Baie-James.

1 Le secteur de la mine Éléonore : Or

Tous les spécialistes que nous avons interviewés sont formels : la région encerclant la mine d'or Éléonore, de Goldcorp, a un potentiel de camp minier. C'est en fait l'espoir minier numéro un du Québec.

«Non seulement il y a des dépôts autour de la mine, mais Éléonore dispose d'infrastructures que d'autres mines pourraient utiliser», souligne André Gaumond, le géologue qui a découvert le gisement d'or au début des années 2000.

Le projet d'exploration Cheechoo de Ressources Sirios, situé à l'est de la mine Éléonore, a un grand potentiel pour devenir une mine, affirme à son tour son PDG, Dominique Doucet. «Avec les données à notre disposition, je pense que les probabilités qu'une mine voit le jour s'élèvent à environ 66 %», dit-il, sans toutefois donner d'échéancier précis.

Ce n'est cependant pas gagné d'avance. D'ici la fin de 2017, l'entreprise espère ajouter de 20 000 à 25 000 mètres de nouveaux forages. Elle doit aussi investir beaucoup d'argent pour confirmer le potentiel du projet. «Cette année, nous devrions investir entre 5 et 8 millions de dollars», précise M. Doucet.

Exploration Azimut est une autre entreprise bien positionnée dans le secteur. Elle y possède quatre propriétés aurifères (Éléonore sud, Opinaca A, Opinaca B et Opinaca D). Et elle investit toujours pour faire de l'exploration dans ces secteurs.

«Les possibilités d'arriver à une découverte sont élevées», dit avec prudence le président et chef de la direction de la société, Jean-Marc Lulin.

Goldcorp n'est pas non plus en reste. La minière dispose encore de propriétés sous-explorées autour de la mine Éléonore, précise la porte-parole Christine Marks. «Notre priorité est d'augmenter le rendement minier sous-terrain», dit-elle.

Enjeu logistique : la région est bien desservie par les infrastructures déjà construites par Goldcorp (la route d'accès, par exemple), qui pourraient un jour profiter à d'autres minières, selon Robert Sauvé, PDG de Société du plan Nord. «Il faut que les infrastructures soient multiusagers.»

2 Autour des mines Raglan et Nunavik Nickel : Nickel

La directrice générale de l'Association de l'exploration minière du Québec, Valérie Fillion, estime que la ceinture de Cape Smith (à la pointe nord du Québec) est clairement un camp minier en formation, car on y retrouve déjà deux mines de nickel actives.

La première mine, Raglan, appartient à Glencore, tandis que la seconde, Nunavik Nickel, est exploitée par Canadian Royalties. Il y a aussi des projets d'exploration à l'ouest des deux mines, dont le projet d'exploration nickélifère West Raglan, propriété de Royal Nickel.

Glencore travaille en outre actuellement sur le projet Sivumut, qui vise à prolonger la durée de vie de la mine Raglan.

«Le projet Sivumut comprend deux phases supplémentaires. Elles seraient déployées sur la propriété actuelle de Mine Raglan et nous permettraient de poursuivre nos activités jusqu'en 2038», explique la porte-parole, Élise Cayouette.

Il s'agit d'un projet qui nécessiterait un investissement d'un milliard de dollars (G $), avec une production pourrait débuter en 2020.

Afin d'en réduire l'impact, Glencore a conçu le projet de façon à poursuivre l'utilisation des infrastructures existantes, qui comprennent entre autres des complexes d'hébergement, des centrales électriques ainsi que des installations portuaires et aéroportuaires.

Toutefois, il faudra construire de nouvelles mines et des infrastructures de support (route d'accès, bâtiment de service, etc.).

Enjeu logistique : le PDG de la Société du plan Nord, Robert Sauvé, estime que le principal enjeu sera d'élargir la route qui part des mines Raglan et Nunavik Nickel pour se rendre jusqu'aux infrastructures portuaires situées dans la Baie-Déception, sur le détroit d'Hudson, à une centaine de kilomètres plus au nord.

3 La fosse du Labrador : Fer

La fosse du Labrador s'étend grosso modo du réservoir Manicouagan à la baie d'Ungava. Cette région, qui regorge de fer, pourrait un jour devenir un camp minier au nord de Schefferville, selon Georges Beaudoin, professeur de géologie à l'Université Laval.

Tata Minerals Steel Canada, qui exploite déjà la mine de fer à enfournement direct DSO, à Schefferville, est du même avis.

«Oui, il y a du potentiel avec les nombreux projets en cours ou ceux qui sont à l'étude, comme le projet Nu-Tac, de notre partenaire New Millenium Iron Corp», indique Armand Mackenzie, vice-président affaires gouvernementales et relations publiques.

À compter de cet automne, Tata pourrait d'ailleurs commencer à produire du fer à son gisement Good Wood, situé au nord-ouest de Schefferville. Il s'agit d'une mine à ciel ouvert.

La mine de fer du Lac Otelnuk, propriété de Sprott Resources Holdings (une coentreprise formée de la canadienne Adriana Resources et de l'aciériste chinois Wisco), est un autre projet potentiel.

Son exploitation pourrait toutefois prendre encore bien des années. «Actuellement,il n'y a pas de plan de démarrage de la production», affirme Michael Harisson, directeur général chez Sprott

La faiblesse du prix du fer est le principal obstacle au démarrage de ce projet, selon lui. Depuis leurs sommets de février 2011, les cours ont fondu de 54 % pour atteindre environ 87 $ US la tonne. Plusieurs analystes doutent en outre que les cours maintiennent ce niveau dans les prochains mois.

Enjeu logistique : le PDG de la Société du plan Nord, Robert Sauvé, affirme que les infrastructures représentent un enjeu majeur. «On doit sortir le minerai de fer de la région par train.» Actuellement, un chemin de fer relie Sept-Îles à Schefferville. Il faudra le prolonger pour rejoindre une éventuelle mine de fer au Lac Otelnuk, à 170 kilomètres au nord de Schefferville. Ce projet pourrait coûter des centaines de millions de dollars. Par ailleurs, la récente annonce d'un projet d'investissement de 100 M $ pour transformer les installations de la Société ferroviaire et portuaire de Sept-îles en un site industriel et un quai de transbordement multiusager pourrait aussi contribuer au bon fonctionnement d'un éventuel camp minier dans la fosse du Labrador.

4 Le secteur du dépôt Windfall : Or

Même si aucune mine n'est active dans cette région ou n'est en voie de l'être à moyen terme, le géologue Jacques Bonneau estime que le secteur situé autour du dépôt d'or Windfall, propriété d'Osisko, pourrait devenir un camp minier - ce territoire est situé à quelque 200 km au nord-est de Val-d'Or.

L'analyste Raj Ray, de Financière Banque Nationale, pense de la même façon. «Windfall est un projet à teneur relativement élevée en or, qui est situé dans la région sous-explorée de roches vertes Urban-Barry. Osisko détient 40 % de la ceinture, qui, à nos yeux, a le potentiel de devenir un futur camp minier», écrit-il dans une récente note de recherche. M. Bonneau souligne que beaucoup de minières y font du forage. «C'est la région la plus hot du Québec. On pourrait bien y voir un jour deux, trois, voire quatre mines», dit celui qui a notamment travaillé pour la Société québécoise d'exploration minière (SOQEM).

Minière Osisko est le principal acteur dans la région. L'entreprise détient les projets d'exploration Windfall et Urban Barry. Le dépôt Windfall a été découvert en 2004. À la fin de 2016, Osisko y avait investi environ 55 M $. Cette année seulement, la minière prévoit faire des forages (verticaux et horizontaux)totalisant 250 000 mètres.

Cela dit, Osisko est toujours en train d'évaluer le potentiel de dépôt, précise Robert Wares, vice-président exécutif, exploration et développement des ressources. «On ne verra pas de mine avant quatre ans environ.»

D'autres minières ont des projets d'exploration dans la région. La société d'exploration Bonterra Resources a le projet Gladiator, qui s'étend sur 7 563 hectares. Pour sa part, Exploration Amseco a un projet d'exploration dans le secteur Urban.

Enjeu logistique : il n'y en a pas vraiment, car le territoire est bien desservi par le réseau routier existant, selon Robert Sauvé, PDG de la Société du plan Nord. L'hébergement est aussi déjà en grande partie disponible. «Une ville, Lebel-sur-Quévillon, peut même accueillir les travailleurs miniers», dit-il. Cette municipalité est située à environ 115 km à l'ouest de Windfall.

5 Le secteur du dépôt Coulon : Cuivre, argent, zinc

Au moins trois spécialistes - André Gaumond, Jacques Bonneau et Valérie Fillion - affirment que la région située autour du dépôt de métaux communs Coulon (cuivre, argent, zinc), propriété d'Osisko, a le potentiel de devenir un jour un camp minier.

André Gaumond, administrateur chez Redevances Aurifères Osisko, souligne que Coulon abrite d'importantes ressources de zinc.

Par contre, chez Osisko, on est moins sûr du potentiel de Coulon comme camp minier, du moins dans l'état actuel des connaissances.

«On est encore loin d'un camp minier», affirme Robert Wares, vice-président exécutif, exploration et développement des ressources. M. Wares dit cependant ne pas douter que Coulon deviendra un jour une mine, qui regroupera plusieurs gisements. Cependant, ce ne sera pas avant cinq ans, selon lui.

L'implication de trois partenaires institutionnels dans le projet Coulon - la Caisse de dépôt et placement du Québec, le Fonds de solidarité FTQ et la société en commandite Sidex - confirme qu'Osisko n'est pas la seule à voir son potentiel.

Les trois organisations détiennent une participation de 20 % dans le projet, tandis qu'Osisko en a une de 80 %.

Enjeu logistique : le PDG de la Société du Plan Nord, Robert Sauvé, affirme que le décloisonnement de la région avec une route est le principal enjeu. Cela permettrait d'accélérer l'exploration autour de Coulon. Les pourvoiries pourraient aussi en profiter. L'accès à un aéroport d'Hydro-Québec, non loin, est un autre enjeu pour Osisko. «Nous avons des discussions exploratoires avec Hydro-Québec pour voir comment faire en sorte que cet aéroport ait une utilité plus multiusager.»

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